Six Organs of Admittance – Time is Glass
Six Organs of Admittance fait partie de ces projets dont les sorties sont si nombreuses que je me dois de confesser mon manque d’assiduité les concernant. Je réalise en consultant sa page discogs tout ce que j’ai raté depuis 2005, l’année où j’ai découvert ce qui n’était alors pour moi que le side-project du guitariste de Comets on Fire. Depuis, ce groupe n’existe plus et Ben Chasny a continué son projet perso en étant hyper productif, jusqu’à aujourd’hui et la sortie de son dernier né, Time is Glass, son 21ème album.
Si l’on considère, en schématisant salement le truc, que la musique de Six Organs of Admittance se divise en deux grandes tendances, à savoir d’une part la folk ultra intimiste et mélodique et d’autre part l’expérimentation psychédélique et drone, Time is Glass est clairement à ranger dans la première, tout en haut de la pile.
Le disque s’ouvre avec la très belle « The Mission » qui ravive en moi la fascination que j’ai pu éprouver à l’égard de Ben Chasny. Sa voix douce et froide, posée sur la même étrange guitare, a laissé une marque dans ma mémoire plus profonde que je ne l’aurais cru. Presque instantanément, je me suis retrouvé sous le charme de cette berceuse et de vagues souvenirs sont remontés sans que je ne sache s’ils étaient réels ou fantasmés.
L’album est assez court et alterne morceaux instrumentaux dépouillés et chansons folk délétères. « Spinning in the River » penche vers la seconde catégorie et installe une atmosphère lugubre et plaintive dans laquelle la voix est d’une fragilité bouleversante jusqu’à ce qu’un énorme riff doom vienne la découper et nous tirer de notre torpeur par la même occasion. Ce sera le seul moment brutal du disque, le seul qui verra Chasny autrement que contemplatif et mélancolique, à l’exception peut-être de l’instrumental « Summer’s Last Rays » qui le voit endosser un costume évoquant davantage la langueur épique d’une bande de gauchos en rupture de ban que celui de l’amoureux éconduit murmurant son spleen au coin du feu comme dans « My Familiar ». Dans tous les cas, il ne se contente jamais de simplement interpréter ses magnifiques compositions, il les agrémente systématiquement d’ornementations discrètes et délicates que l’on ne remarque qu’après de nombreuses écoutes attentives.
Une des raisons qui me pousse à souligner la qualité de Time is Glass est qu’il m’a permis de repositionner Six Organs of Admittance dans ma discothèque mentale et qu’il m’a fait réaliser à nouveau à quel point Ben Chasny est talentueux. J’ai compris qu’il était encore capable de m’émouvoir durablement grâce à ses mélodies et grâce à sa voix.
Une autre raison se trouve dans le communiqué de presse que j’ai reçu et qui classait l’album dans la catégorie ecosystem goth… Qu’est-ce donc que l’ecosystem goth et en quoi Time is Glass en est une émanation ?
J’ai parfois l’impression que les attachés de presse sont pour les amateurs de musique ce que les curés sont pour les amateurs de fables… De beaux parleurs qui inventent une histoire au fur et à mesure qu’ils trouvent des gens simples pour y croire. Ça fonctionne pour le pire quand on voit le succès d’un groupe comme Idles (on se dit vraiment que le meilleur membre du groupe est l’attaché de presse), mais ça fonctionne aussi pour le meilleur quand on se retrouve confronté à un terme aussi énigmatique et porteur de promesses que celui d’ecosystem goth… Nonobstant le fait que Time is Glass est un album d’une indéniable qualité, il porte en lui le mystère vibrant d’une terra incognita qui s’étend à nos pieds jusqu’à l’horizon… l’ecosystem goth… sa culture, ses codes, son look, ses chefs de file, ses copycats ? Tant de questions aujourd’hui sans réponses qui ne me laissent d’autre choix que d’enfiler mon imper et de me mettre au travail pour tenter de résoudre cette énigme qui hante mes nuits et mes jours… sans exagération aucune.
Max