RVG – Brain Worms

Publié par le 22 août 2023 dans Chroniques, Incontournables, Toutes les chroniques

(Fire Records, 2 juin 2023)

Je n’avais écouté aucun des deux premiers albums du groupe de Melbourne RVG (ex-Romy Vager Group, du nom de sa chanteuse-guitariste) avant de me prendre la claque monumentale qu’est ce Brain Worms, sorti en juin dernier, mais qui mérite bien ici une petite chronique de rattrapage. Feral, le précédent album, avait pourtant fait pas mal de bruit dans le landerneau indie rock, mais que voulez-vous, on ne peut pas tout écouter (et à l’heure où j’écris ces lignes, je ponce encore suffisamment ce disque pour aller écouter celui qui l’a précédé…).

C’est sur la foi de très bons échos (notamment sur le groupe Facebook « J’écoute une K7 de la vedette » et la chronique express du non moins excellent Daniel Yeang) que je me décidai à sauter le pas, découvrant la vidéo de « Midnight Sun » et le mois qu’on puisse dire, c’est que je n’ai pas été déçu. J’ai été immédiatement happé par la fougue de la chanteuse, les guitares tranchantes, la rythmique précise, le lyrisme exacerbé mais pas pompier de l’ensemble, la production très propre et claquante rappelant des groupes comme The Waterboys ou Echo and the Bunnymen, c’est-à-dire le volant un peu populiste du post-punk, celui qui cherchait à s’adresser à un large public via un big sound aussi épais qu’efficace. C’est le son qui a été, d’une certaine manière, réhabilité dans l’indie rock par l’album Lost in the Dream de The War on Drugs mais qui ici trouve son expression la plus directe. C’est évidemment la chanteuse Romy qui est le centre de l’attention. Son timbre rappelle des voix masculines androgynes. La première impression, peut-être agaçante, est celle d’entendre Brian Molko mais bon… on a sans doute un peu trop oublié que, caché derrière les couches de médiocrité sous lesquelles Placebo est allé s’enterrer ces quinze (vingt ?) dernières années, il y avait au départ un grand chanteur au timbre passionné. Et puis, fouillons un peu plus et on va trouver du Mike Scott, du Adrian Borland et même du Siouxsie Sioux. En outre, les paroles sont simples mais la manière dont elles sont envoyées fait terriblement mouche. Frissons garantis quand elle chante « Yeah I know / That talking to you doesn’t work anymore / But if you change your mind / I will be waiting for you to come home ».

Si « Midnight Sun » fait partie des highlights du disque, il ne s’agit pas pour autant de la seule bonne chanson. En fait, Brain Worms respecte la promesse « all killers, no fillers » des disques de power pop des années 70. Toutes les mélodies sont mémorables même si le groupe semble ici avoir une préférence pour des mid-tempos voire des ballades. « It’s Not Easy » emprunte la suite d’accords de « Just Like Heaven » mais le travail des guitares est suffisamment passionnant pour pardonner cette petite facilité. Un peu plus loin, c’est avec « Squid » que le groupe signe un deuxième carton. Morceau krautrock à la rythmique entêtante, c’est une autre occasion pour Romy de faire briller son timbre avec le refrain viscéral « Don’t go back in time / It’s not worth it » dont on sait déjà qu’en live, il va faire très mal… Je ne vais pas citer un par un tous les morceaux de l’album, je me contenterai juste de dire que si, comme moi, vous succombez à ce mélange de post-punk chirurgical et de jangle pop efficace, chacun d’entre eux deviendra, à tour de rôle, votre préféré de l’album. Ce disque à la fois propre et pourtant poisseux et addictif est bien parti pour être mon disque de 2023 même si je vous confirmerai cela dans quatre mois environ !

Ah, oui, j’ai oublié un détail : Romy Vager est une femme trans. Il est clair que les textes, relativement cryptiques pour être sujets à interprétation et donc universels, y font çà et là référence, mais vous savez quoi ? Je crois que ce n’est pas cela qui importe. Ce qui importe, c’est qu’on a affaire à une très grande personnalité et une artiste sur laquelle il va sans doute falloir compter, qui mène de main de maître l’un des combos les plus efficaces de la nouvelle scène indie-rock. Et d’ailleurs, si le groupe joue en décembre au festival Les Femmes S’en Mêlent, c’est sans doute signe de normalisation et de dé-stéréotypisation. Et ça, c’est une aussi bonne nouvelle que la sortie de ce disque fabuleux que j’ai vraiment hâte de voir porté sur scène.

Yann Giraud

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