Quicksand – Distant Populations
À l’exception de Dinosaur Jr, on ne croule pas sous les exemples de groupes parvenant à faire quasiment l’unanimité lorsqu’ils se reforment (et pourtant, les retours réussis sont légions mais, que voulez-vous, la mode du “c’était mieux avant” semble avoir encore de beaux jours devant elle). Avec Interiors, paru fin 2017, le retour de Quicksand, rompant 22 ans de silence discographique, avait été salué avec grand enthousiasme. Presque trop, si vous voulez mon avis (et a priori vous le voulez, sinon barrez-vous) mais ce genre d’adoubement est suffisamment rare pour faire les fines-bouches et ne pas s’en réjouir. Sans parler de miracle, on avait affaire à un disque de très bonne tenue, qui avait en outre la bonne idée de donner un léger lifting au son de Quicksand. Moins complexe, plus aérien, moins Fugazi, plus Deftones. Pour faire simple. Et un peu con.
Distant Populations se situe plutôt dans la continuité. Au rayon des envolées notables, “Brushed” et “Phase 90” se démarquent d’emblée (la première brise en sus quelque peu la dynamique très agressive du début d’album avec sa batterie presque trip hop et ce qui s’apparente à des bribes électroniques en introduction). Dans les deux cas, les mélodies sont superbes et Walter Schreifels se montre très en verve et en voix. Ne jamais oublier que ce Monsieur est un remarquable chanteur.
Producteur très en vogue, Will Yip (Nothing, Turnstile, Caspian, Code Orange…) a encore fait du bon boulot. Le disque ne manque ni de dynamique ni de puissance. Il est aussi percutant que précis et rigoureux. Personne n’osera dire que “Inversion” ne constitue pas une attaque frontale de poids en ouverture. “Colossus” fait également étalage d’un riff fracassant, et en fin d’album “EMDR” exhibe ses muscles saillants, tandis que la basse et la guitare de l’excellent “Rodan” labourent généreusement le sol, main dans la main.
Voilà pour la distribution des bons points. Passons désormais, non pas aux choses qui fâchent, mais aux sujets plus sensibles. Ce disque, sans atteindre d’inoubliables moments de grâce, peut se targuer d’offrir d’appréciables montées d’adrénaline mais souffre également de quelques creux dommageables. Certains morceaux ne cassent pas des briques sans mériter pour autant qu’on leur en jette non plus. C’est le cas de “Katakana” ou “The Philosopher” qui sonnent déjà entendus et rarement retenus. Pas le genre de morceaux sur lesquels tu bâtis une carrière. Même le single “Missile Command” n’est pas loin de rejoindre les cancres (mais on ne peut lui enlever ni son efficacité ni sa ligne de basse).
Distant Populations n’est donc pas plus (ni moins) miraculeux que son prédécesseur, on ne se relèvera pas nécessairement la nuit pour l’écouter mais c’est un disque tout à fait honorable qui permet de s’assurer que Quicksand n’a rien d’un mort-vivant remis sur pied après quelques rafistolages de fortune et en dépit d’un manque d’âme criant. Il s’agit d’un groupe solide, qu’on a du mal à imaginer s’approcher à nouveau de son sommet Slip (1993, quand même…) mais qui pourrait fort bien continuer de livrer de (très) bons albums, à même de satisfaire nostalgiques des 90s et du groupe, voire curieux qui poussent la porte. Plus de trente ans après ses débuts, on a connu des évolutions moins glorieuses.
Jonathan Lopez