Witch – Witch (Tee Pee)
2006 : Je vois Dinosaur Jr en concert pour la première fois avec leur line-up originel. Je prends une des claques musicales de ma vie, et je deviens vite accro à leur discographie. Je me rue sur leur nouveaux albums quand ils sortent et je vais les voir dès que je peux, je tombe également vite en manque car ils ne passent pas près de chez moi et ne sortent pas d’albums aussi vite que mon envie de les voir ne revient. Je pars donc à la découverte de leurs side-projects.
Je tombe sur ce disque, simplement intitulé Witch avec cet autocollant qui me refroidit immédiatement “le nouveau projet stoner/doom metal de J Mascis“. J’ignore ce qu’est exactement le “stoner/doom metal”, mais allergique au metal extrême et circonspect sur le stoner en dehors de Kyuss, je laisse celui-ci de côté, déjà bien occupé à explorer les albums de Sebadoh.
2008 : Depuis l’été dernier (une malheureuse date au Rock En Seine), Dinosaur Jr n’est pas repassé en France, et leur tournée ne prévoit aucune étape dans l’hexagone. Je suis en manque sévère, au point de faire le déplacement jusqu’à Cologne pour les revoir. Cependant, j’apprends que J Mascis passe en France à l’automne pour son side-project Witch. Son truc de “doom metal”. Bon, je vais quand même y jeter une oreille.
Depuis 2006, ils ont sorti un nouvel album, d’où la tournée, mais je me tourne directement vers celui que j’avais boudé deux ans auparavant, avec une légère appréhension. Je le mets dans ma platine et je serre les dents.
Et là, je maudis purement et simplement les étiquettes, car ce disque est une tuerie. “Ah, ok, donc “stoner/doom metal”, ça veut juste dire du Black Sabbath !” me dis-je. Petite nuance, qui a dû leur valoir le terme de stoner, le son est propre et moderne, avec une chouette fuzz bien mise en avant. J’ai lu je ne sais plus où que les groupes du désert à l’origine du mouvement stoner cherchaient à reproduire le son de Black Sabbath, et je pense qu’aucun n’en a été aussi proche que Witch.
Bon, on va évacuer d’emblée la critique la plus évidente. Ce groupe n’a rien inventé. Certes. Je ne suis pas le dernier à être frustré à l’écoute d’un nouveau disque en me disant “oui, c’est sympa, mais ça ressemble beaucoup trop à tel ou tel groupe.” Je fais cette critique régulièrement, et ça m’a gâché plusieurs écoutes, occulter ce point chez Witch serait hypocrite de ma part. Sauf que pour une fois, je l’écarte assez facilement en constatant que certes, Witch fait purement et simplement du Black Sabbath sur son premier album, mais en mieux.
Attention, je ne dis pas que ce disque retire au groupe d’Ozzy et Iommi le mérite d’entrer à jamais dans l’histoire du rock pour son statut de pionnier indiscutable. Je dis simplement que les albums de Sabbath ont tous leurs longueurs, même leurs meilleurs qui sont le premier et Paranoid, et que le groupe dévie facilement dans le hard rock démonstratif limite chiant (voire parfois carrément chiant). Je ne parle même pas de la mauvaise partie de leur carrière. En fait, Witch réussit avec son premier disque à faire l’album parfait que Black Sabbath n’a jamais sorti. Bon, il n’y a que 7 titres, mais c’est peut-être mieux comme ça ! Ici, les tubes irrésistibles sont “Seer”, le morceau introductif avec son riff qui devrait mettre tout le monde d’accord, “Hand Of Glory” avec son refrain entêtant ou “Isadora” qui, si elle démarre un peu poussivement offre un final de messe noire absolument parfait. Et le reste… et bien difficile de parler des morceaux les plus faibles parce qu’il n’y en a pas vraiment. Peut-être “Rip Van Winkle”, qui est quand même une chouette démonstration guitaristique, ou “Changing” qui montre tout de même un art de la cassure parfaitement maitrisé. Le reste est tout bonnement excellent.
En fait, Witch a su s’approprier tout ce qui fait la qualité de Black Sabbath, l’ambiance satanique psyché qui fleure bon la magie noire et les vieux livres de sorcellerie, les riffs imparables, les prouesses de guitariste juste ce qu’il faut, la session rythmique réglée comme une montre suisse avec les changements de rythme toujours bienvenus et bien en place, et y ajouter ses petites touches, un son modernisé avec la fuzz bien comme il faut et des petites influences punks qui mènent le tout à la perfection. La qualité de la session rythmique démontre si besoin était que J Mascis est tout aussi bon batteur que guitariste, avec un style discret dont la maitrise est néanmoins flagrante, mais le mérite général revient quand même à Kyle Thomas, chanteur/guitariste et compositeur principal, qui six ans plus tard proposera une variation tout aussi réussie sur le thème du glam rock 70s sous le nom de King Tuff avec son album du même nom. Malheureusement, Witch de Witch sort dans l’indifférence quasi générale, de même que leur deuxième disque qui vaut également son pesant de cacahuètes et dont je vous parlerai sans doute une autre fois. Le concert était excellent, au passage.
2013 : La presse musicale indé s’enthousiasme unanimement sur Fuzz (y compris nous, NDRC), le nouveau side-project de son chouchou Ty Segall. Tout le monde s’accorde à dire que cette réinterprétation rétro du hard des années 70, Black Sabbath en tête, est un coup de génie. Personnellement, j’ai déjà pris ma claque quelques années plus tôt avec un disque qui proposait la même démarche en beaucoup mieux. Et avec Mascis à la place de Segall, je pense qu’il n’y a pas photo.
BCG