PoiL – Brossaklit (Dur Et Doux/AltrOck)
Difficile de ne pas prendre ses jambes à son coup à la première écoute de Brossaklit. On est au mieux décontenancé, au pire apeuré par cette musique qui semble n’avoir aucune véritable ligne directrice, aucune logique. Un vrai foutoir, l’antithèse de la musique diront certains…
Que nenni ! Ces fantasques énergumènes ont plein d’idées et ont juste envie d’en caser le plus possible dans un seul et même morceau, le faire évoluer constamment, lui faire raconter une histoire. Et ça marche ! “Fionosphère” (joli titre), long de plus de 10 minutes, joue avec les ambiances, change invariablement de tempo, pour finalement convoquer Pacman à une confrérie moyenâgeuse (enfin c’est comme ça que je l’ai ressenti). On est en plein surréalisme musical.
Souvent délirant (parfois un peu trop pour qu’on les suive), totalement barré, il faut reconnaître à ce trio de poilus une vraie cohérence dans ce labyrinthe sonore qu’ils ont créé. Ça part dans toutes les directions, mais avec maîtrise. Les transitions sont improbables mais réussies.
Habitué de l’entrejambe, Poil n’a jamais peur du grand écart. Sur “Mao”, les couplets en mode Daft Punk japonais vocoderisé, contrastent avec le refrain très mélodique dans ce qui semble être du chant en portugais. “Patachou” erre avec bonheur entre human beatbox, hard rock-neo métal et danse de claviers dégingandés. Selon les humeurs, on passe de “Patachou” à “Chatapou”. Les linguistes apprécieront.
La sautillante “Brossaklit”, sorte de ska fou rappé, vaut également son pesant de cacahuètes. Les voix sont utilisées comme des instruments à part entière. Quasiment aucune parole intelligible (on perçoit par ci par là des références à l’arrière-train) mais des sons qui viennent se greffer sur les instruments, comme des onomatopées venant appuyer le discours.
Sans toutefois égaler son génie on retrouve des similitudes avec les délires de Mike Patton sur Mr Bungle (“Goddog”, très réussie). Si les réfractaires au genre ne verront sans doute pas la lumière et resteront ancrés sur leur position, les plus ouverts d’esprit, nostalgiques de Zappa, se réjouiront devant la créativité des bonhommes et le constant contre-pied proposé.
L’album est malgré tout un poil long (presque 1h) et il n’est pas difficile de perdre pied dans ce dédale hystérique (ne pas devenir timbré à l’écoute des 14 minutes de “Pikiwa” peut relever de l’exploit). Plus de concision lui aurait sans doute permis de gagner en efficacité. Mais on chipote.
Au final, Brossaklit se révèle au pire un truc de fou trop complexe pour être apprécié à sa juste valeur, au mieux un excellent disque expérimental, innovant et déroutant. Ne jamais se fier à sa première impression.
JL