ÖFÖ AM – Octopus Vulgaris

S’il est un groupe dont l’évolution musicale n’a jamais tourné à vide et dont la discographie a suivi un plan rigoureusement logique, catalysée par de modestes ambitions, ÖFÖ AM tisse son récit dans une dystopie futuriste assez réaliste en vue de la lente dégradation de notre planète. Dans l’épaisseur des timidités, mais porteuses d’un message au travers de sa musique hautement mélodique, la tête pensante du groupe Antoine, écrit l’histoire dans un croisement entre le film Soleil Vert et la BD Je suis vivant mais j’ai peur ,de Gilbert Deflez.
Dernier passage dans notre galaxie en 2019 avec le Tales From Outerspace, visible à travers un télescope, voyageant à la vitesse d’une lumière émise depuis un étrange vaisseau, le trio remet le pied à l’étrier, chevauchant comètes et étoiles pour nous attraper et nous emmener là-haut aux confins des constellations. Ainsi, le cortex est touché, et sa membrane profondément pénétrée par une musique puissante et suave. L’album démarre avec un hymne divinement accrocheur, « Space/Mutation », que le groupe joue régulièrement sur scène pour la plus grande joie de son public. Derrière cet air intentionnellement exalté, se cachent une myriade d’histoires dont le titre suivant, « Octopus Vulgaris », hautement stoner, est l’illustration. On songe à Karma To Burn dont un split avait été gravé en 2010 et plus près de nous avec Lahius sur Head Records, mais aussi à The Atomic Bitchwax.
Réduire ÖFÖ AM à un groupe stoner, c’est méconnaître les intentions du trio montpelliérain, à savoir la propension à inventer un récit fictif, incarné par une pieuvre génétiquement modifiée, Octopus Vulgaris, personnage central autour duquel l’humanité se désagrège, le destin étant voué à une lutte quotidienne, une survie impitoyable que « Vulcano » laisse entrevoir avec des arpégiateurs qui s’insèrent à merveille dans l’odyssée musicale de onze titres, tous reliés par cette trame hautement mélodique, avec une rythmique rebondissante, basse et batterie déboulant à coups de tentacules ! Le laboratoire musical du trio dépasse celui qu’il a imaginé et pourrait faire l’objet d’une bande dessinée. « Genetic Mutilation » fait l’effet d’une ventouse, tapissée de riffs de synthés acides, il devient difficile de se séparer comme ça de cette bestiole qui se colle aux parois de votre pavillon auditif ! « Radioactive Cult » explose jusqu’à un solo démentiel et une fin monumentale. Le disque est parsemé de trois titres faisant office de parenthèses, « Vortex » prend des airs de western interstellaire, de déserts spatiaux. ÖFÖ AM nous permet de prendre conscience des enjeux qui sont en train de modifier notre chimie, notre environnement et l’idée que le progrès pourrait générer un positivisme illusoire. Écouter Octopus Vulgaris, est en soi un réel plaisir tout en étant un manifeste. Mission accomplie !
Frank Irle