Merci Mark Lanegan
Bordel. Putain. Pourquoi. Non. Que des mots à la con qui me viennent. Aucun à la hauteur du drame. La première chronique de ce site ? Blues Funeral du Mark Lanegan band. Si j’ai lancé Exit Musik, c’est pour partager mes coups de cœur, faire découvrir des grands disques plus ou moins connus (désolé, j’ai rien de plus banal à écrire mais c’est la stricte vérité), certainement pas pour enterrer une à une mes idoles de jeunesse. La dernière fois que je m’y suis collé, c’était pour Chris Cornell. Je n’étais pas prêt et pas franchement pressé de remettre ça. Ça n’avait aucun intérêt mais ça devait sortir. Rebelote. Putain. Quelle drôle d’idée d’avoir béni et idolâtré dès mon plus jeune âge toute cette scène de Seattle et ses voix irréelles. Une scène aussi divine que maudite. Une scène où ils continuent de tomber comme des mouches, même ceux qu’on pensait “à l’abri”.
Mark Lanegan qui “[mourait] lentement depuis le jour de [sa] naissance” (“I Am the Wolf”) aurait pu partir avant Kurt Cobain et Layne Staley, ça n’aurait choqué personne. Le destin (et les cures de désintox) l’ont autorisé à rester bien plus longtemps qu’eux et il l’a bien rendu à la vie en sortant quelques chefs-d’œuvre que j’ai ce soir envie d’écouter très fort pour que les larmes sortent, que les mots me transportent. Une énième fois. Je ne sais pas si j’aurai le courage de me replonger dans sa terrifiante autobiographie mais tout est dedans. Avec une sincérité qui fait froid dans le dos. Mark Lanegan a tout vécu. Plutôt quinze fois qu’une. Mark Lanegan était une putain de légende. J’ai dû le voir huit fois en concert. Et encore, aucune avec Queens of the Stone Age, Soulsavers ou Mad Season… C’était parfois fabuleux, parfois seulement très bien. J’ai eu l’immense privilège de l’interviewer à deux reprises. La première, je me faisais totalement dessus. On m’a amené à lui. Il fumait clope sur clope. Le groupe de la première partie (who cares who?) était en pleines balances, j’ai salué le grand Mark timidement, il m’a rendu un “Hi” des plus inexpressifs, la voix totalement brisée (celle dont tu te dis “ce mec est probablement incapable de chanter”) et quand je lui ai demandé s’il n’était pas préférable de fermer la porte pour l’interview, il m’a rétorqué “si tu veux mourir de suffocation, à toi de voir”. L’amour était alors à son paroxysme. Il n’a jamais diminué. Certainement pas lors de la seconde interview où j’avais été extrêmement frustré de ne bénéficier que de 25 minutes en sa compagnie, sentant bien qu’on aurait pu tenir le double de temps sans forcer le moins du monde.
Je n’ai aucun mot, j’en ai beaucoup trop. Certainement pas ceux qu’il faut. Il y a dix jours, j’ai encore offert Blues Funeral à un ami proche, espérant en convertir un de plus. Qui pour lui résister, franchement ? C’était toi le plus grand, bordel. Pas possible une voix pareille. De quoi était-elle faite ? Cela restera une éternelle énigme scientifique. Peut-on s’accorder pour bannir le terme “chanteurs à voix”, totalement hors de propos désormais ? Il est parti. C’était lui le dernier. Say hello to heaven, to Kurt, Layne, Jeffrey and Chris.
Merci pour Uncle Anesthesia, pour Sweet Oblivion, pour Whiskey for the Holy Ghost, pour Dust, pour Field Songs, merci pour Rated R, pour Songs for the Dead, pour Bubblegum, pour Saturnalia, pour Ballad of the Broken Seas, pour It’s Not How Far You Fall, It’s the Way You Land, pour Broken, pour les inédits d’Above, pour Blues Funeral, pour Black Pudding…. Et tous les autres. Merci pour les innombrables frissons. Les séances de dédicaces et échanges de sourires gênés, les quelques rires partagés en interview. Merci d’avoir usé ton don du ciel pour faire de la très grande musique. Merci pour tout, Mark.
Jonathan Lopez