Mars Red Sky – Dawn of the Dusk
Alors que SLIFT s’apprête à publier un disque sur un label américain majeur (Ilion, le 19 janvier chez Sub Pop, excusez du peu), il n’était pas question d’oublier un autre fleuron de la scène heavy hexagonale. Car avec la French Touch électro ou quelques groupes indie pop depuis la fin des 90’s (Air, Phoenix, Tahiti 80…), ils ne sont pas si nombreux les groupes frenchy à s’exporter vers les contrées anglo-saxonnes… voire le reste du monde. Le rock français, le vin anglais, vous connaissez la maxime… I disagree John.
À l’instar d’un Gojira qui a su asseoir une position dominante sur la scène metal internationale, les Bordelais de Mars Red Sky ont réussi, toutes proportions gardées, à se positionner comme un des groupes majeurs de la scène stoner-doom, quoique ce terme (réducteur) puisse englober (c’est pour situer). N’en déplaise aux détracteurs du style, depuis 2011 et quatre albums sans fausse note (plus quelques EP), le trio promène sa singularité et vogue bien au-dessus de la mêlée d’une scène riche mais parfois bien conformiste. Qui peine (souvent) à se défaire de l’ombre pesante de Black Sabbath et/ou de l’héritage des pionniers du genre (Kyuss, Yawning Man, Sleep…). Pour l’anecdote, j’avais découvert le groupe en 2011, une journée des Eurockéennes où l’affiche badass annonçait aussi… Kyuss Lives!, QOTSA et Motörhead. Pour ce cinquième album, Mars Red Sky cultive son originalité, cet univers teinté de SF et de psychédélisme, capitalise sur ses fondamentaux mais souffle toutefois un vent de nouveauté bienvenu. Pour déjouer le piège du status quo après une quinzaine d’années d’activité.
Sur ces huit titres (dont un petit interlude, « Trap Door », et deux instrumentaux), les Bordelais déroulent leur musique tellurique, au tempo d’un magma qui se refroidit, toujours portée par une section rythmique pachydermique (Jimmy Kinast à la basse, Mathieu Gazeau à la batterie) dont la signature sonore se retrouve dès l’inaugural « Break Even ». On navigue en territoire connu et retrouve avec plaisir la guitare psyché de Julien Pras et ce timbre de voix si singulier et fragile face à la masse sonore grondante. Et un songwriting solide, avec de vraies chansons finement arrangées, pas avares en refrains bien troussés. Ce qui les place (très loin) devant le tout venant stoner-doom bas du front. Si la plupart des titres flirtent autour des 6-7 minutes, point de jams stoned en roue libre par ici. Julien Pras n’en est pas à son premier groupe et au sein d’un projet indie que les plus anciens connaissent sans doute (Calc, mais il a aussi officié dans le groupe Pull entre autres, plus quelques disques en solo), on avait déjà apprécié son artisanat délicat parfois proche du folk d’un Elliot Smith. On en retrouverait presque des bribes sur le final, instrumental et boisé, « Heavenly Bodies ». Petite nouveauté sur ce Dawn of the Dusk, il laisse à deux reprises le micro et son tour de chant. D’abord à Helen Ferguson aka Queen of The Meadow sur le superbe « Maps of Inferno », que l’on trouvait déjà sur un EP partagé, paru fin avril. La guitare lead fait des étincelles, ou s’évapore discrètement au gré de digressions instrumentales délicates, la voix d’Helen Ferguson fusionnant parfaitement avec la musique du trio. C’est beau. Comme une éruption. Sur le titre suivant, « The Final Round », c’est Jimmy Kinast, le bassiste, qui récupère le micro. Pas une première pour lui, puisqu’il chante à chaque concert ou presque un des classiques du groupe, « Marble Sky », issu du premier album sans titre. « The Final Round » offre une vibe psyché voire prog plus prononcée, notamment sur un pont superbe. Tout en te roulant dessus sur un final dantesque. Il faudra bien « A Choir of Ghosts », le second instrumental, plus sombre, pour reprendre son souffle. Avant de continuer le périple vers la voute céleste en s’arrachant à la pesanteur du binôme basse-batterie le temps des huit minutes du redoutable « Carnival Man », avec une guitare lead qui fait l’école buissonnière direction le désert. La fin du plus classique « Slow Attack » fusionne avec le dernier titre acoustique, « Heavenly Bodies », où l’on retrouve un harmonica et quelques belles envolées vocales d’Helen Ferguson. Pour finir le disque, l’orage gronde et résonne une dernière fois comme une fusée s’arracherait à la gravité terrestre.
Pour les aficionados, ce Dawn of the Dusk confirmera donc l’affection portée depuis longtemps à la musique du trio bordelais. Les novices pourront eux découvrir l’univers singulier d’un des meilleurs groupes français sur un nouveau disque remarquable. Avec toujours un bel artwork signé Carlos Olmo pour ne rien gâcher.
Il parait que quelques milliardaires égocentriques ambitionnent de rejoindre Mars dans quelques décennies. La belle affaire. Gardez les pieds sur Terre, levez les yeux… Le Mars Red Sky n’a jamais été aussi beau vu d’ici.
Sonicdragao