Mark Lanegan Band – Somebody’s Knocking
Tiens, quelqu’un frappe. C’est ce bon vieux Mark Lanegan. Qu’il entre ! Il est toujours le bienvenu. « You wanna ride, you wanna take a ride? » propose-t-il d’emblée (« Disbelief Suspension »). Difficile de refuser. D’autant plus quand il y va bille en tête comme ici, à la manière d’un « Hit The City » qui donnait le ton du fabuleux Bubblegum, toujours inégalé depuis (bien qu’approché par le presque aussi fabuleux Blues Funeral).
Cette fois-ci, le bon vieux Mark Lanegan est accoutré différemment, il assume pour de bon ses vieilles lubies 80s. Depuis Blues Funeral, on y avait droit de plus en plus fréquemment sur ses albums, en concert il reprenait régulièrement du Joy Division… Autant dire que ça nous pendait au nez. C’est fou ça, être un des musiciens éminents des années 90 et vouloir s’immerger à fond dans la décennie précédente (qui a connu des heures bien sombres, rappelons-le)…
Toute la panoplie est donc de sortie : batteurs imitant des boites à rythme (ou l’inverse), synthés décomplexés, basse aux avant-postes… « Letter Never Sent » ne fait pas les choses à moitié et y ajoute un refrain plein de « ohohohoho ». Ça pourrait suinter la ringardise à 12 bornes mais avec Lanegan, c’est du tout bon, entrainant et efficace à souhait. N’essayez pas chez vous.
En 14 titres, Mark Lanegan nous décline les années 80 pour les nuls, mais en version haute qualité. Déjà, en piochant dans ce que cette décennie a connu de meilleur : le post punk rentre dedans (« Night Flight To Kabul », « Gazing From The Shore » et leur basse-batterie totalement early Cure), la cold wave hantée (« Dark Disco Jag »). Ensuite, en y accolant des refrains qui frappent (« Stitch It Up », gonflée à bloc) et des mélodies qui marquent (« War Horse » et ses couplets scandés à la… Everlast). Enfin, en nous faisant fondre de sa voix inimitable et chaleureuse (la magnifique « Playing Nero » et ses nappes brumeuses qu’on croirait tirées de Twin Peaks – la série, pas le groupe).
Plus troublés nous sommes, face à cette intro proche de l’acid house façon Underworld avant de se la jouer New Order (« Penthouse High »). Il faut s’imaginer écouter du Mark Lanegan en boite mais une fois l’idée acceptée, on se dit que pourquoi pas. Après tout, il y a tellement de merde en boite, ça ne ferait pas de mal (souvenez-vous « Ode To Sad Disco » sur Blues Funeral, encore lui. On est dans le même esprit). Il n’y a bien que « Paper Hat » qui laisse une guitare acoustique mener les débats comme à la belle époque et, sans surprise, nos cœurs sont brisés en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire.
Malgré une fin d’album en pente douce (« She Loved You » – not so yeah yeah yeah – assez convenue, « Two Bells Ringing At Once », un brin cheesy) et passé le temps d’acclimatation nécessaire, force est de constater que Lanegan peut bien faire ce qu’il veut, il sort toujours vainqueur. Si on a tout de même plus de réserve sur cette nouvelle facette pleinement assumée (la faute sans doute à une préférence assez nette pour les influences 90s à celles 80s), on ne peut que s’incliner, se réjouir à chaque nouvelle sortie et trépigner d’impatience avant le prochain… même s’il décide subitement de se mettre à la rumba.
Jonathan Lopez
Chronique à retrouver dans le new Noise #50 (septembre-octobre) actuellement en kiosques.
Tous nos articles (chroniques, interview, live reports) sur Mark Lanegan