Lion’s Law – Evermore

Où en est la Oi!, ce sous-genre du punk né dans les années 80 et bande son rugueuse et sociale des skinheads de la classe ouvrière ? Elle se porte très bien, des centaines de groupes officiant dans le monde et surtout en France. Camera Silens, Komintern Sect, L’Infanterie sauvage ou les Swingo Porkies ont incarné la première vague hexagonale, une génération qui a passé maintenant le relais. Et depuis plusieurs années, la Oi! française a le Bombers en poupe et aime les patronymes français à un mot. Citons Bromure, Cran, Squelette, les fantastiques brestois de Syndrome 81 ou bien Rixe, Tchernobyl, Récidive, Contusion ou Faction S. Une scène qui, si elle reprend les bases des fondateurs dans les paroles en français et un style néoréaliste/apolitique, a (un peu) évolué : plus féminisée, plus ouverte vers d’autres genres (new wave, hardcore), et moins lookée/codifiée. Et si cette scène se porte aussi bien, c’est que des acharné.e.s se mobilisent dans l’ombre pour faire vivre la culture skinhead (canal historique). Parmi eux, Wattie, chanteur de Lion’s Law, groupe emblématique, qui arrive donc avec Evermore, cinquième album des Parisiens, affiliés au mouvement SHARP (Skinheads Against Racial Prejudice).
Le groupe ouvre justement sur « Paris », qui pourrait ressembler à un hymne à la ville lumière mais est au contraire une charge contre son embourgeoisement : « Old bars are replaced by high-end boutiques. This city is a relic that has now turned cold. Families forcеd out, a story untold ». On attend une suite tout aussi piquante que cette entame mais le disque patauge et il faut attendre la quatrième chanson, « Back In Time », pour que les Sambas (chaussés par l’écosystème skinhead avant d’être récupérés par la mode) recommencent à s’agiter. Avant d’arriver au titre phare du disque, « Sewer Rats », un appel à l’unité entre punks et skins (thème récurrent de la Oi!) avec sing along affirmé et lead guitar exaltée, marque de fabrique du groupe, dans un style proche d’Oxymoron, Rude Pride ou Mess. « Extinction » et « Before your Eyes » maintiennent le souffle avant la surprise de fin de disque : la reprise de « I Ran (So Far Away) » des anglais de A Flock of Seagulls, et succès new wave de 1982, qui sonne comme si lesdites mouettes s’étaient fait piétiner la cavité buccale par quatre paires de Doc Martens. Une reprise à l’image du disque : impeccablement jouée et produite, rocailleuse, mais fastidieuse, le départ du guitariste historique Louis Chatenay se faisant peut-être sentir. Certes, Lion’s Law n’a jamais fait dans la finesse (comme la Oi! en général), mais sa force était/est ce mélange street punk / gouaille des faubourgs, bourré de sing along, fédérateur, faisant la part belle à Swann Jamin, le bassiste, pendant parisien de Matt Freeman (Rancid). On regrette aussi l’univers graphique soigné des albums précédents (Zonard, From the Storm, Faceless Victim, Si le ciel vient à tomber) en se questionnant sur celui de ce dernier album représentant deux gants d’armure en pleine empoignade virile, cerclés par une chaîne. Pourquoi ? Oi oi au Puy du Fou ? Glorification de l’amitié chevaleresque éternelle ? Un prochain concert à La Médiévale de la Penne-sur-Huveaune ? Dans tous les cas, au vu de l’ambiance générale « énergie masculine » trumpo-zuckerbergo-muskienne, était-il besoin de rajouter une couche de mâle au risque de desservir un disque déjà suffisamment baraqué ?
Maxime Guimberteau