It It Anita – Sauvé
Ça n’est peut-être pas grand-chose pour vous mais pour celui en train de tapoter sur son clavier, l’annonce d’un nouvel album de It It Anita fut accompagnée d’une puissante vague de nostalgie, ravivant d’émouvants souvenirs d’une époque révolue (mais bientôt retrouvée, hein ? OUI !). Car le précédent album des Liégeois avait donné lieu à quelques rassemblements de sauvageons. Des jambes qui passent sans discontinuer au-dessus de nos têtes, des inconnus qui se télescopent gaiement, des litres de sueur perdus et des sourires béats à l’arrivée… Avant de le vérifier sur pièce et de quitter les lieux en pièces détachées, on pouvait aisément imaginer l’efficacité sur scène de Laurent (du prénom de Laurent Eyen, l’ingé-son d’alors), ce disque surpuissant, débordant de tubes. En ce qui concerne Sauvé (du nom du nouvel ingé-son, Amaury Sauvé), rien d’aussi évident de prime abord. C’est en tout cas ce que l’on pense bien naïvement lorsque le disque se frotte pour la première fois à nos oreilles engourdies.
La tête remue, les membres s’agitent mais le cerveau n’imprime pas les refrains. Que tu crois ! Trois écoutes plus tard, l’histoire est tout autre. Cinq écoutes ultérieures, on chante tout par cœur. Ils l’ont donc encore fait. Dès l’entame, le rythme est tapageur, les guitares d’humeur massacrantes (« Ghost »). « Sermonizer », à la rythmique très post-punk, s’offre un pré-refrain enfantin avant un jouissif remontage de bretelles. Tout aussi taquin, « See Through » se la joue attentiste avant d’écraser tout le monde avec un riff stoner impitoyable (sur lequel est asséné un autoritaire « LOOK AT MEEEE » alors que personne de sensé n’aurait l’idée de détourner le regard). Entre ça et les cavalcades effrénées dignes des Hot Snakes (« More », « Cucaracha »), l’ennui n’est pas franchement à l’ordre du jour. It It Anita ne sont pas des tendres, ça se saurait. Mais nous coller des dérouillés n’est pas leur unique passe-temps, sur « Authority » où on s’apprête à entendre débouler Kim Gordon à tout moment, ils nous rappellent qu’ils aiment aussi dérouler tranquille. Et surtout, le quatuor belge, fort d’une maitrise éclatante, s’amuse toujours un peu plus à varier les humeurs et malmener nos articulations à coups de de breaks vicieux et de changements de rythme audacieux.
Sur le colossal « MOEDOH », il se fout gaiement de nos trognes, répétant à l’envi « I think it’s enough for today, it gets boring i don’t wanna stay » alors même qu’on commençait à prendre un pied pas possible. Et de conclure sur un plus-Sonic-Youth-tu-meurs « 53 » qui joue sur les répétitions, ose les divagations et finit par faire péter les cloisons. Si on fait les comptes, quels morceaux n’avons-nous pas cités ? « Dixon Kentucky » et « Routine ». Deux titres aux refrains fracassants, là encore. Tout par cœur, disions-nous. Et nous mentons rarement.
De puissance, Sauvé abonde. De dissonances, Sauvé se gave. De refrains accrocheurs, Sauvé ne manque définitivement pas. Sauvés, nous voilà.
Jonathan Lopez