It It Anita – Mouche
Il faut avouer qu’à l’annonce du départ de Damien Aresta, guitariste-chanteur et co-fondateur, en mars 2022, on pouvait s’interroger sur l’avenir des Belges d’It It Anita. Un groupe qui s’est taillé une solide réputation (scénique notamment) dans le (noise) rock européen depuis une décennie.
Désormais en formule power-trio (le power étant particulièrement pertinent dans leur cas), les Liégeois avaient en plus le redoutable défi de donner suite à une paire d’albums solides sortis sur un « gros » label indé frenchy (Vicious Circle, pour Laurent en 2018 et Sauvé en 2021). Avant de passer à la musique, un petit tour sur l’artwork très réussi avec ce golden retriever so cute. Un chien d’assistance, dressé par le bassiste (Elliot Stassen) et sa compagne… et devenu la mascotte du groupe pendant deux ans. Et désormais entré dans la postérité rock puisqu’il donne aussi son nom au disque… après trois disques qui rendaient hommage aux producteurs du groupe belge.
C’est d’ailleurs encore l’un deux, Amaury Sauvé, qu’on retrouve aux manettes et cette complicité a permis au groupe de développer sa créativité, ayant bénéficié de plus de temps en studio. Mention spéciale à « Psychorigid », à peine 1’42 au compteur, sur lequel It It Anita tente le hip-hop à la Beastie Boys (!)… avec une réussite insolente (la rythmique, les percussions et… le final). Le groupe s’essaie parfois à de nouvelles sonorités et au détour d’un titre plutôt classique (l’énervé « Disgrace » ou sur le pont de « Ode to William Blake »), on perçoit ainsi quelques bribes d’électronique et des voix déformées le temps d’un pont. Le passage au trio a également conduit le groupe à une approche plus directe (l’inaugural « Cripping Guilt » qui évoque les lendemains de cuite), avec des refrains insidieux qui colonisent rapidement vos oreilles. Sans jamais renier l’influence (plus nébuleuse aujourd’hui toutefois) d’un certain groupe (sonique) de New York. Notamment sur un « Kinda the Same » furieux, à écouter à très fort volume, avec un Elliot Stassen qui beugle en soutien de son leader, un talent dont il va souvent user sur ce disque. On pensait reproduire le même schéma sur le début du titre suivant, mais le bipolaire « Giving/Taking » alterne six minutes durant course poursuite (hurlante) la pédale sur l’accélérateur (et un phrasé très beastien) et… tempo de tortue slowcore avec chant murmuré. Déroutant mais diaboliquement addictif. Comme le superbe « Ode to William Blake », le titre le plus long – près de 8 minutes -, qui raconte avec humour la difficulté du guitariste-chanteur Michael Goffard à écrire ses lyrics.
Grab a book from your daddy’s shelf
Circle words and build pathetic rhymes
Look at your mirror, now you’re William Blake
Who do you think you are ?
(Ok)
Now it’s time to stop pretending
You’ve something poetic to say
Et offre le plus beau crescendo du disque sur un pont instrumental qui n’est pas sans rappeler le génial « 53 » sur Sauvé. Autre point culminant, l’addictif single « Don’t Bend (My Friend) ». Avec son riff metallique joué sur l’arrière du cordier d’un modèle de guitare offset bien connu des indie-rockers, sa basse rampante et ce refrain fédérateur qui fustige les difficultés pour les groupes à survivre sur la route en 2023.
The only thing that matters is pre-sales
It’s not about music, it’s about pre-sales
Tutorials to increase your pre-sales
Don’t bend ! My friend
Pour finir et emballer l’affaire, It It Anita assène encore deux de ses mandales signatures. À l’énergie. Le trio guitare-basse-batterie et l’envie d’en découdre. Un pamphlet sur les fortunes dans le milieu de la cryptomonnaie, si si, avec « The World’s Last Cryptonaire » et une véritable ode à son amour de la scène, avec le conclusif et sur-vitaminé « 9 Lives », parfait hymne pour fêter ses dix ans d’existence.
A decade now that we’ve been blasting in your cars
And you still mispronounce our name
Come on our stage and take a shower in our beer
And then we’ll kick you to the floor
9 Lives and we’re still fucking here
9 Lives and we’re still fucking here
9 lives and Who’s running out of time ?…
… Straight to the point, we never deviate
On le croit sur parole. Après qu’il nous ait roulé dessus le temps d’un disque.
Sonicdragao