Interview – Stéphane Sapanel (À Tant Rêver du Roi)

Publié par le 29 novembre 2021 dans Interviews, Toutes les interviews

© Nicolas Godin

Pour les besoins d’un article de notre fanzine (que l’on vient tout juste de réimprimer et que vous pouvez nous commander) sur les labels indépendants français, nous avons interrogé plusieurs patrons de labels sur leur métier. Parmi eux, Stéphane Sapanel de À tant rêver du roi, label de plus de 15 ans d’existence qui a sorti sa 100e référence cette année.

Quel est ton premier souvenir de musique/coup de cœur musical ?
L’un de mes premiers souvenirs est Alan Parson Project, le morceau « Eye in the Sky » qui était sur une K7 dans la voiture de mes parents et que j’entendais plusieurs fois sur la route des vacances. Ensuite le premier 45T que j’ai acheté était « Never Gonna Give You Up » de Rick Astley. Mais la grosse découverte était avec Led Zeppelin et dans le même temps King Crimson avec In The Court of The Crimson King, cette pochette me faisait vraiment
flipper quand j’étais gamin.

Comment passe-t-on d’un statut d’amateur de musiques à « je monte un label » ? Quel a été le déclic te concernant ?
Nous avions besoin d’une petite structure pour le groupe dans lequel je jouais à l’époque (Sibyl Vane) et le label est né plus ou moins comme ça en sortant nos premières productions. Par la suite, nous avons publié les albums de groupes d’amis de la région paloise et le label a pu prendre son envol avec des signatures de groupes étrangers et
quelques pointures hexagonales.

Quelle est l’histoire du nom du label et sa première sortie ?
Le nom du label renvoie aux paroles d’une chanson de Sibyl Vane et la première sortie du label était notre premier EP « Prêt à Porter ».

Comment se passe concrètement la signature d’un artiste ?
La plupart du temps c’est avant tout une rencontre humaine et le fait de voir les groupes en concert. Nous avons aussi une partie organisation de concerts avec A Tant Rêver Du Roi ce qui facilite les rencontres et les prises de contact. Tout devient beaucoup plus simple quand on peut se voir en chair et en os. Ensuite c’est une histoire de confiance mutuelle.

“La hausse du prix de vinyles par les Majors est complétement absurde et va faire beaucoup de dégâts. Les consommateurs ne mettront pas 40€ dans un vinyle, c’est du délire. Ça ne pourra pas durer comme ça longtemps, il y aura de la casse chez certains petits labels.”

Comment gère-t-on un groupe de rock ? Quelles sont les relations avec les artistes ?
Elles sont très simples et fluides. Je veux garder un rapport humain sans chichis avec les groupes et les artistes d’où l’importance des rencontres avant de s’engager sur des projets. Pour moi le label a presque un coté familial où certains groupes se connaissent bien et se croisent régulièrement sur les routes.

Quels sont les ressources de ton label ? Sa structure ? Le choix d’un fonctionnement DIY, c’est autant par conviction que par nécessité ?
Le label est une association loi 1901, l’asso gère aussi des locaux de répétitions, un studio d’enregistrement et organise des concerts et un festival. Le label fonctionne à 100% en autofinancement, les ventes des nouvelles sorties permettent de sortir les futurs vinyles. Le choix du DIY c’était vraiment par conviction et pour ne rien
devoir à personne, être totalement libre de nos choix et avancer à notre rythme.

De quelle manière le Covid a-t-il bouleversé le quotidien ? Et quel est son impact aujourd’hui ?
Depuis mars 2020 ce qui a réellement changé pour moi hormis le manque de concerts ce sont les ventes sur notre site qui ont explosées. Le manque de sorties et de musique live pendant les confinements a aussi poussé les gens à consommer de la musique d’une autre façon, en passant des commandes physiques ou en digital. Les ventes sur internet m’ont permis de tenir le coup et d’envisager d’autres sorties donc ça fait du bien au moral surtout dans ces moments si particuliers.

Quelle est ta position sur le retour à la mode du vinyle, les prix constamment en hausse, la rémunération du streaming ? Comment t’es-tu adapté à ça ?
Comme beaucoup de gens je pense que les Majors profitent de la situation actuelle pour faire de l’argent. Ce qu’ils viennent de faire par rapport à la hausse du prix de vinyles est complétement absurde et va faire beaucoup de dégâts. Et les consommateurs ne mettront pas 40€ dans un vinyle, c’est du délire. Ça ne pourra pas durer comme ça longtemps, il y aura de la casse chez certains petits labels. Concernant le streaming, j’ai un contrat de distribution avec Believe (Ex Believe Digital), mais c’est quelque chose que je regarde de loin. Même si c’est bien d’être présent sur le net, ça fait une vitrine pour les groupes et le label, mais les retours et rémunérations sont tellement ridicules pour les artistes que je préfère concentrer mon temps et mon énergie sur les sorties
physiques.

As-tu un modèle de label référence ?
Des labels comme Dischord, Touch and Go, Skingraft ou Constellation m’ont pas mal influencé par leur démarche et leur esthétique.

Que conseillerais-tu à quelqu’un qui souhaite lancer son label ?
Bien du courage et de l’abnégation car je vois aujourd’hui que le label A Tant Rêver Du Roi est reconnu en France et à l’étranger après plus de quinze ans d’un travail de fourmi, donc il faut être patient pour construire un catalogue pertinent et cohérent.

A Tant Rêver Du Roi vient de sortir sa 100e référence. Ça représente quoi pour toi ? C’était
totalement inespéré à tes débuts ?

Pour être tout à fait franc, je ne pensais pas que le label prendrait cette tournure. Au début je sortais 3,4 disques par an et depuis quelques années je suis sur un rythme d’une dizaine d’albums par an. Petit à petit, ce travail a fini par payer et par installer le label dans le paysage rock français, ce dont je suis assez fier.

Quels sont les projets à venir ? Des signatures rêvées ?
Plusieurs sorties cet automne avec le nouvel album de Luis Francesco Arena, A Cool Breeze, le premier Lp des Bordelais de Pretty Inside, Grow Up, en collaboration avec leur collectif Flippin’ Freaks et une très belle pochette signée Winshluss. Nous venons aussi de sortir une sorte de Ultimate Collection de Les Yves, la réponse française
de The Hives… Que des tubes rock avec des riffs de tueurs. Et début décembre le nouveau projet de Sol Hess & The Boom Boom Doom Revue, And the City Woke Up Alone. Il y aura aussi le premier long format de Cosse pour le printemps 2022 et quelques surprises…

Interview réalisée par Sonicdragao

Le site de À Tant Rêver du Roi

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *