Interview – The Flamin’ Groovies
C’est par une fraîche soirée ce 29 avril 2016 que je pars au Petit Bain, confiant dans mon destin… Je suis seul ce soir, mal équipé techniquement, pas trop d’humeur sociale mais… je veux et je vais interviewer les Flamin’ Groovies ce soir ! Je les écoute depuis suffisamment longtemps, j’ai tellement maté les pochettes de Flamingo et Teenage Head, ce dernier ayant été mon vinyle de chevet pendant un certain temps… que je ne pouvais pas manquer l’occasion. J’avance à pas feutrés… petit échange avant le concert avec le batteur, Victor, il semble se souvenir de notre conversation de l’année dernière au Trabendo et est prêt à jouer l’entremetteur, même s’il m’avoue que l’ambiance est pourrie (rhume généralisé, ex-épouse qui débarque, etc).
Le concert, rien à redire, toujours jouissif, sauf que toujours pas de Roy Loney à l’horizon, il n’a fait que quelques dates avant de faire face à un souci de passeport… Ce sera donc en format “Sire Records” qu’ils officieront. Bon.
Alors bon voilà, passé le concert, je prends mon mal en patience et soudain, je me retrouve dans une pièce de 5 m² avec l’essentiel des Groovies : Cyril Jordan, George Alexander et Victor Penalosa. Les 2-3 fans admis backstage disparaîtront rapidement ainsi que le roadie, je me retrouve donc juste avec eux et Chris Wilson, tout bourré, fera des entrées et des sorties… Mon grand moment est là, je la joue cool et je ne pense surtout pas que les mecs sur ces pochettes époque Kama Sutra Records que j’ai tant aimées sont là, à m’appeler “Manuel” et à répondre à mes questions griffonnées sur un bout de papier… Mes amis, je vous le dis, ces mecs-là sont au top, passionnés, accessibles, humains, sans fausse modestie… Le genre de mecs dont on se dit que, tant qu’ils sont là, tout va bien… Mes amis, les Flamin’ Groovies version 2016 !!!
ENGLISH VERSION BELOW
Cyril, je t’ai vu jouer plusieurs fois récemment et tu as toujours l’air très heureux sur scène. Il semblerait que cette reformation ait été la meilleure idée possible…
Cyril Jordan (guitare-chant) : oui, tu as raison. Il faut dire qu’on était des amis très proches il y a 35 ans et on s’est remis ensemble il y a 3 ans et c’est comme s’il ne s’était rien passé entre temps. Comme si c’était le lendemain de notre séparation en 1980. Pour des mecs comme nous, c’est un privilège de jouer de la musique devant des gens qui nous aiment.
Comment les choses ont évolué durant ces trois ans ?
CJ : de mieux en mieux ! On est très au point maintenant ; tu ne peux être aussi rodé uniquement en répétant. Il faut prendre la route. De ville en ville. De salle en salle. C’est comme ça que les Beatles sont devenus si bons.
Vous êtes dans ce circuit depuis 50 ans maintenant. Comment vous voyez le futur de votre musique ? Comment vous expliquez la magie qui s’en dégage ? Tous les soirs, le concert commence et la magie opère…
CJ : c’est le rock’n roll… C’est un art vivant et c’est véritablement de l’art de reproduire ça sur scène. Que ce soit il y a 40 ans, aujourd’hui ou l’année prochaine, c’est une chose très compliquée à faire et c’est pour ça que je souris tout le temps. Parce qu’on le fait et ça marche.
Parlons un peu du nouveau single, « Crazy Macy », il sonne tellement Flamin’ Groovies. Avec ta Dan Armstrong…
CJ : j’en suis très très heureux. J’avais un peu peur que les fans… (Nous sommes interrompus par une fille bourrée qui leur dit au revoir)… Donc, euh désolé, c’était quoi déjà la question ? Ah ouais ! « Crazy Macy » ! On ne l’a pas jouée parce qu’elle n’est pas encore sortie véritablement, peut-être d’ici avril ou mai*, quand on tournera aux Etats-Unis, on l’inclura peut-être dans le set… Il y a une autre chanson appelée « End of the World »…
Une face B ?
CJ : non, c’est un autre single. La face B de « Crazy Macy » c’est « Let Me Rock » qu’on a jouée en rappel ce soir.
« Crazy Macy » est excellente avec Chris qui répond aux voix du groupe…
CJ : « Crazy Macy » est sur une femme qui a vécu à Chicago dans les années 30. Elle portait son flingue, braquait des banques et tuait des gens. Ils ont fini par la tuer et tu sais, je regardais Les Incorruptibles, la vieille série TV, avec Robert Stack je crois ? Et ils évoquaient Crazy Macy et je me suis dit « wow, quel super titre ! ». L’idée a pris en 10 minutes et Chris a fini la chanson…
C’est une idée récente ?
CJ : oh non, c’était il y a six mois, on l’a enregistrée en novembre dernier.
Du pur rock’n roll. Il y a une vraie dynamique dans cette chanson !
CJ : je suis très content que les anciens fans des Flamin’ Groovies la considèrent comme une chanson des Flamin’ Groovies…
Ça sonne comme si c’était sorti en 1971… Ce solo…
CJ : je n’oublie jamais mes racines. Il y a George et Chris et Victor, notre batteur ! Il est plus jeune mais il écoute les Flamin’ Groovies depuis qu’il a 4 ans. Il connaissait tous nos morceaux ! Quand on bossait un vieux morceau et qu’on essayait de s’en sortir parce qu’on ne s’en rappelait pas bien, il nous disait « mais non, ça fait comme ça ! » (Rires).
“Les nouveaux groupes en Europe sont bien meilleurs qu’aux Etats-Unis… Ils savent jouer… En Amérique, c’est nanananana, juste du bruit…”
Alors, à quel genre de public vous avez affaire en 2016 ? C’est différent ?
CJ : Et bien, tu vois, c’est étrange, visiblement les gens s’enflamment plus aujourd’hui qu’ils ne le faisaient à l’époque.
[Nous étions dans la pièce, Cyril et moi, ainsi que George Alexander et Victor Penalosa depuis 5 minutes, tous les quatre… et George Alexander commence à me parler…]
George Alexander (basse-chant) : à l’époque, on jouait les derniers morceaux de nos albums au détriment des morceaux du début. Maintenant, on joue des trucs de tous nos albums…
CJ : et les gens connaissent mieux l’ensemble de nos morceaux, depuis le temps. On voit des gens qui chantent les paroles, tu vois, quel que soit l’endroit où nous jouons ! Et dans la rue on nous reconnait. On a du mal à comprendre parce qu’on n’a pas sorti beaucoup d’albums en 30 ans… On a beaucoup de bootlegs… Je crois qu’on en a 85…
Minimum ! Disons que vous en connaissez 85 !
CJ : [rires] ouais, tu as raison !
Alors c’est quoi la suite pour les Groovies ?
CJ : on va finir notre album, finir le film qui est fait sur nous… Tu as vu le clip de « Crazy Macy » ?
Oui, super marrant !
CJ : le même mec nous a filmé pendant deux ans et demi… Et je pense que l’album sera terminé cet été quand Chris et moi aurons écrit les nouveaux morceaux. Il nous reste quelques voix et mixes à faire, donc ouais d’ici l’été… Le film devrait être terminé cet automne.
Comment est le son de ce nouvel album ?
CJ : du Groovies à l’ancienne. Un peu de folk rock, un peu de rythm’n blues, un peu de rockabilly et du rock’n roll aussi… Un peu de tout ça.
OK les mecs, merci beaucoup pour…
CJ [m’interrompt] : on a essayé de rester dans l’esprit de ce qu’on faisait à l’époque, ce pourquoi nos fans nous adoraient. C’est ce à quoi je tenais le plus. Parce que 30 ans plus tard, je n’ai pas changé… et George non plus… ni Chris… et Victor connaît le truc. Donc ouais on va continuer et voir ce qu’il se passe…
Donc, l’album et une autre tournée ? En Europe ?
CJ : oh ouais ! Par contre ce temps… On est tombés malades, bien malades… En Belgique… Un de nous a attrapé froid et ensuite on a tous chopé son truc… Tu sais, quand on est tous dans le van toute la journée… Figure toi qu’il neigeait mardi dernier* ! J’ai attrapé tellement froid, j’aurais dû rester dans…
Vous vivez toujours à San Francisco ?
CJ : et ouais !
GA : enfin, moi en Arizona…
Je sais, à Tucson !
GA : il fait environ 30 degrés en ce moment…
CJ : le climat change partout… sauf en Arizona…
Toujours une fournaise, hein ?
GA : [rires] ouais, toujours super chaud !
Vous écoutez un peu cette nouvelle scène de San Francisco ?
CJ : et bien, je vais te dire un truc… Les nouveaux groupes ici en Europe sont bien meilleurs… Ils savent jouer… En Amérique, c’est nanananana, tu sais, juste du bruit… On vient ici, on a un groupe qui ouvre pour nous. Les nouveaux groupes sont vraiment meilleurs ici qu’en Amérique !
Vous changez tous les jours de groupe qui ouvre pour vous ?
CJ : ouais.
J’ai un groupe. J’espère qu’un jour on pourra ouvrir pour vous !
CJ : oh vraiment ? Quel est le nom du groupe ?
Kim Jong 4.
CJ : ok, arrangeons ça la prochaine fois qu’on vient !
Ça me va très bien [rires] ! Merci beaucoup les mecs !!! On a tenu le créneau de 10 minutes !
CJ : Merci, Manuel !
Interview réalisée par Manu
*Rappelons que l’interview a été réalisée fin avril.
/// ENGLISH VERSION ///
Cyril, I’ve seen you a couple of times recently and you always look so happy to play. It looks like the reunion was the best idea you could have…
Cyril Jordan (guitarist-singer) : yeah, you are right, the thing is that we were such close friends 35 years ago and we got back together 3 years ago and it’s as if time and space didn’t happen. It was like the day after we broke up in 1980. For guys like us, it is a privilege to play music for people who like us.
How has it been going for 3 years ?
CJ : better and better ! We’re getting very tight now ; you can’t get tight like this if you rehearse. You have to go on the road. Town to town. Different club and different club. That’s how the Beatles got so good.
You’ve been in the circuit for 50 years now. So, how do you see the future of this music ? How do you explain the magic behind it ? Every night, the show begins and the same magic occurs…
CJ : it’s rock ‘n roll… That’s a lively art and it is a real art to be able to do it again on stage. Whether it is 40 years ago, now or next year, it is a very complicated thing to do and that’s the reason I am always smiling. Because we are successful doing it.
Let’s talk a bit about the new single, « Crazy Macy », it sounds so Flamin’ Groovies. With your Dan Armstrong…
CJ : I’m very very glad about that. I was a bit worried that the fans… [interrupted by a drunk girl saying goodbye]… so, uuh sorry, what was the question again ? Oh yeah ! Crazy Macy ! We haven’t played it because it hasn’t been released properly yet so maybe by April or May, when we start touring in the States, we will maybe put it in the set… There’s another song called « End of the world »…
A B-side ?
CJ : well no, that’s another A-side. The B-side of « Crazy Macy » is « Let me rock » which we did in the encore tonight.
« Crazy Macy » is great with Chris answering the band’s vocals…
CJ : « Crazy Macy » is about a woman who lived in Chicago in the 30’s. She was a gun moll, she robbed banks with a machine gun and killed people. They finally killed her and you know, I was watching the « Untouchables », the old TV show, Robert Stack right ? And they mentioned Crazy Macy and I said to myself, « Waw, what a great title !» The idea came in 10 minutes and Chris finished it…
Was it a recent idea ?
CJ : oh no, it was 6 months ago, we cut it in November last year…
Pure rock ‘n roll. There’ s a real dynamic in this song !
CJ : I am very pleased that the old Flamin’ Groovies fans see it as a Flamin’ Groovies song…
It sounds as if it was released in 1971… that solo…
CJ : I never forget my roots. There’s George and there’s Chris and Victor, our drummer ! He’s younger but he’s into Flamin’ Groovies music since he was 4 years old. You know, he knew all our songs ! When we worked on one song and were trying to figure out because we didn’t remember, he said : « Hey no, it goes like this » [laughs]
So, what kind of audiences do you face in 2016 ? Is it different ?
CJ : well, you know, it’s strange, people seem to get more crazy now than they did back then.
[we have been in the room with Cyril and myself, but also George Alexander and Victor Penalosa for 5 minutes, just the four of us… and George Alexander starts to talk to me…]
George Alexander (bassist) : in the old days, we played what was current in our albums and stopped playing what was before. Now, we’re playing stuff from all our albums…
CJ : and people are getting more familiar with all the material, after all this time. We see people singing the lyrics, you know, no matter where we play ! And we go on the street and get recognized. We don’t understand it because we don’t have many albums out in 30 years… We have many bootlegs… I think we have 85 bootlegs…
At least the ones you know !
CJ : [laughs] yeah, you’re right !
OK so what’s next for the Groovies ?
CJ : we’re gonna finish our LP, we’re gonna finish the movie that’s been made about us… Have you seen the video of « Crazy Macy » ?
Yeah, so funny !
CJ : the same guy has been filming us for 2 ½ years… and I think the album will be done in the summer once Chris and I have written new songs. We still have a couple of vocals and mixes to do, so yeah for the summer… The movie should be done in the fall.
How is the sound of this new LP ?
CJ : Old Groovies sound. A little folk rock, a little rythm ‘n blues, a little rockabilly and we do rock’n roll too… A little bit of each.
Ok, guys, thank you very much for…
CJ [interrupting me] : we tried to stay true to why the fans loved us in the old days and this is what I was most worried about. Will they agree ? Because it’s 30 years later but I haven’t changed… and neither has George… same for Chris… and Victor knows his stuff. So yeah we’re gonna keep going and see what happens…
So, the LP and another tour ? In Europe ?
CJ : oh yeah ! Just that weather… This time, we got sick, really sick… In Belgium… I think one of us got a cold and then everybody got it… You know, when you’re all of you in the van all day long… You know, it snowed last Tuesday !.. I got so cold, I should’ve stayed in…
Do you still live in San Francisco ?
CJ : oh yeah !
GA : well, I live in Arizona…
I know, Tucson !
GA : it’s about 30 degrees now…
CJ : the climate is changing everywehere… except in Arizona…
Always like a grill, right ?
GA : [laughs] yeah, always so hot !
Do you listen a bit to this new scene in San Francisco ?
CJ : well, I’ll tell you one thing… The young groups here in Europe are much better… They know how to play… In America, it’s nanananana, you know just noise… We come here, we got a band opening for us. The new young groups are really better here than in America !
Do you change the opening band every day ?
CJ : yeah.
I got a band. We’ll hopefully open for you one day !
CJ : oh really ? what’s the name of the band ?
Kim Jong 4.
CJ : ok, let’s set that up next time we come back then !
Alright to me [laughs]. Guys, thank you very much !!! And we kept the 10 minutes timing !
CJ : thank you, Manuel !