Idles – Crawler
Depuis 2017, Idles a empilé 4 albums et un live. D’aucuns vous diraient que c’est (au moins) 2 de trop. Je n’étais pas loin de leur donner raison à l’annonce de ce nouvel opus intitulé Crawler, un an seulement après un Ultra Mono qui ne m’avait pas spécialement convaincu. D’ailleurs, pas sûr que je l’ai réécouté depuis sa chronique.
Bref, comme j’aime bien marcher – je nage assez mal – à contre-courant, je décidais de tenter l’aventure d’une nouvelle chronique devant les défections polies (ou pas) de la rédaction d’ExitMusik. Curieux aussi après un retour agréablement surpris de notre rédacteur en chef (that’s the fucking truth). Le groupe de Bristol m’a étonné moi aussi avec cette douzaine de titres (en fait 14, mais y’a deux trucs de 30 secondes pas indispensables, « Kelechi » et « Wizz », #arrêtezlesinterludes). Alors que je ne les pensais plus trop capables de sortir du créneau post-punk braillard à fort message positivo-politique. Continuant sur la lancée d’Ultra Mono, et à nouveau produit par Kenny Beats, venu de la sphère hip-hop, Idles étonne. Et c’est déjà beaucoup vu que l’on n’en attendait (plus ou pas) grand-chose. Dès l’inaugural et sombre « MTT 420 RR », Joe Talbot délaisse ses éructations habituelles pour élargir sa palette vocale dans un titre nébuleux inattendu, rejoignant ainsi les aspirations soul (!) du premier single « The Beachland Ballroom ». Déconcertant. S’il reste quelques titres signatures où la basse et la guitare reviennent sur le devant de la scène (« The Wheel », « The New Sensation », le martial « Stockholm Syndrome », « King Snake »), on va souvent être désarçonné par l’audace nouvelle des bristoliens. Sans trouver forcément trace de nouveaux tubes aux slogans incisifs aussi imparables que « Mother », « Danny Nedelko » ou « Never Fight A Man With A Perm ». Joe Talbot semble avoir délaissé son écriture frontale pour plus de subtilité. Et avec une production moins encline à donner de la place aux guitares, j’ai le sentiment que le groupe perd en puissance pure (l’efficace mais lisse « When The Lights Come On ») ce qu’il gagne en variété dans ses compositions (le saxo free du remuant « Meds »). Il suffit d’écouter l’addictif « Progress » qui commence avec de la guitare acoustique avant de basculer dans l’électro (!). Ou un « Car Crash » métallique et strident avant une dernière minute assez bluffante. Crash-test réussi avec mention. Joe Talbot n’élude aucune blessure (« I’m a car crash ») et il a beau jouer l’optimisme sur « Crawl » avec un refrain catchy (« i’m alright, i’m feeling mani-fucking-fique »), le disque est bien plus sombre que ces prédécesseurs. Sombre mais solide.
Album composé en plein chaos pandémique, Idles réussit avec Crawler à ne pas se perdre dans la rébellion en carton. Tout en proposant une évolution de son esthétique et de son propos. Joe Talbot parle de la genèse de cet album en ces termes : « Not trying to fix the world — just talking about how I am fixing mine. » C’est l’âge de la maturité en fait. Sur l’ultime titre, le bien nommé « The End », il hurle ainsi à qui veut l’entendre :
« In spite of it all, Life is beautiful ». En 2021, l’effort méritait d’être salué.
Sonicdragao