Hangman’s Chair – A Loner

Publié par le 11 février 2022 dans Chroniques, Incontournables, Notre sélection, Toutes les chroniques

Je ne sais pas si c’est une bonne chose, mais je ne suis pas comme les autres. Lorsque chacun vantait l’évolution osée de Hangman’s Chair, immergeant courageusement son doom très Alice in Chains dans un bain glacé, je n’ai pas eu la révélation tant espérée. Je sentais qu’il y avait un truc, qu’on n’était pas loin, mais il m’en fallait davantage.

Peut-être me manquait-il une entame aussi faramineuse que « An Ode to Breakdown » qui ouvre A Loner en nous fendant en deux. Quand le décor inquiétant savamment planté vole soudainement en éclat à l’arrivée de guitares à l’humeur massacrante, que chaque frappe pèse une tonne, que débarque le chant totalement habité de Cédric Toufouti, on comprend que quelque chose s’est passée. Quelque chose d’important. Un basculement. Définitif.

« Cold & Distant » qu’on n’aurait su mieux nommer, saisit d’emblée, et entérine l’idée qu’il serait désormais inconcevable de faire sans eux.

Puis, comme un écho au « We Die Young » d’AIC (jamais loin), débarque ce titre terrible de fatalité « Who Wants to Die Old » dont le désespéré « I don’t understand this world we live in » évoquera davantage les complaintes de Mina Caputo et sa vie d’agonie qu’on espère enfin apaisée. On n’a jamais demandé à ces merveilleux chanteurs de tenter leur chance dans un froid aussi polaire, on aurait peut-être dû, tant cela s’apparente au climat idoine pour Cédric Toufouti. Une évidence. Comme souvent avec les glorieux vocalistes sus-cités, A Loner est empli de désespoir accumulé, d’une rage qui ronge et dévore de l’intérieur, de quantité de regrets ressassés et de souvenirs enfouis qui ressurgissent. Mais cette torpeur qui nous gagne se veut presque rassurante, la détresse appelant la délivrance. Le monolithe redoutable auquel nous faisons face entrouvre la porte et nous convie au festin des damnés. Plus loin, le superbe instrumental « The Pariah and the Plague » instaure un soupçon de légèreté inattendue. La gravité est retombée, les pions se meuvent au ralenti, la clim’ a encore perdu 12 degrés, les regards sont hagards, frigorifiés et hypnotisés. Robert Smith approuve, il aurait même été tenté d’y poser sa voix.

Si le plus popeux et donc moins indispensable « Loner », suivi de « Second Wind » qui ne produit pas davantage d’effets (soit bien moins que ce qui précédait) entravent quelque peu cette marche immaculée, le résultat demeure sans appel. A Loner dégage une force naturelle, inébranlable, une évidence implacable. Comme assister impuissant à la fonte des glaciers. On se fige et on encaisse. On admire aussi, malgré tout, ce bloc d’apparence indestructible, se fissurer peu à peu. La larme à l’œil. Cette foutue mélancolie ne nous lâche jamais, elle revient par vagues, et submerge. Les riffs sont là mais ne sont pas seuls. Ils font figure d’atouts parmi tant d’autres, d’assauts idéalement placés, les morceaux ont besoin de plus – et notamment d’une assise rythmique admirable – pour vivre, surprendre, émouvoir, instaurer des ambiances, marquer les esprits. Hangman’s Chair, que rien n’effraie, pas même des durées de post metalleux (12 minutes par ci, 16 par là, 9 à la fin), se détache ainsi irrémédiablement du commun du metal. Il est au-dessus, ailleurs, « A Thousand Miles Away ». Du nom du bijou qui clôture A Loner et rappelle que si l’envie lui prend, il est toujours capable de nous écraser de tout son poids. En arpèges déchirants ou en riffs sidérants. Las des coups encaissés sans broncher, Hangman’s Chair a décidé de les porter à son tour.

Banlieue Triste me laissait un goût d’inachevé, comme si la mue était encore en cours. Ici, on ne cherche même plus à classer Hangman’s Chair, ils ont trouvé l’équilibre parfait, fragile et précaire, pourtant exhibé ici avec une assurance stupéfiante et une maitrise forçant le respect.

1 heure 9 plus tard, la matinée est plombée. Nous sommes pourtant rassasiés, vidés et heureux. Le plus dur semble passé et cette épreuve avait un goût exquis.

Jonathan Lopez

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