Frustration – Our Decisions

Publié par le 5 avril 2024 dans Chroniques, Notre sélection, Toutes les chroniques

(Born Bad, 29 mars 2024)

En six albums et quelques EPs/singles, Frustration s’est construit une très solide réputation dans nos contrées, et cela principalement pour deux raisons : premièrement, la passion suinte chez ces gars qui n’ont jamais flirté avec la facilité (on se rappellera vite fait qu’en 2004, être étiqueté « post punk revival » n’était pas forcément l’assurance tous risques pour remplir des salles et vendre des albums à la pelle). La seconde, qui les rend définitivement à part, est cette énergie qu’ils déploient sur scène tout en ne se prenant jamais au sérieux. En quelque sorte, Frustration en live, c’est un peu comme ces circassiens capables de sembler détachés de leur art, lui donnant un côté « oh, ça a l’air fastoche » alors qu’en réalité, ce sont des heures et des heures de boulot.

Et sur album ? Bien entendu cette énergie se retrouve canalisée par le prisme de l’écoute et du ressenti. Ici pas d’énergie de masse propre à une salle de concert, pas de mur du son et pas de bière sur votre plus beau t-shirt (enfin, en théorie). Mais la formule a toujours plutôt bien fonctionné jusque-là, tant Frustration détient le sens de la rythmique et de la mélodie.

Cette fois encore, ils n’auront pas été avares dans ces domaines.
Globalement toute la première face (au moins les quatre premiers titres) se déroule sans nous laisser reprendre notre souffle. Les rythmes s’emballent, chaque instrument s’y employant tour à tour. Que ce soit Pat (basse), Nicus (guitare) et Mark (batterie) avec un break dantesque sur « Catch the Eye » ou le clavier de Fred sur « State of Alert » ou « Omerta ». Le chant de Fabrice ne vous dépaysera pas outre mesure sur ces quatre premiers morceaux. Et puis arrive « Pawns on the Game ».

Ce titre m’a tout de suite donné l’impression d’avoir été produit différemment des morceaux précédents. Ici la sonorité globale se veut moins brute tant la clarté est de mise.
Dès les premières notes de guitare, les quelques silences ou dans la voix plus posée, le titre prend une dimension plus cold et devrait s’imposer comme un morceau majeur du groupe.
Et dire que ces 5 minutes 12 n’allaient pas être la dernière belle surprise de cet album.

Face B. « Riptide ». 5 minutes 12 plus tard (!) voici clairement la deuxième très belle surprise de cet album. Mon petit cœur d’ex-fan de dark wave/goth/dark folk des années 90 à directement été conquis par cette rythmique martiale et ce clavier beaucoup plus sombre qu’a l’accoutumée (NdRC : et un refrain synth-pop osé !). Certains y seront peut-être hermétiques mais Frustration est devenu un groupe établi, connu et reconnu de la scène française, et évite la facilité de reproduire la formule des deux premiers albums tous les trois ans. Frustration continue d’explorer de nouveaux territoires connexes et il faut les saluer pour ça.

Et Frustration ne s’arrête pas là puisque « Vorbei » (chanté avec Anne du groupe Hammershøi) s’offre à nous de manière complètement épurée. Le titre fait la part belle à ces deux voix posées sur une boite à rythme minimaliste, juste accompagnée de quelques nappes synthétiques. Surprenant !

Encore une fois, peut être que certains fans exclusifs des titres énervés n’y trouveront pas leur compte, mais qu’ils se rassurent, « Consumés » s’enflamme et Fabrice excelle une nouvelle fois au chant (c’est à noter tant les groupes locaux capables d’être pris au sérieux en chantant aussi bien dans la langue de Keen’v et de Dua Lipa sont rares).

Au cours de ces vingt dernières années, la scène hexagonale nous aura offert quelques beaux challengers et chouettes copains de scène à Frustration. Néanmoins il faut reconnaitre que rares sont ceux à avoir réussi à dépasser le deuxième album tout en maintenant un intérêt constant chez leurs auditeurs. Frustration y parvient une nouvelle fois avec ce Our Decisions à placer immédiatement sur le podium des œuvres du groupe.

Alors aux actuels/futurs auditeurs, que ce soit sur support physique ou en dématérialisé, écoutez cet album dans son intégralité tant il est cohérent et riche (oui oui, on te voit sur les plateformes ne pas écouter les derniers titres…).

Fred

Tous nos articles (chroniques, interview) sur Frustration

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *