Failure – Wild Type Droid

Publié par le 6 janvier 2022 dans Chroniques, Notre sélection, Toutes les chroniques

(Failure Records, 3 décembre 2021)

Par les temps qui courent, une virée dans l’espace, loin de tout ce merdier, ne serait pas de refus. Failure a toujours été constitué d’astronautes hors pair et si personne n’a oublié l’épopée sur une Fantastic Planet peuplée de merveilles il y a 25 ans de cela, l’équipage est toujours aussi fringant depuis qu’il a décidé de remettre les gaz en 2015. Dernière preuve en date, ce Wild Type Droid, qui choisissait d’atterrir fin 2021 sans se soucier le moins du monde d’éventuels chamboulements dans les tops albums de pauvres rédacteurs pris au dépourvu. Failure est loin de ce genre de considérations. Pour brouiller encore davantage les cartes, le trio a fait moins dans l’immédiateté que précédemment mais se révèle probablement plus space (rock) qu’il ne l’a jamais été. Dès les premières écoutes, il ne faisait guère de doute qu’on avait affaire à un travail soigné. De doute, il subsistait toutefois quant à la capacité du disque à grimper lentement mais sûrement dans notre estime, à marquer durablement les esprits. Maintenant qu’on lui a bien laissé le temps de faire ses preuves, on peut le dire : le bestiau n’a jamais cessé son ascension et désormais, il en impose et regarde droit dans les yeux les albums précédents. Presque sevré de riffs assassins alors que ceux-ci nous ensevelissaient dans (prenez votre souffle) In The Future Your Body Will Be The Furthest Thing From Your Mind, Wild Type Droid a opté pour un procédé simple et non moins efficace : composer de grands morceaux. Une recette qui a fait ses preuves depuis la nuit des temps. Ainsi, hormis le débarquement soudain et imposant de « Submarines » à l’effet immédiat, et dans une moindre mesure celui de « Mercury Mouth », on a beau guetter, on se satisfait davantage d’ambiances soignées. Et ce qu’on pouvait initialement déplorer, constitue finalement un motif de réjouissance.

Failure fait en effet preuve ici d’une très grande maturité. Il évite soigneusement la facilité et vous fera succomber à mesure que les écoutes se multiplieront, par touches successives. Ça nous est arrivé, ça vous arrivera. Car le travail minutieux de production (signé Ken Andrews, le chanteur-guitariste himself) et sur les arrangements atteignent ici une précision redoutable et, comme si ça ne suffisait pas, certains morceaux bénéficient de refrains épiques qui ne vous quitteront plus. Un des premiers qui titille agréablement l’oreille est celui de « Long Division ». Presque trop, se dit-on dans un premier temps. Pourquoi bouder ce qui est bon, tempère-t-on par la suite. Car très vite, ce morceau s’impose comme un incontournable, de ceux que l’on reconnait dès les premières secondes, qu’on semble maitriser parfaitement et qui, pourtant, ne cesse de nous émerveiller de par sa richesse. On pourrait presque en dire autant du premier single « Headstand » à la basse massive et au gimmick de guitare férocement addictif. Avant un pont stellaire suscitant l’émerveillement. Ou de « Undecided » et sa magnifique mélodie, renforcée par des synthés bien sentis, avec un Ken Andrews (en très grande forme tout au long de l’album) annonçant qu’il doit se réveiller, quitter la lune, rentrer. On était pourtant très bien tout là-haut en sa compagnie. Son fidèle comparse Greg Edwards n’est pas en reste. Lui qui tient un rôle essentiel dans la composition (à la manière de Lennon/McCartney, chaque morceau est crédité Andrews/Edwards tant chacun occupe un rôle prépondérant et refuse de tirer la couverture à lui), a les honneurs de donner de la voix pour nous indiquer la sortie, comme sur l’album précédent (« Half Moon »). Et de quelle manière ! Une simple mélodie acoustique, sa voix frêle pour un dépouillement total à haute teneur mélancolique. Et malgré tout, des effets, beaucoup d’effets. On est chez Failure, on soigne l’habillage et le décollage est obligatoire.

Il s’agirait enfin de ne pas dédaigner « Bring Back The Sound » aux arpèges délicats, avant l’arrivée d’une basse chaleureuse, avant un envol franc et irrémédiable à la moitié du morceau. Rien ne presse, le temps est un allié. On l’a vu, Wild Type Droid en nécessite. Inutile d’écouter un morceau et demi puis de passer à autre chose, de chercher le coup de grâce immédiat après avoir lu cette chronique, vous êtes prévenus. On sait ce que c’est, on court sans cesse après le temps. Parfois, ça a du bon de se poser. Vous verrez. Petit à petit, laissez-le s’imposer. Vous nous remercierez plus tard, on n’est pas pressé.

Jonathan Lopez

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