Echoplain – In Bones
Malgré une mémoire qui leur joue des tours, les vieux irrécupérables que nous sommes n’oublient pas qu’il est parfois bon de se faire mal. De se faire saigner les tympans, grincer les articulations et tant pis si tout faux mouvement peut se payer le lendemain, voire les semaines qui suivent.
Les vieux débris que nous incarnons apprécient également se faire violence, se lancer des petits défis, bomber le torse, percuter le voisin et se marrer le lendemain en se disant qu’il n’y a que les connards qui regrettent les verres de trop, les sorties déraisonnables et les amplis montés trop haut. Nous dormirons quand nous aurons rendu l’âme. En attendant, malmenons-la comme nous l’entendons, savourons notre prétendue jeunesse éternelle(ment sonique), dégustons nous faire amocher, régalons-nous du parfaitement jouissif (même sans baiser comme des animaux) « Closer » et ses larsens gorgés de mélancolie, courons sans nous retourner tels des poulets sans tête (« Chicken Run »), secouons-nous gaiement comme les bons gros « Bourrinou »(s) que nous demeurons, au même titre que ceux qui nous proposent ce festin bruitiste. LA FRANCE, mesdames et messieurs, peut baisser le regard lorsqu’il s’agit d’évoquer son passé colonial, les exactions de ses hauts dirigeants ou le consternant manque d’empathie d’une partie de la population qui regarde l’autre crever la gueule ouverte et s’en lave les mains, mais la NOISE MADE IN FRANCE peut se targuer d’être toujours capable, comme aux plus belles 90s glorieuses, de coller bien des beignes salutaires. Et ce n’est pas ce second album d’Echoplain qui le démentira. Nous ne nous coltinerons pas tous les quatre matins ce gros bloc implacable, un brin monolithique, parce que nous ne sommes pas encore totalement demeurés non plus mais nous retournerons au front régulièrement et constaterons chaque fois avec davantage de clarté que cet In Bones, évidemment au plus près de l’os, sait également convoquer les plaisirs de la chair. Si « Milla Jovovich » offre des cassures abruptes plutôt que des courbes généreuses, « Push » ose un pont aérien d’un goût certain, la basse démoniaque précédant les cris de « You Won’t Find Me » vient balayer toute torpeur menaçante, quant à ce sacré « Disko Boy », il s’évade sur son final avec une trompette free démentielle dans laquelle souffle avec bonheur l’ex-Son(s) of Frida Benoît Malevergne (fratrie quasiment réunie ici puisqu’Emmanuel Boeuf, chant/cris/tortionnaire de guitare et Clément Matheron, destructeur de quatre cordes et de son propre dos*, en faisaient également partie).
Bref, tous ces gars aux CV bien remplis** refusent de vieillir, nous collent toujours des branlées sur demande comme à nos/leurs plus beaux jours et, pour un peu, quand l’enthousiasme est à son paroxysme, nous empêcheraient presque de radoter comme des vieux cons que c’était mieux avant.
Jonathan Lopez
* Vous devriez voir comme il se contorsionne sur scène. On plaint son ostéo.
** Sons of Frida donc, mais aussi A Shape, Emboe ou encore Velocross.