E – Complications

Publié par le 3 mai 2020 dans Chroniques, Notre sélection, Toutes les chroniques

(Silver Rocket/Lokal Rekorc, 21 avril 2020)

On ne se lassera jamais de retrouver le timbre singulier de Thalia Zedek et ces dernières années, entre ses albums solos, la reformation de Live Skull l’an passé (même si sa participation se limitait à quelques morceaux) et son (super)groupe qu’on appelle E qui vient tout juste de nous offrir une troisième friandise, nous sommes gâtés.

D’autant que le rythme soutenu de sorties n’altère nullement la qualité. On se demande même chaque fois, passé le temps d’acclimatation nécessaire, si les nouveaux albums ne supplantent pas ses prédécesseurs. Une chose est sûre ici, le trio (qu’on ne devrait plus avoir à vous présenter) qu’elle forme avec Gavin McCarthy (Karate) et Jason Sanford (Neptune) est d’une osmose criante, partageant les rôles idéalement, se refilant le micro constamment et ce Complications, tout varié qu’il est, ne manque jamais sa cible. La fabuleuse « Sunrise » se démarque d’emblée comme une très grande qui appelle au repeat frénétique. Zedek s’y montre extrêmement touchante, et le riff minimaliste mais addictif fait le reste. La mélancolie est prégnante (comme sur « Caught » en ouverture où Thalia se chargeait déjà de dresser les poils) mais la luminosité du morceau contraste avec l’ensemble, plus aride et nullement rigolard.

Sanford y est pour quelque chose, car si les chants sur le fil, peu mis en avant, ressemblent à des instruments parmi d’autres, la voix de ce dernier sur « Gelding » transpire l’insécurité. On le serait à moins, entourés d’harmoniques faussement rassurants, d’une batterie à cran et mis à mal par un break qui suinte l’angoisse où la basse (analogique puisque nul bassiste ne rôde ici) ronfle avec une ampleur démesurée. Un inconfort déjà initié par l’ami Jason sur cette boule de nerfs qu’est « Acid Mantle » où culminent ses cris incantatoires sur un refrain qui aurait certainement comblé Michael Gira.

Mais pas de quoi se faire dessus non plus, ni se heurter constamment à un mur (du son). Les instrumentations anguleuses, jamais évidentes, volontiers claustrophobes, finissent par révéler, planquées derrière les barbelés, des mélodies à chérir amoureusement (le refrain enlevé de « Like A Leaf », morceau mené habilement par Gavin McCarthy qui martèle son phrasé avec le même aplomb que lorsqu’il maltraite ses fûts ou « Apiaries Near Me » en guise de conclusion qui, pendant 1 minute 30, nous fait croire à un tutoriel du parfait instrumental post-hardcore noisy avant que Jason et Thalia ne s’y mettent à deux voix pour nous agenouiller).

Avec tout ça, on en oublierait presque d’évoquer l’un des redoutables singles, « Contagion Model », à l’efficacité et immédiateté prouvées, dont les mots scandés par McCarthy résument parfaitement l’album et résonnent étrangement à l’heure actuelle : « It’s contagious, spread it around! ».

Jonathan Lopez

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