Dry Cleaning – Stumpwork

Publié par le 19 octobre 2022 dans Chroniques, Toutes les chroniques

Dans notre chronique du premier album de Dry Cleaning, tout en reconnaissant le talent du groupe, nous interrogions sa capacité à se surpasser et à proposer une œuvre davantage ambitieuse et peut-être moins connotée post-punk. Quatorze mois plus tard, nous avons notre réponse, et c’est avec surprise que nous jugeons le palier franchi par le groupe sur Stumpwork. En dépit des doutes légitimes que nous avions émis, force est de constater que les quatre membres de Dry Cleaning ont su affiner leur partition pour balancer un album plus ambitieux, mieux maîtrisé, et résolument supérieur à leur premier essai.

Il est intéressant d’apprendre que l’équipe derrière ce nouvel album est restée la même. John Parish est de retour à la production, donc, accompagné une fois de plus de Joe Jones, au son. Un des premiers éléments permettant de comprendre l’évolution si positive est le temps pris par le groupe pour travailler sur ce disque ; deux fois plus que pour New Long Leg. L’environnement était donc propice à la confiance et le groupe en a profité pour affiner ce qui devait l’être, expérimenter des choses nouvelles, et laisser derrière lui des tics et des lourdeurs de jeunesse.

Dès le premier titre, « Anna Calls From the Arctic », nous découvrons, à la place de la pourtant excellente guitare de Tom Dowse, un clavier et une clarinette surprenante. L’image que nous nous étions faite de Dry Cleaning est d’ores et déjà sensiblement écornée. La guitare reviendra bien vite, mais se tiendra, le plus souvent, un pas en arrière, afin de se fondre plus subtilement dans la musique. Elle ne jouera que rarement le premier rôle (sur « Driver’s Story » notamment), à la différence de New Long Leg, sur lequel elle était particulièrement mise en avant (c’était pas du Dinosaur Jr., mais elle était quand même partie prenante de l’identité et de la singularité du groupe). Nul doute que certains trouveront à redire sur ce changement de direction mais c’est sans compter l’épaisseur prise par la musique via le prisme proverbial : less is more…

Là ou nous craignions de voir Dry Cleaning s’embourber, à l’instar de tant de groupes de sa génération, dans sa propre semi-légende, en tentant péniblement de reproduire l’album qui lui a permis de se retrouver dans un quelconque festival européen, entre mai et septembre, nous découvrons, au contraire, un groupe qui, sans renier ce qu’il est intrinsèquement, propose, dès son second album une réinvention de son univers, et, nous le regardons, dès lors, comme étant plus efficace, plus mystérieux, et tout simplement plus intéressant que ce que nous l’en croyions capable. Ça vaut bien de faire des phrases.

Autre réussite notable, la montée en puissance de la frontwoman Florence Shaw. Tant au niveau de ses textes que de son interprétation, Shaw fait preuve d’un talent, d’une sensualité et d’un humour qui donnent une partie de son caractère à Stumpwork. Surtout, elle se permet, enfin, davantage de détours mélodiques qui lui vont à ravir et qui donnent un relief nouveau aux parties purement « spoken ». Ainsi, nous ne pouvons résister au charme de la ritournelle brisée « Gary Ashby » et du décalage, presque lo-fi, entre la musique et la performance de Shaw. Il y a des intentions résolument ludiques dans cet album, qui se sentent, autant qu’elles s’entendent. Des nuages traversent, de temps en temps, notre champ de vision, sur des titres comme le bien nommé « No Decent Shoes for Rain », mais même dans pareil cas, nous devinons une malice de garnement qui allège irrémédiablement ce qui aurait pu n’être qu’une ballade vaguement humide.

Dry Cleaning signe un retour plus que convaincant et nous ne nous risquerons pas à formuler de nouveaux doutes les concernant. Il est évident que beaucoup se sentiront, au mieux, déboussolés par ce deuxième album qui apporte pourtant la preuve irréfutable que Dry Cleaning fait partie des meilleurs jeunes groupes actuel et c’est avec impatience que nous attendrons désormais la suite de leur évolution.

Max

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