DISCO EXPRESS #23 : Jack White Stripes
À l’opposé de notre rubrique sobrement intitulée « discographies » qui se veut objective, exhaustive et documentée, nous avons choisi ici de vous résumer chaque mois des discographies avec concision, après une seule réécoute (quand ce n’est pas la première !) de chacun des disques. Des avis tranchés, des écrits spontanés, plus ou moins argumentés avec une bonne dose de mauvaise foi et d’amateurisme. Cause hey, this is just music!
Puisque Jack White sort deux albums solo en 2022, c’était l’occasion de terminer enfin cette chronique entamée sans doute vers 2020. L’affinage, c’est primordial. Et réclamée avec insistance par le rédac-chef de votre webzine préféré. (Spoiler : en fait, je crois qu’il s’en tape du père White). Blague à part, et même si cette opinion est sans doute (très) minoritaire dans la rédaction, je considère Jack White comme un grand guitar-songwriter. Et un des plus importants musiciens des années 2000. Vous connaissez au moins un de ces titres, tube intergalactique devenu hymne de stade par la foi d’ultras du FC Bruges et d’une coupe du monde remport… – plutôt chouravée en fait – par l’Italie. Mais c’est surtout un amoureux de la musique américaine du blues du Delta au punk de Detroit, en passant par le folk, la country, le rock heavy des 70’s et j’en passe… Tour d’horizon des talents du bonhomme. Come on, Jack !
The White Stripes – The White Stripes (1999) : Premier album homonyme, plus écoutable pour la curiosité historique que pour le souvenir impérissable. L’esthétique chromatique y est déjà, Meg tape sa batterie préhistorique, Jack met toute l’énergie de sa jeunesse et alterne déjà proto-punk en power chords (« Broken Bricks »), et blues des origines (« Suzy Lee », « I Fought Piranhas »). Pas un morceau à plus de 3 minutes 30. C’est rugueux, séminal (« Cannon », « Astro », « When I Hear My Name »), on a du mal à croire qu’on est en 1999. Et c’est là la magie de ce rock roots encore mal dégrossi et produit à l’arrache. Les White Stripes rejouent le frisson originel : prends ta 6 cordes, mets l’ampli sur 10, and play the fucking rock’n’roll. Mais le père Jack pose quand même quelques petites perles (« Do », « Wasting My Time », le génial « Screwdriver ») où l’on entrevoit sa science du riff et son talent de songwriter naissant. Et même une reprise de Dylan (« One More Cup of Coffee ») !
The White Stripes – De Stijl (2000) : Avec le 2e album, confirmation que ce Jack White est de la trempe des grands. D’entrée, « You’re Pretty Good Looking (For a Girl) » ou « Hello Operator » préfigurent les futurs tubes qui garniront l’album suivant, White Blood Cells. Hommage au blues du delta (la montée de « Little Bird », la cover dynamite du « Death Letter » de Son House, ou celle classique du « Your Southern Can is Mine » de Blind Willie McTell, les plus dépressifs « A Boy’s Best Friend » et « Sister, Do You Know My Name »), les White Stripes rapatrient le Mississipi du côté de Détroit à coups de décharges électriques (« Why Can’t You Be Nicer to Me? »). Mais ils ne délaissent pas pour autant leurs penchants pour un folk intemporel avec quelques titres sublimes (« I’m Bound to Pack It Up », « Truth Doesn’t Make a Noise ») qui compensent facilement le proto-punk plus faible de « Jumble, Jumble » ou « Let’s Build a Home ». Album culte au charme intemporel. Même Tarantino y a puisé pour son western (« Apple Blossom » pour la BO des 8 Salopards). Si c’est pas la classe, ça ! LA CHRONIQUE
The White Stripes – White Blood Cells (2001) : Bon là, Jack et Meg partent à la conquête du monde. Succès d’estime seulement avec le précédent De Stijl, les White Stripes ont un peu de fric, gonflent la prod’ pour ce nouveau disque (c’était pas dur en même temps) et montent encore le son avec un Jack furax (« Expecting », « The Union Forever »). Mais attention, sur « Little Room », Jack a cappella avec la batterie de Meg te fait la leçon. On va à l’essentiel. 16 titres ok, un paquet de tubes en or massif mais toujours en duo. Sans artifices de studio. Guitare-batterie. That’s all. « Hotel Yorba », l’opener diabolique « Dead Leaves and the Dirty Ground », le clip en Lego avec Gondry pour le punky « Fell in Love With a Girl » et ses ohohohoh, le trop cute et country « We’re Going to be Friends », « Offend in Every Way », « Now Mary », « I Can’t Wait » et son intro piquée à « Heart-Shaped Box ». Le bougre sait y faire en matière de rock efficace et addictif. Les titres moins bons, on s’en fout ! La hype est définitivement lancée : le rock est de retour en ce début des années 2000. Et c’est Jack qui porte la bannière rouge, noire et blanche.
The White Stripes – Elephant (2003) : Bon, après le monde, la galaxie. Avec un patronyme pareil pour cet album, les White Stripes semblaient partis pour la jouer gros balourd dans les magasins de porcelaine. D’autant qu’avec « Seven Nation Army » en ouverture (je crois que vous la connaissez celle-là), on est quand même sur du White Stripes basico-basique loin de leur meilleur niveau (#singlebashing). Même remarque pour « Hardest Button to Button » que l’on sauvera grâce à son clip génialissime signé Gondry. Mais à la réécoute, on s’aperçoit surtout que le père Jack s’est acheté des pédales pour multiplier les solos distordus (« There’s No Home for you Here », quel titre !) et se la jouer 70’s (coucou Led Zep) avec un son bien gras comme il faut. Et c’est un festival avec les vitaminés « Black Math », « Girl, You Have No Faith in Medicine », le furieux « Little Acorns » et sa fameuse parabole de l’écureuil en intro, ou le bluesy et épique « Ball and Biscuit » en long format (7 minutes de montagnes russes !), sommet de l’album. On sent le Jack heureux comme un môme qui a enfin le joujou dont il rêvait (« The Air Near My Fingers » et ses dodododo). Y’a pas grand-chose à jeter sur cet album au final. Et Jack sait aussi se faire songwriter corde sensible pour équilibrer tout ça. Ecoutez juste « I Want To Be the Boy To Warm Your Mother’s Heart », le poignant « You’ve Got Her in Your Pocket », ou le feel good « Well, It’s True that We Love One Another ». Y’a même Meg qui chante sur « In the Cold, Cold Night ». Et une cover heavy de Burt Bacharach (« I Just Don’t Know What to do With Myself ») avec Kate Moss dans un clip… comment dire… Leur meilleur album ? Peut-être pas, mais le sommet de leur carrière sans aucun doute.
The White Stripes – Get Behind Me Satan (2005) : Après Elephant, et le succès intergalactique via « Seven Nation Army », Jack White tente la Radiohead. Faire autrement plutôt que recycler son succès. Avec « Blue Orchid » en single d’entrée, c’est raté. C’est du White Stripes pur sucre. Efficace mais sans plus. L’album est étrange et déroutant, presque bipolaire. Et globalement plutôt acoustique dans sa 1ere moitié, avec beaucoup de piano. Musique de saloon déglinguée (« The Nurse », wtf), dans la pénombre au fond (« White Moon » bien tristoune, « As Ugly as I Seem » pas si mal, « I’m Lonely, But I Ain’t That Lonely Yet »). Mais complètement addictif parfois aussi avec un Jack White sous amphèts (« My Doorbell », l’enjoué « Little Ghost », le génial « The Denial Twist », ou « Take, Take, Take »). Bon, y’a quand même un peu d’électricité sauvage (« Instinct Blues », mais surtout « Red Rain », slide festival) mais à peine. Album décousu et (un peu) en panne d’inspiration, leur plus faible sans doute.
The White Stripes – Icky Thump (2007) : En fait, je m’en aperçois maintenant, les White Stripes c’est six albums en seulement huit ans ! J’avais presque oublié que le père Jack est un sacré bosseur. Ainsi, après le précédent assez mollasson, les White Stripes renouent avec l’électricité. Et s’offrent un beau jubilé. Rien de nouveau sous le soleil. Mais rien à jeter non plus. « Icky Thump », single au riff bien senti et sa punchline « Why don’t you kick yourself out? You’re an immigrant too » ouvre le bal. On trouve toujours du White Stripes rock des familles (« Bone Broke », « Rag and Bone », « Little Cream Soda », bien gras). Et du White Stripes wtf avec la doublette irish « Prickly Thorn, But Sweetly Worn » – « St Andrews (this battle is in the air) » ou une cover hispano barrée (« Conquest »). Pas mal de claviers old school aussi et deux ou trois titres qui annoncent les efforts solos du père Jack, plus folk-country. Et une perle que je redécouvre presque avec ce sublime « 300 M.P.H. Torrential Outpour Blues » oublié. Quel titre ! Les Raconteurs avant l’heure. Y’a surtout le slide blues 2.0 de « Catch Hell Blues » qui n’a pas pris une ride. Killer Tune. Jack White signature. Avant « Effect and Cause », folk song à trois accords bateaux mais magique grâce à son bagout. Finir l’aventure avec ces deux titres, c’est la classe ultime. Ça va hurler dans les chaumières mais Jack White est quand même un des plus grands guitariste/compositeur depuis la fin des années 90.
The Raconteurs – Broken Boy Soldiers (2006) : L’aventure White Stripes pas encore enterrée, le stakhanoviste White lançait l’épopée Raconteurs avec son cousin Brendan Benson (dont l’apport est plus que déterminant). En fanfare, avec un premier album qui avait fait sensation à l’époque porté par le single « Steady, as she goes », efficace, mais pas légendaire non plus. À 4, dans un groupe soudé qui se fait plaisir, ça déroule sans forcer son talent (« Hands » bof, « Together » trop léger, « Call it a Day » à deux de tension, « Blue Veins » mieux que dans mon souvenir). 10 titres seulement et donc un album ne fait pas le poids avec le suivant, mais clairement pas (la prod sonne flat), mais ces gars-là ont de l’énergie à revendre (« Broken Boy Soldiers », « Intimate Secretary », « Level », la groovy « Yellow Sun ») et on sent que ça peut partir vers d’autres hauteurs. À l’image de l’incroyable et bien trop court « Store Bought Bones », furieux rush électrique de 2 minutes 30. Solo en excès de vitesse à écouter à fond les fenêtres ouvertes sur la highway.
The Raconteurs – Consolers of the Lonely (2008) : Place au masterpiece. Mon précieux. En 14 titres, les Raconteurs signent un des plus beaux manifestes de classic rock, americana, folk, country et j’en passe… Old school, mais dans les années 2000 (la pochette !). Les artisans à leur meilleur. Intemporel. Ce que les White Stripes à deux ne pouvaient pas faire mais fantasmaient secrètement. Des tubes vitaminés pour commencer : « Consolers of the Lonely », « Salute Your Solutions ». Et surtout une flopée de titres imparables, à l’élégance vintage (« You Don’t Understand Me » et son piano, la trompette de « The Switch and the Spur », la classique White slide-song « Top Yourself », « Many Shades of Black »). Et une énergie addictive : « Old Enough » et son « what you gonna do? », « Hold Up », «Five on the Five», « Attention » et son riff bondissant. Monte le son ! Et ça ne faiblit même pas sur la fin ! Triplette magique en guise de feux d’artifices. « Rich Kid Blues » cover de Terry Reid, l’intro, le couplet tonitruant, le break groovy, les claviers, le solo ouf… Grand morceau ! « These Stones Will Shout » n’en mène pas large ensuite mais sa bipolarité étonne toujours (la partie acoustique !). Et pour finir, « Carolina Drama », perle crépusculaire du songwriting de Jack White à son meilleur. Six minutes sublimes en crescendo où il n’a jamais aussi bien chanté. Quel album ! Un des plus marquants de la décennie. A mon avis, le Jack White le mieux entouré pour sa plus solide collection de chansons. Si vous n’aimez pas, je ne peux plus rien pour vous.
The Raconteurs – Help us Stranger (2019) : Retour après 11 ans. Le quatuor avec son duo fort White-Benson déroule. Dès l’inaugural « Bored and Razed », on retrouve le rock frontal et riffesque du groupe. Efficace. En dernière piste, le sublime folk de « Thoughts and Prayers » se hisse sans problème aux hauteurs de l’album précédent avec ce crescendo de cordes superbe sur le final. La pépite. L’ennui c’est qu’entre ces 2 titres, on s’emmerde pas mal (« Shine the Light On Me » bof, « What’s Yours Is Mine », sauvé par son solo). Du classic-rock efficace mais mou du genou (« Only Child », « Somedays » dont on ne retiendra que le mantra final « i’m here right now, i’m not dead yet »). Pas (trop) de trace de soli whitesques suraigus pour pimenter ce son bluesy propre mais peu surprenant (« Hey Gip »). « Don’t Bother Me » ou « Live a Lie » tentent de la jouer badass, « Help Me Stranger » est sympa mais seul le dernier tiers de l’album relève un poil la note (avec un « Sunday Driver » très efficace ou le blues convaincant de « Now That You’re Gone »). Le quatuor est clairement en-dessous de Consolers of the Lonely.
The Dead Weather – Horehound (2009) : deuxième supergroupe pour le père White, qui n’a pas dû beaucoup dormir entre 2005 et 2010 (6 albums pour 3 groupes !). S’il joue plutôt de la batterie ici, les guitares bluesy bien cradingues de Dean Fertita (QOTSA) font tout autant d’effet. Et cette diablesse d’Alison Mosshart (The Kills) incarne parfaitement ce rock parfois sauvage, mais moins que dans mon souvenir en fait (« 60 Feet Tall », assez minimaliste). « Hang You From the Heavens », single parfait, lui, n’a pas pris une ride. « Treat Me Like Your Mother » est bien cool. J’avais presque oublié ce « I Cut Like a Buffalo », reggae-dub à claviers vintage complètement wtf ! « Bone House » et « 3 Birds » sortent aussi du lot par leur étrangeté. Ça sent la jam enfumée ! Et le blues crépusculaire de « Will There Be Enough Water? », super titre en clôture. Le reste m’a paru quand même anecdotique… Bon, je crois surtout que c’est comme avec les Raconteurs, je préfère carrément le deuxième et je vais écouter le 3e pour cette disco express (#déjà-vu).
The Dead Weather – Sea of Cowards (2010) : Ah mais en fait, les tubes de The Dead Weather, ils étaient là ! Meilleure prod, riffs bluesy old school en veux-tu en voilà, une première partie d’album de haut vol, le revoilà le Dead Weather qui m’avait impressionné sur la grande scène des Eurocks en 2000 je sais plus combien… « Blue Blood Blues », « Hustle and Cuss », le génial « The Difference Between Us » avec une Alison déchainée, l’inquiétant et entêtant « I’m mad », et « Die By the Drop », ce single bombastique avec le duel vocal Jack-Alisson ! Ça s’enchaîne sans temps morts ! Sur volume 10, SVP. Seuls bémols, « Jawbreaker » bof bof et « Looking At the Invisible Man », qui ressemble quand même à un nouveau « I Cut Like a Buffalo » en moins bien. Dans le genre rock mal peigné des 70’s mais boosté an 2000, c’est quand même un putain d’album.
The Dead Weather – Dodge and Burn (2013) : Bon, là, je suis en direct. Première écoute complète de cet album que j’avais raté à l’époque. « I Feel Love (Every Million Miles) » ouvre avec brio, beau riff zeppelinien et Alison Mosshart s’époumone comme il faut. Efficace. Le son est savamment cradingue (« Let Me Through », « Buzzkiller »), ça riffe pas mal (« Cop and Go »). Parfois il y a la volonté de s’éloigner de sa zone de confort (« Three Dollar Hat », « Impossible Winner » piano song inattendue où Alison étonne). Mais ça sonne aussi déjà entendu (le clavier de « Lose the Right », « Be Still »). Album honnête mais sans réelle étincelle. Vu le casting, on était en droit d’attendre (beaucoup) mieux.
Jack White – Blunderbuss (2012) : Premier effort solo pour le Jack. Control freak, il gère tout de A à Z mais avec un paquet de musiciens pour l’épauler. Il joue les mêmes morceaux mais avec deux groupes différents : l’un masculin, l’autre féminin (!). Il enregistre 25 chansons pour n’en garder que 13 au final. Pas grand-chose à jeter donc ? Presque. Entre country, folk et (un peu de) rock ultra efficace à la White (Stripes), c’est un album solide. Quelques singles efficaces (« Sixteen Saltines », « Freedom at 21 », « Love Interruption »), quelques perles qui fleurent bon l’Amérique (le countrysant « Blunderbuss », l’élégante piano song « Hypocritical Kiss ») et quelques titres badass pour équilibrer le tout (« Trash Tongue Talker », la fin de « Take Me With You When You Go »). « I’m Shakin’ » (cover de Rudy Toombs) annonce presque les récentes lubies groovy de Jack White à partir de Boarding House Reach. Le dernier quart de l’album est plus acoustique et il pourrait aussi bien le jouer dans un saloon au milieu des tables (« On and On and On », et « I Guess I Should Go to Sleep » surtout qui ramène à l’époque Get Behind Me Satan). Mais on trouve surtout une pépite de plus du père White avec l’excellent « Weep Themselves to Sleep », porté par le piano et avec un petit solo whitesque.
Jack White – Lazaretto (2014) : Deux ans plus tard, il remet ça. Avec une recette à peu près identique entre acoustique intemporelle (« Temporary Ground », très beau duo avec Lillie Mae Risch, l’élégante country de « Entitlement ») et rock plus énervé. Avec des titres imparables comme « Three Women », « Lazaretto » ou le furieux instrumental « High Ball Stepper » où il ressort ses pédales les plus gourmandes en fuzzeries aigues. Ça décolle le papier peint. Avec « Would You Fight For My Love? », Jack White signe un de ces plus beaux titres toutes époques confondues. Il a rarement chanté aussi bien et les chœurs féminins emmènent le titre dans une direction inattendue, presque grandiloquente. Mais c’est beau. On oubliera donc facilement le faiblard « Just One Drink » et une seconde partie d’album moins marquante. « The Black Bat Licorice », malgré le violon final, ressemble à du Dead Weather. Les morceaux acoustiques ne sont pas inoubliables mais les chœurs féminins récurrents font le taf (« Alone In My Home », « I think I Found the Culprit »). Un dernier album plutôt classique avant…
Jack White – Boarding House Reach (2018) : …le choc esthétique. On aurait pu s’en douter dès la pochette. Chantre de l’enregistrement analogique depuis toujours, Jack White s’essaye au travail de laborantin de studio. Et il fait donc joujou avec ses nouveaux outils. Toujours très entouré (une vingtaine de musiciens sont crédités sur ce disque), il s’ouvre à des influences nouvelles (funk, hip-hop… ou piano-jazz sur « Humoresque » où tu peux mettre Thom Yorke au chant sans y perdre au change) et tente d’incorporer des sonorités synthétiques (très inhabituelles chez lui) à ses compositions. À la première écoute, la surprise fut donc totale, après deux premiers albums solo quasi jumeaux. La rupture est radicale, l’effort louable mais l’album est bancal. Jack White multiplie les idées, mélange tout et n’importe quoi dans un furieux exercice de déconstruction de ses habitudes. Le résultat ? Des titres dispensables (« Why Walk a Dog? », « Abula and Akrasia ») et d’autres comme inaboutis (« Everything You’ve Ever Learned ») où l’on repère parfois les tics guitaristiques de son auteur (« Connected By Love »). « Hypermisophoniac », wtf ! « Ice Station Zebra » reconvoque ainsi le Beck des années 90 dans un melting-pot étrange. « Corporation » n’aurait pas fait tâche chez Jon Spencer Blues Explosion époque Acme/Acme+. On se demande parfois si on ne s’est pas trompé de disque comme à l’écoute du synthétique « Get In the Mind Shaft » étrangement addictif. Exceptés « Ezmerelda Steals the Show », titre acoustique égaré, voire « What’s Done is Done » plus classique malgré la boite à rythme et les claviers, on ne retrouve que rarement la patte acoustique de Jack White. Mais il s’illustre encore (et toujours) quand il s’agit de triturer sa six-cordes branchée sur le haut voltage. Et on frise le génie comme sur « Respect Commander », rock rétro-futuriste complètement barré ! Ou sur le bombastique single « Over and Over and Over », version 3.0 des White Stripes. Killer riff. Album très (très) étonnant.
Jack White – Fear of the Dawn (2022) : Dans la lignée de Boarding House Reach, Jack White continue de faire joujou en studio. Et signe un album où il continue sa toute récente entreprise de déconstruction de ses habitudes créatrices. Malgré une deuxième partie d’album en demi-teinte et quelques titres poussifs (« That Was Then, This is Now », « Eosophobia Reprise »), ce disque réserve de beaux moments et résiste mieux à l’épreuve des écoutes que son prédécesseur. Avec des singles white stripiens 3.0 diaboliques (« Taking Me Back », « Fear of the Dawn ») et des titres inventifs qui convoquent le Beck des 90’s. Il y a de la basse groovy et des claviers un peu partout. Ça singe le hip-hop ou le funk sans vergogne. On lève souvent les sourcils en se disant : WTF (« Hi-De-Ho », « Eosophobia », « Into the Twilight »). Mais ça marche. Et le père Jack laisse toujours une petite perle en passant. Avec le somptueux « Shedding My Velvet », il régale à nouveau d’un blues crépusculaire où il fait des merveilles à la guitare et au chant. Et la suite arrive déjà ce mois-ci avec un second album pour 2022 ! « What’s the trick? » LA CHRONIQUE
Sonicdragao
Jack White en 20 morceaux en piochant un peu partout (version youtube et spotify) :