DISCO EXPRESS #15 : Ramones

Publié par le 14 septembre 2021 dans Chroniques, Disco express, Notre sélection, Toutes les chroniques

À l’opposé de notre rubrique sobrement intitulée « discographies » qui se veut objective, exhaustive et documentée, nous avons choisi ici de vous résumer chaque mois des discographies avec concision, après une seule réécoute (quand ce n’est pas la première !) de chacun des disques. Des avis tranchés, des écrits spontanés, plus ou moins argumentés avec une bonne dose de mauvaise foi et d’amateurisme. Cause hey, this is just music!

Ramones (1976) : C’est l’album par lequel j’ai connu les Ramones. Bizarrement, au début, je n’ai pas aimé. Je trouvais ça assez lisse venant de types au look pareil. Je me souviens de témoignages (peut-être dans Please Kill Me) de gens ayant assisté aux concerts de l’époque et pensant qu’il ne s’agissait que d’une blague, une sorte de running gag (“1,2,3,4”) Bien entendu, lorsque le déclic a eu lieu pour moi, j’ai usé le vinyle jusqu’à la corde et regardé cette pochette mythique pendant des heures. Le plus marquant sur la durée du LP, c’est définitivement la basse, jouée bizarrement, mixée bizarrement mais à chaque fin de morceau, on se prend à attendre la ligne de basse du prochain. Puis, j’ai mieux écouté la batterie (Tommy !), la voix et la gratte. Puis, j’ai adoré le tout. Puis, je me suis lancé dans leur bio.

Leave Home (1977) : Je le connais d’abord via une belle compilation sortie dans les années 80, Ramones Mania. J’avais donc bien vissé dans le crâne des monuments comme “Gimme Gimme Shock Treatment”, “Commando” et “Pinhead”. La facilité me pousserait à dire que le reste de l’album est du même tonneau mais non, le reste est un cran en dessous. Jugement d’enfant gâté parce qu’à la réécoute, une doublette comme “You’re Gonna Kill That Girl”/”You Should Have Never Opened That Door” fonctionne très bien. Puis, je réalise qu’il contient les meilleures paroles des Ramones (“I met het at the Burger King, fell in love by the soda machine” sur “Oh, Oh, I Love Her So”).

Rocket To Russia (1977) : Une mine de tubes ! L’album qui nous a fait chanter en yaourt sur “Cretin Hop” (“1234 gnagnagagna 4567 gnagagnagnagna“), qu’on écoute tous les 31 décembre à minuit (“Rockaway Beach”), sur lequel on préfère nettement la pause “Here Today, Gone Tomorrow” au “I Wanna Be Your Boyfriend” du premier album. C’est aussi l’album dont personne sur Terre ne saurait citer le 4ème morceau de mémoire (“Locket Love”), l’album qui nous dévoile un nihilisme bubblegum (“I Dont Care”), un hit absolu sur un accord (“Sheena Is A Punk Rocker”), une intro qui débranche votre cerveau en 1/4 de seconde et vous pousse à sauter étrangement partout (“We’re A Happy Family”). Puis, il y a cette pochette comme un “sequel” du premier LP et aussi cette pochette cartoon à l’arrière, plein de crétinisme pop en temps de guerre froide.

Road To Ruin (1978) : L’album de la maturité comme on dit même si concernant les Ramones, ça fait franchement rigoler. Globalement joué moins vite (“I Just Want To Have Something To Do”, “I Don’t Want You”), moins saturé voire acoustique (“Don’t Come Close”, “Needles And Pins”, “Questioningly”), il contient tout de même sa dose de punk rapide (“She’s The One”, “Bad Brain”, “Go Mental”). Les Ramones ne font décidément rien pour éviter ces soupçons de groupe-gag et sont représentés en cartoon sur la pochette, tous les codes bien connus maintenant y sont (perfecto, jean déchiré aux genoux, un NYC sombre des 70’s en arrière-plan). On a là à la fois une belle synthèse de leur période 77-78, sans redite, et une vraie transition vers la suite qui s’annonce plus hésitante. “Road To Ruin” a vu Joey s’épanouir vocalement, Johnny a appris à étouffer ses cordes, Dee Dee est mixé plus classiquement et les démons de la bouteille n’empêchent pas Marky de faire “a good jaaaaaab” !

End Of The Century (1980) : L’album qui fait parler les critiques rock (Phil Spector, le flingue, etc). Mais alors quid du disque lui-même ? Au début, il faut un peu se forcer à oublier la production étrange (par moments, Marky semble avoir une peau de bête sur sa caisse claire) et ensuite, on découvre plein de qualités à cette sortie de 1980. Un humour sarcastique autour des tournées de concerts et de leur manager (“Danny says we gotta go to Idaho but we can’t go surfin’ cause it’s 20 below“). Une intro basse surprenante, très post-punk sur “I’m Affected”. Le gigantesque “Chinese Rocks” bien sûr. Les violons (oui !) sur “Baby, I Love You” ou encore une petite ligne de xylophone sur “I Can’t Make It On Time”. Un Joey qui commence à clairement montrer son envie de passer à de la pop bubblegum héritée des 60’s. Un texte anti-victimaire sur “This Ain’t Havana” avec toujours la petite “touch” d’humour. Un morceau que j’avoue n’avoir probablement jamais écouté en entier jusqu’à aujourd’hui, “All The Way”, très “live fast die young” et où Joey dit qu’il aurait mieux fait de signer avec la Navy plutôt que pour des tournées en van. En résumé, un album qui vaut le coup de s’asseoir confortablement, l’esprit ouvert et prêt à grimper le mur du son de Spector pour voir ce qu’il y a derrière !

Pleasant Dreams (1981) : Un album de transition qui n’en est pas un, je m’explique : OUI, c’est une transition entre les 5 premiers qui étaient tous de la même veine et celui-ci qui propose quelque chose de différent, un nouvel équilibre est à l’essai au sein du groupe (Dee Dee et Joey très présents au détriment d’un Johnny qui ne fait que le job). NON, ce n’est pas tout à fait un album de transition parce que lui-même est mémorable et constitue une étape en soi. L’ouverture se fait sur “We Want The Airwaves”, une de ces compositions un peu commerciales telles “Bonzo Goes To Bitburg”, “Pet Semetary ou encore “I Wanna Live” et… ces efforts tendant un peu vers le mainstream sont toujours plutôt payants et accouchent de morceaux de 3 minutes catchy à souhait ! Par ailleurs, une des meilleures compositions des Ramones toutes périodes confondues se trouve sur Pleasant Dreams (“The KKK Took My Baby Away”). Trois autres sommets pop sont atteints avec “Don’t Go” et surtout “She’s A Sensation” et “7-11″… Et les Ramones nous offrent les lyrics bubblegum les plus cool du monde (“Ramones are hangin’ out at Kokomo“, “I met her at the 7-11, now I’m in seventh heaven”, “She was standing by the Space Invaders”, “Fast cars, cold beer and rock and roll“…).

Subterranean Jungle (1983) : L’album que personne ne connaît vraiment. Il recèle pourtant de bonnes choses. Evidemment, “Little Bit O’Soul” a dû faire s’étrangler nombre de fans en entendant la cloche (de batterie, la cowbell), tels des fans des Saints écoutant “Prehistoric Sounds” pour la première fois (des cuivres, pouah !) Evidemment, la production est toute bizarre par moments, la batterie sonne parfois comme une boîte à rythme. Mais franchement, cela fait combien de temps que vous n’avez pas entendu d’aussi bons morceaux pop punk que “Whatd Ya Do?”, “Somebody Like Me” ou la tentative de hit “Time Has Come Today” ? Est-ce que les morceaux punk rapides tels que “Highest Trails Above” ou “Outsider” n’ont pas leur place dans un set rêvée d’un concert qui n’arrivera plus? Alors… surmontez cet aspect un peu cheap côté production et plongez-vous dans ce LP de 1983 ! Ah, au fait, il y a aussi “Psycho Therapy” dessus…  

Too Tough To Die (1984) : Début de la période Richie Ramone, le batteur qui leur fait gagner un bon quart d’heure sur l’exécution en concert de la setlist. Les Ramones se paient une tranche de hardcore (je me souviens avoir presque redouté le moment où commencera “Wart Hog” ou “Endless Vacation” en concert). Hardcore mâtinée de pensées écolo avant la lettre (“Planet Earth 1988”) et mis en concurrence avec de nouvelles grosses tentatives de mainstream-isation avec “Chasing The Night” mais surtout “Howling At The Moon” que je me souviens avoir détesté lorsque je me dépucelais (en terme d’éducation ramonesque, j’entends) avec la compilation Ramones Mania. Ce groupe si cool sur “Commando” ou sur “Sheena” ne pouvait pas commettre ÇA ! Bon, en tout, je compte que la moitié de l’album parle de la planète, des vieux ou des cons. Une espèce de bonne conscience typiquement 80’s (Live Aid aaarrgghh) mais… à la sauce Ramones, ça passe très bien en fait !

Animal Boy (1986) : L’album qui contient le pire morceau des Ramones de tous les temps, j’ai nommé “Crummy Stuff”. Sinon, on est dans une prod un peu froide, un peu rigide, très (post-)post-punk (“Freak Of Nature”). Tout n’est pas à jeter, loin de là mais c’est très inégal. L’excellent “Bonzo Goes To Bitburg” ou le sentimental “She Belongs To Me” sont un peu isolés au milieu d’efforts aux fortunes diverses.

Halfway To Sanity (1987) : J’ai toujours adoré. Prenez un album à la pochette très nightlife urbaine avec un Dee Dee aux cheveux courts, un Joey qui ne voit plus la lumière du jour depuis longtemps, Johnny qui fait la tronche et un Richie quI voit son CDD se terminer bientôt (hey, Marky, le retour !) Musicalement, on démarre par un des morceaux commerciaux réussis des Ramones. “I Wanna Live” est bien composé, bien joué, bien chanté, la prod est sobre. Suit “Bop ‘Til You Drop” qui a des lyrics à peine plus longs que “Judy Is A Punk”. On enchaîne avec un morceau jamais cité, peu ou pas joué en concert mais tellement catchy, “Garden Of Serenity”. En bossant sur ce papier, ça m’est revenu, j’aimais ce morceau un peu dark qui annonçait un peu “Pet Semetary”. Ensuite, Joey se fait presque péter les cordes vocales en évoquant ses angoisses et ses nuits pourries sur “Weasel Face”. Puis, pfioouuu, on respire et on repart sur du grand Ramones, “Go Lil Camaro Go”, un peu leur “Surfin Bird” aux paroles “rafraichissantes” (“Girls Cars Sun Fun, good time for everyone“), la Camaro va bien aux Ramones, eux s’en foutent de ne pas être à la mode ou d’être bizarres, la Camaro se fout de polluer, de faire du bruit et de prendre tant de place, elle est simplement cool… comme eux. Les Ramones offrent une “sequel” à “Psycho Therapy” avec “I Lost My Mind”. “Halfway To Sanity” se termine sur un de ces morceaux avec du “Love”, du Baby” ou du “Bye Bye” dans le titre que les Ramones (enfin, Joey) affectionnent tant.

Brain Drain (1989) : Un bon album. Les Ramones sortent du bois, ils s’affichent dans la soundtrack du “Pet Semetary” tiré d’un roman de Stephen King. Et Marky est de retour, débarrassé d’un alcoolisme encombrant (pour l’avoir rencontré par hasard, je peux confirmer qu’il est à l’eau et que vous ne lui en paierez pas une). Alors, cet album. Les Ramones sont un peu en roue libre, ils semblent aller là où ils croient élargir leur public et ça marche, les concerts deviennent réellement importants, le grand public est là (voir le docu “Raw” en Amérique du Sud notamment). D’ailleurs, les deux meilleurs tracks sont les plus commerciaux, “Pet Semetary” donc, et “I Believe In Miracles”.

Mondo Bizarro (1992) : Je n’ai jamais adoré. Rien à voir avec le départ de Dee Dee, CJ est un chouette mec, tout jeune à l’époque, il réussit “Strength To Endure” au chant. Il continue d’ailleurs de prêcher la bonne parole punk ces jours-ci et m’a l’air d’être un peu le pote rêvé mais je peux me tromper. “Poison Heart” dépasse mon seuil de tolérance. Puis, pourquoi reprendre le “Take It As It Comes” des Doors ? 

Acid Eaters (1993) : Une excellente idée. À l’heure où les Nuggets et autre Pebbles et en gros tout le 60’s revival a déjà 10 ans d’âge, les Ramones décident de faire un album de reprises de cette décennie rêvée. On accueille à bras ouverts leurs versions des Seeds, de Love, des Stones, de Jefferson Airplane, etc. Quand on est fan de cette grande époque, et qu’on est également fan inconditionnel des Ramones, c’est le cocktail parfait et c’est plutôt réussi. Les “highlights” sont “Journey To The Center Of The Mind” des Amboy Dukes (qui ont par ailleurs commis un “Baby Please Don’t Go” speedé que je conseille), “Shape Of Things To Come” avec CJ au mic, évidemment “Somebody To Love” de l’Airplane et surtout “Can’t Seem To Make You Mine”, un rêve de morceau pour notre crooner Joey. La pochette est une émanation lysergique et notre bonheur total !

Adios Amigos! (1995) : Le grand oublié. Avec un mix qui ne fait pas de jaloux, Adios est un hommage à… eux-mêmes dans un équilibre presque parfait. La fin est proche, tout le monde le sait alors.. “let’s celebrate!” On retrouve nos gamins du Queens sur le Tom Waits, “I Don’t Want To Grow Up”. “The Crusher” permet à Joey de se reposer, sa santé devient fragile, CJ s’y colle (“Go back to Russia, go back home!”). Mais quelle bonne idée de reprendre le “I Love You” des Heartbreakers. Et… un nouveau morceau par CJ, le bâtard issue de “Cretin Hop” et “Happy Family”, j’ai nommé “Cretin Family”! Et… encore un CJ, “Scattergun”, c’est à se demander ce que seraient devenus les Ramones s’ils avaient poursuivi quelques années de plus… Une espèce de passage de relais entre générations ? Mais attention, les grands morceaux de cet album sont chantés par Joey, je veux parler de “She Talks To Rainbows” et l’épique “Born To Die In Berlin”. Le premier parle de la fausse liberté de la folie. Le second boucle la boucle, 17 ans après “It’s A Long Way Back To Germany”. Tout est dit. La pochette est hideuse et notre bonheur total ! 

Une pensée furtive, je m’aperçois que je mentionne peu Johnny Ramone, je me rattrape ici en précisant qu’il est LE pilier, l’homme aux principes et il en faut pour durer. Il a toujours fait le job et a lui aussi avalé les pires couleuvres au sein des Ramones. Les histoires de haine avec Joey ont peut-être été un moteur, je n’en sais rien. Peu importe. J’ai pris un énorme plaisir à ré-écouter TOUS les albums des Ramones pour cette Disco Express et vous savez ce qu’il vous reste à faire. Gabba gabba hey, you’re one of us!

Manu

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