DISCO EXPRESS #11 : Dinosaur Jr.
À l’opposé de notre rubrique sobrement intitulée « discographies » qui se veut objective, exhaustive et documentée, nous avons choisi ici de vous résumer chaque mois des discographies avec concision, après une seule réécoute (quand ce n’est pas la première !) de chacun des disques. Des avis tranchés, des écrits spontanés, plus ou moins argumentés avec une bonne dose de mauvaise foi et d’amateurisme. Cause hey, this is just music!
Dinosaur (1985) : je n’ai jamais été si friand de ce disque… Mais il est quand même très chouette. Tout est là, on dirait juste qu’il a été enregistré dans un grenier tant il manque de patate. Ajoutez à cela une impression tenace d’écouter une compil’ de démos (« Cats In A Bowl » et « Mountain Man », ça sent les morceaux entre deux avec Deep Wound, leur premier groupe hardcore) et vous obtiendrez un léger goût d’inachevé. Malgré tout « Bulbs of Passion », « Forget The Swan », « Does It Float », « Gargoyle », ça envoie sévère et « Severed Lips » est très touchante. Pas de quoi faire la fine bouche donc, mais moins de quoi s’extasier que par la suite.
You’re Living All Over Me (1987) : là, on peut s’extasier sans retenue aucune et faire danser les superlatifs. Leur chef-d’œuvre inégalé. C’est toujours aussi crado mais on s’en fout. Déluge de fuzz et wah-wah, mur de son et mélodies qui tuent. J gémit, sa gratte hurle, Lou et Murph poutrent. Parfaitement jouissif d’un bout à l’autre, impossible de sortir un morceau (alleeez, un pti « Sludgefeast » mais c’est parce que c’est vous).
Bug (1988) : je l’ai toujours trouvé un poil surcoté au regard de son statut culte. Il souffre de la comparaison avec son prédécesseur mais il est quand même sacrément bon. D’abord, il y a l’hymne « Freak Scene », suffisamment cool pour donner un peu de contenance à tous ces losers indie rockeurs… J’ai également redécouvert l’excellente « Yeah We Know », Barlow « riffe » comme un porc sur « Budge ». Et le pont de « Pond Song »… RÉGALADE. Le groupe, lui, est à l’agonie (c’est probablement là que se joue le différentiel avec son prédécesseur), Lou au fond du trou, hurle « WHY DON’T YOU LIKE ME » (“Don’t”) et on souffre avec lui. Ciao l’ami, merci, à la prochaine.
Green Mind (1991) : pour éviter que tout le monde ne s’entretue, Mascis lourde son meilleur ennemi… et c’est quand même moins bien. OK, la pochette est mythique et « The Wagon » est une tuerie (« baby why don’t weeee? ») mais tout cela est assez bancal et inégal. L’ensemble est beaucoup moins électrique (qui a dit mou du genou ?), même si « How’d You Pin That One On Me? » remet un peu de fureur dans la machine. « Thumb » est belle, très belle. Sinon, c’est bien. Donc bien en dessous.
Where You Been (1993) : revoilà les riffs qui tuent (« Hide » !), les soli de martiens et ce disque s’ouvre sur deux monuments. Mais pas que. On trouve aussi de superbes morceaux et J y chante de façon très touchante (« I’m Goin’ Home » qui préfigure ses albums solos, les aigus improbables de « goodbyyyyyye » sur « Start Choppin’ », les sublimes « Get Me », « Not The Same » ou « What Else Is New? » quand il chante « you’re the only oooone » c’est beau, on croirait Blackcondorguy qui s’adresse au groupe). Le premier que j’ai connu donc presque le premier dans mon cœur (mais You’re Living All Over Me fait non de la tête).
Without A Sound (1994) : première fois que j’écoute ce disque qui contient pourtant le premier morceau que j’ai connu d’eux (vous savez très bien lequel). Grand sensible que je suis, j’ai davantage été marqué par les ballades « Outta Hand » et « Mind Glow ». « I Don’t Think So » est intrigante, so poppy! L’album finit par deux autres ballades, plus très noisy cette affaire (en même temps le titre n’était pas mensonger…). La dernière est tout de même bardée de solos (on ne se refait pas).
Hand It Over (1997) : première fois que j’écoute ce disque qui ne contient aucun morceau connu. Ça s’énerve un peu à nouveau (« Nothing’s Going On ») ! Ça ose des trucs (trompette hystérique sur « I’m Insane », banjo rigolo sur « Gettin Rough »). J s’est probablement dit que plus personne ne l’écoutait et qu’il pouvait bien mettre ce qu’il voulait dessus. Malgré ces quelques facéties et un « Alone » qui crie TUUUBE, ça sent l’album mineur. Lou y es-tu ?
Beyond (2007) : Lou a entendu. He’s back. Dino est grand. Début d’album touché par la grâce (highlight : le pont de “Pick Me Up” à 2’30. De la folie pure). Lou place la barre haut (vous l’avez ?) avec « Back To Your Heart », « Been There All The Time » est formidablement entrainante, « We’re Not Alone » me ferait chialer de bonheur… (Voix de George Eddie) “Ça, c’est ce que j’appelle un come-back !“
Farm (2009) : ouverture fabuleuse avec « Pieces ». Le groupe excelle toujours dans les mid-tempos (« Plans », « Said The People » dont je suis fan absolu depuis la première écoute et ça ne va pas en s’arrangeant, « See You », « I Don’t Wanna Go There »)… les solos ont beau durer 12 minutes chacun, que de grands titres ! Et quel grand disque ! Presque inespéré.
I Bet On Sky (2012) : le même en (un peu) moins bien. Début d’album énorme comme souvent, du bon plagiat de Neil Young (« What Was That », « See It On Your Side »), du bon Barlow énervé Sebadesque (« Rude ») et de quoi verser sa larmichette (« Stick A Toe In »). Ce groupe serait-il encore meilleur qu’avant ? La question se pose.
Give A Glimpse Of What Yer Not (2016) : évidemment on dit ça et voilà la première déception depuis un bail. Le même en (beaucoup ?) moins bien. Ce disque ne m’a jamais fait vraiment vibrer. Et cette impression est en partie basée sur les singles que j’ai toujours trouvés assez quelconques comparés aux tueries des précédents. Ça déroule, tranquille. Neil Young est encore plagié mais n’a plus le budget pour porter plainte (« Be A Part », très joli au demeurant), un morceau de Barlow sympa (« Love Is… »), un riff quasi stoner fort cool (« I Walk For Miles », et ça c’est nouveau). Rien de honteux donc, loin s’en faut. Mais quand on est habitués à l’excellence…
Sweep It Into Space (2021) : le même en (au moins) aussi bien. Les seules surprises viennent de la présence de ce clavier incongru sur “Take It Back” (déroutant mais finalement plaisant) et de la présence de Kurt Vile. Difficile de faire la fine bouche toutefois tant les morceaux sont là. Barlow signe au passage un de ses meilleurs morceaux avec le groupe depuis des années (“Garden”). Sinon, rien ne bouge, Dino reste Dino, éternelle machine à bonheur.
Jonathan Lopez
20 titres (au moins un par disque) version Spotify et Youtube