DISCO EXPRESS #10 : Built To Spill

Publié par le 9 avril 2021 dans Chroniques, Disco express, Toutes les chroniques

À l’opposé de notre rubrique sobrement intitulée « discographies » qui se veut objective, exhaustive et documentée, nous avons choisi ici de vous résumer chaque mois des discographies avec concision, après une seule réécoute (quand ce n’est pas la première !) de chacun des disques. Des avis tranchés, des écrits spontanés, plus ou moins argumentés avec une bonne dose de mauvaise foi et d’amateurisme. Cause hey, this is just music!

Ultimate Alternative Wavers (1993) : Un album très inventif mais très bordélique, où au final peu de morceaux se détachent vraiment. Le genre de disques pour musiciens, dans le sens où il fourmille d’idées de composition, mais qu’il manque de mélodies et de structures accessibles pour que les non-initiés puissent s’y accrocher. Il y a quand même “Nowhere, Nothing, Fuck-Up” que j’adore, mais globalement les morceaux sont trop longs, trop arty ou pas assez mélodiques pour que j’y adhère.

There’s Nothing Wrong With Love (1994) : Là, le groupe commence à trouver une formule qui fonctionne bien. Déjà, ils raccourcissent les titres, vont plus facilement au but, et surtout, mettent le paquet sur les mélodies. “Car”, “In The Morning” ou “Big Dipper” resteront dans les mémoires, mais le reste regorge de titres qui n’ont pas à pâlir en comparaison. Simple, efficace, et joli avec ça !

The Normal Years (1996) : Ce n’est pas un album mais un recueil de divers singles et inédits sortis entre 1993 et 1995 (période de sortie des deux précédents albums). On pourrait craindre dans ce cas un disque inconstant et bordélique, mais cet écueil est évité. Hormis une version de “Car” totalement inutile, les morceaux représentent plutôt les meilleurs aspects du groupe, qu’ils soient doux, bordéliques, ou second degré. “Joyride” est encore jouée régulièrement sur scène, et c’est cool parce qu’elle est excellente, mais “Girl”, “Still Flat” ou “So & So So & So from Wherever Wherever” ne sont pas en reste. Plutôt à réserver aux fans, mais tout le monde peut l’écouter et apprécier.

Perfect From Now On (1997) : Le titre est second degré, et tiré de “Randy Described Eternity” mais il a une part de vérité. Car c’est avec ce disque que Built To Spill trouve sa formule idéale : la force des mélodies de There’s Nothing Wrong With Love avec l’inventivité et l’audace de Ultimate Alternative Wavers. Combo gagnant puisque, si “I Would Hurt A Fly” est sans doute l’une des plus belles chansons de l’univers, le reste est quasiment intégralement excellent.

Keep It Like A Secret (1999) : Je suis incapable de vous dire avec constance quel disque je préfère entre celui-ci et le précédent. C’est sûr, Perfect From Now On commence par trois des meilleurs titres du groupe et contient également “Velvet Waltz” ou “Kicked It In The Sun”. Mais celui-ci n’est pas en reste de tubes (“Carry The Zero”, “Else”, “You Were Right”, “The Plan”, “Bad Light”…), varie plus les ambiances (“Center Of The Universe” ou “Time Trap”) tout en gardant un haut niveau de qualité sur l’ensemble. Après avoir allongé ses morceaux sans se perdre, le groupe est ici plus concis, mais réussit néanmoins le tour de force de sortir un morceau interminable tellement fabuleux qu’on a directement envie de se le repasser après écoute (“Broken Chairs”). Bref, on a là l’un des meilleurs albums d’indie rock de tous les temps. Et le meilleur Built To Spill. A moins que ce soit Perfect From Now On.

Live (2000) : Peut-être que c’est celui-ci, le meilleur album de Built To Spill, en fait. Un live de 71 minutes qui semble beaucoup trop court, avec une version dantesque de “Cortez The Killer”, un “Broken Chairs” deux fois plus long mais toujours pas ennuyeux, et parmi les meilleurs morceaux des meilleurs albums du groupe. En plus, on a le droit à un excellent morceau d’un autre groupe de Doug Martsch (frontman de Built To Spill), Halo Benders (avec Calvin Johnson de Beat Happening). Non, le seul regret est que ce ne soit pas un double album, vu le nombre de tueries qui ne sont pas dessus. Indispensable.

Ancient Melodies Of The Future (2001) : Après deux albums aussi bons écoutés des dizaines de fois sans se lasser, le reste de la discographie de Built To Spill souffre d’un petit problème. Et c’est sans doute Ancient Melodies Of The Future qui en est le plus lésé : en l’écoutant, je trouve le disque excellent, il dure juste ce qu’il faut (40 minutes) avec plein de morceaux superbes dont le plus long dépasse à peine les 5 minutes (“Strange”, “Happiness”, “The Host”) et même des tubes comme “Fly Around My Pretty Little Miss”. Bref, tout pour me plaire. Malheureusement, j’en reviens toujours aux mêmes albums dès que j’ai envie d’écouter le groupe. À écouter quand on veut varier de leurs deux chefs-d’œuvre.

You In Reverse (2006) : Petite baisse de régime avec cet album, en plus de souffrir du même symptôme que celui d’avant. Qu’on s’entende, “baisse de régime” pour Built To Spill. C’est-à-dire que l’album reste excellent, contient son lot de tueries (“Goin’ Against Your Mind”, tellement bonne que certains considèrent qu’il s’agit du meilleur album du groupe juste pour cette chanson… mais c’est faux ; “Conventional Wisdom”, “Liar”). Malheureusement, les morceaux reviennent à des durées plus longues, et on en vient ponctuellement à s’ennuyer un peu. Rien de grave, mais le disque aurait sans doute été plus accrocheur avec 10 minutes de moins.

There Is No Enemy (2009) : ce disque a globalement les mêmes problèmes que le précédent, il est long et pas toujours mémorable. Il y a bien de super morceaux dessus (“Pat”, “Oh Yeah” ou “Planting Seeds”), et rien de mauvais, mais les meilleurs morceaux ne sont pas aussi forts que ceux de You In Reverse, je dirais donc qu’il est un peu en-dessous. Encore une fois, en-dessous pour Built to Spill, ça reste au-dessus de pas mal de disques.

Untethered Moon (2015) : Après l’avoir réécouté à la suite de ses aînés, et malgré sa pochette super laide, je serai encore plus positif sur cet album que je ne l’ai été à l’époque de sa sortie. Le changement de line-up semble avoir recréé une dynamique qui commençait doucement à s’émousser au fil des disques. Du coup, Untethered Moon est plus inventif, plus pêchu et a plus de personnalité que ses grands frères. Et même si ceux-ci contenaient certains titres très forts, celui-là leur rend la pareille avec l’excellent single “Living Zoo”, qui se trouve instantanément une place de choix dans le best of du groupe (je crois même que c’est la préférééééée de la conjointe du rédacteur en chef). Mais cette fois, le reste ne faiblit jamais vraiment ni les morceaux fleuves (“All Our Songs”, “When I’m Blind”), ni les morceaux pop (“Never Be The Same”), ni les morceaux plus touchants (“Some Other Song”, “Horizon to Cliff”). Un disque assez exceptionnel pour un groupe à ce stade de sa carrière.

Built To Spill Plays The Songs Of Daniel Johnston (2020) : tout est dans le titre. En 2017, le songwriter de pop destructurée Daniel Johnston, rendu mondialement célèbre par un t-shirt de Kurt Cobain, prend Built to Spill comme backing band. Dans la foulée, le groupe enregistre cet album pour lui rendre hommage. Le lien entre Johnston et Doug Martsch, le compositeur principal de Built to Spill, est assez logique, à la fois dans son parcours (ce dernier ayant par exemple collaboré régulièrement avec Calvin Johnson, autre compositeur de pop destructurée) et dans sa musique (dont le côté pop et les structures surprenantes sont parts intégrantes). Ainsi, le mélange des deux est d’une évidence totale, la musique de l’un s’accordant parfaitement avec l’interprétation de l’autre et réciproquement. Le problème, qui tient peut-être au fait que je suis moins sensible aux chansons de Johnston qu’à celles de Martsch, est que si l’ensemble est très plaisant à écouter, rien ne se détache vraiment non plus, et l’album me semble plus tenir de l’anecdote cool que du chef-d’œuvre inattendu. Un disque très sympa, pour un groupe qui nous a habitués à plus que ça.

Bonus :
Boise Cover Band – Unoriginal Artists (2021) : Il ne s’agit pas vraiment d’un disque de Built to Spill, mais d’un album de reprises enregistré par Doug Martsch et quelques musiciens de son coin, Boise dans l’Idaho (d’où le nom du groupe). Sauf que, avec la voix de Martsch et sa production, ça sonne comme du Built to Spill, du moins comme leurs morceaux les plus calmes. Surtout que, si vous les connaissez un peu sur scène, vous savez sans doute qu’ils sont habitués aux reprises (des Kinks à Metallica, en passant par The Smiths, The Clash, Pavement, Captain Beefheart, Steve Miller Band, pour n’en citer que quelques-unes). Ici, on retrouve Beefheart (“I’m Glad”), mais le morceau le plus connu est sans doute “Ashes To Ashes” de Bowie, dépouillée de sa production 80s originale. Si vous avez plus de 50 ans, ce qui est probable si vous lisez un webzine sur le rock indé, vous connaissez aussi probablement “Back On The Chain Gang” des Pretenders, ici dans une version réappropriée où les voix ne reprennent que les chœurs alors que le chant de Chrissie Hynde est remplacé par un clavier ou une guitare. Les reprises sont toutes des réussites, on sent complètement la patte de Doug Martsch et le résultat est bluffant. En revanche, l’ambiance est tellement homogène que cette collection de chansons ne parvient pas à montrer la palette de talent de l’artiste comme le font la plupart des albums (ou les concerts) de Built To Spill. Ainsi, comme porte d’entrée, cet album me parait peu approprié. Cependant, pour le fan comme pour le néophyte, il vaut le coup d’être écouté, surtout si vous appréciez ce genre d’ambiance douce et onirique.

Blackcondorguy

Built To Spill en 20 titres (au moins un par disque) versions Youtube et Spotify (privilégiez celle de Youtube, Keep It Like A Secret et Live ne figurant pas sur Spotify, trois morceaux ont été remplacés) :

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