Délage – Twist And Doubt
Je ne vous apprends pas grand-chose en affirmant que la musique ne répond pas à une logique mathématique. Encore heureux. Tous les efforts d’équipes marketing parfaitement rodées, de patrons de labels chevronnés pour toucher un public cible en enrobant bien l’affaire restent parfois vains. On a beau cocher toutes les cases pour faire mouche, le succès n’est jamais garanti. Et, fort heureusement, l’inverse est tout aussi valable. Pour ma part, rien ne me prédestinait à m’intéresser à Délage. La synth pop, à de rares exceptions près, ne m’a jamais attirée, elle aurait même plutôt tendance à me filer des boutons. Trop immaculée, trop précieuse, trop 80s. Pourtant, quand j’ai appris que Délage sortait un second album, j’étais tout jouasse, tant le doux souvenir de Loverboy Beatface était encore bien vivace, et je le suis toujours autant après de nombreuses écoutes. Parce que ce groupe est cool, évolue dans un univers qui me touche, propose des compos en apparence simples mais vite essentielles. Point de calcul ici. De la sincérité.
Une ligne de basse caverneuse accompagnée d’un synthé cérémoniel nous replacent d’emblée dans les conditions. Et cette voix qui déclame avec nonchalance en allemand (puis en anglais et il y aura même du français), ces mélodies qui nous emportent sans difficulté, portées par un tendre romantisme, un charme désuet (la sublime “Tender Love And Care” à l’étonnant contraste entre la basse so cold et l’atmosphère chaleureuse, “There Is No God” où de délicates notes de saxo viennent se frotter aux synthés omniprésents). C’est souvent confondant de simplicité et c’est précisément ce qui fait mouche (“Shopping Mall” et ses “lalala”, les quelques mots en français par Lukas Varady-Szabo amorcés avec entrain par “l’amouuur est rouuuge, la mooort est noiiire” sur “Liebe Ist Ro”). On a parfois le sentiment d’être en plein cœur d’un film retraçant notre adolescence où l’insouciance était reine et de repenser aux années qui ont défilé, non sans éprouver une certaine mélancolie. Du réconfort, du sourire, l’envie d’errer sans but, de se cajoler et de cesser de se prendre le chou avec tout ce qui nous pourrit la vie actuellement (le choix est vaste). Romantique, mélancolique, simple, tout cela Till Hormann l’est certainement. En tout cas, il le véhicule à merveille via sa musique un rien anachronique (pour dire, il ose même emprunter le “do you really wanna hurt me, do you really want to make me cry” du Culture Club), dont les mélodies se font très vite une petite place chez nous, repassent régulièrement nous rendre une petite visite et sont toujours accueillies avec un plaisir non feint. Revenez quand bon vous semble !
Jonathan Lopez