Dans le bac d’occaz #3 : David Bowie, Half Japanese, Neutral Milk Hotel
Chaque mois BCG plonge pour vous dans le bac d’occaz en écoutant des albums indispensables selon un journaliste musical, un oncle cool ou encore un ami mélomane. 30 ans (de 1977 à 2006), 30 disques. Chaque mois 3 albums de cette liste, écoutés au moins une fois par semaine. Les albums sont regroupés par le dernier nombre de leur année de sortie (1986-1996-2006, 1977-1987-1997, 1978-1988-1998, et ainsi de suite).
Dans le bac d’occaz #3 : les années en 8
1978 : David Bowie – La Trilogie Berlinoise* (Low–Heroes–Lodger)
2016, décès de Bowie oblige, c’était l’occasion rêvée de se replonger dans ce monument dans la carrière de l’artiste qui m’a toujours laissé froid. Si l’occasion était trop belle, elle s’est cependant avérée parfaitement inutile. Je reconnais que Bowie innove ici plus qu’il ne l’a sans doute jamais fait auparavant et qu’il ne le fera jamais après, car même s’il s’inspire toujours d’artistes d’avant-garde (en l’occurrence Kraftwerk et les précurseurs de la musique électronique), il se retrouve pour la première fois de sa carrière d’artiste à anticiper d’environ 5 ans ce que sera la musique populaire. Le problème, c’est que 5 ans plus tard, la musique populaire, c’est la musique des années 80 : sons électroniques cheap, funk, incursion de world music, et beaucoup, beaucoup de ridicule plus ou moins involontaire. Low et Heroes sont construits exactement de la même façon ; une face pop plus accessible et une face instrumentale plus expérimentale. Les premières révèlent les faiblesses d’écriture pop de Bowie comparé au début des années 70, tant tout ce qui se trouve sur ces deux faces (une pour Low, une pour Heroes) est soit anecdotique, soit mal réalisé (“Heroes”, par exemple, c’est une mélodie très chouette mais pour un morceau trois fois trop long !) et fait pâle figure comparé aux tubes passés. Celui qui me dit que “Sound And Vision” vaut un “Life On Mars?” ou un “Space Oddity”, sans même parler de “Ziggy Stardust”, “Moonage Daydream” ou “Cracked Actor” remporte la palme de la mauvaise foi. Les autres faces, sûrement plus intéressantes dans leur démarche d’expérimentation, sont néanmoins sans intérêt si vous n’êtes pas amateur de sons électroniques primitifs, et n’ont pas franchement bien vieilli comparé à ce que la musique électronique a pu produire par la suite.
Lodger, quant à lui, revient à du 100% pop, mais se vautre lamentablement. Le niveau n’est pas remonté du tout, et on tombe même parfois dans les affres de la pop 80s la plus craignos (“Yassaaaassiiiiin!”).
Quand je pense qu’il y a des gens qui préfèrent ça à la période glam… sans commentaire. Je préfère pour ma part, s’il faut se replonger dans cette époque, me réécouter Eternally Yours des Saints.
*Aucun des trois n’est sorti en 1978, mais comme je n’ai pas trouvé d’album qui collait à l’exercice, et que l’hommage à Bowie était dans l’air du temps, j’ai fait la moyenne entre les années de sortie des trois disques (1977 et 1979).
Pour les courageux qui sont allés au bout de l’écoute, lavez-vous donc les oreilles avec ça
1988 : Half Japanese – Charmed Life
Encore un qui m’avait inexplicablement échappé. Ils sont cités par beaucoup d’artistes que j’apprécie. Je les avais vu en live, et j’avais trouvé ça cool. J’ai même acheté un album que j’ai bien aimé (Bone Head). Et pourtant, je ne sais pourquoi, je n’avais jamais été jeter une oreille au reste de la discographie du groupe, même pas à Charmed Life qui est visiblement dans le haut du panier. Et on comprend vite pourquoi : 21 morceaux ultra cools, variés et formant pourtant un tout cohérent, pas ennuyeux une seconde, le tout avec une patte et un sens mélodique certain. Il y a à boire et à manger, sur ce disque, mais pas au niveau de la qualité comme on l’entend d’habitude : il y a vraiment de tout, de la chanson punkasse à l’hommage au Velvet, en passant par le blues, la soul et les pépites pops, au point que je me dis qu’ il est impossible de ne pas accrocher ne serait-ce qu’à un morceau ! Seuls la voix des frères Fair, peu radiophonique, et la production à l’arrache appuyée par des (dés)accordages improbables peuvent faire frein pour les moins aventureux. Dommage pour eux.
Au passage, Half Japanese nous gratifie de deux reprises parfaitement exécutées et réappropriées, “Bright Lights, Big City” du bluesman Jimmy Reed et (surprise) “Real Cool Time” des Stooges. Je commence vraiment à me dire que faire une reprise des Stooges est un bon moyen de pondre un excellent album ! (cf Spacemen 3 )
En tout cas, ne soyez pas idiot comme je l’ai été, n’attendez pas pour explorer l’œuvre de Half Japanese qui quelques années avant Sebadoh donnait déjà à la pop Lo-fi ses lettres de noblesse. Je me repentirai en écoutant régulièrement cet album ; douce punition.
1998 : Neutral Milk Hotel – In The Aeroplane Over The Sea
Si vous fréquentez le webzine communautaire Xsilence.net ou Senscritique.com, il est possible que vous croisiez un certain Wazoo. Charmant jeune blondinet, très sympathique au demeurant, Wazoo n’a qu’un défaut vraiment rédhibitoire : il est ouvert musicalement. Beaucoup trop. Wazoo aime Frank Zappa, vous savez la pire race de gens du monde avec ceux qui écoutent du jazz ou les Smiths. Je suis sûr que Wazoo aime aussi le jazz et les Smiths. Wazoo vante sans cesse le mérite de disques au nom improbable mélange de krautrock, new wave, drone, black metal, ambient, progressif, que sais-je encore. Bref, quand Wazoo me dit qu’il aime un album, je fuis. Et In The Aeroplane Over The Sea est son album préféré.
Avec cette donnée en tête, je m’attendais à une bouillie de folk expérimentale inécoutable, malgré le statut culte du disque dans son style… Statut culte qui peut parfois être tout aussi rédhibitoire. Sauf que malgré son côté foutraque, Neutral Milk Hotel sait écrire des chansons. Et sait aussi être simple : quand c’est folk posé, c’est beau, quand ça sort la fuzz, ça envoie. Le mélange des deux n’est en fait pas si déroutant, ça fonctionne plutôt bien, et quand la fanfare vient ajouter son grain de sel, et bien là encore, ça marche et on s’y laisse prendre. C’est ça, le talent.
In The Aeroplane Over The Sea réussit donc à accrocher les amateurs de petites chansons folks classiques, de power pop à la fuzz qui tâche et les fans d’excentricités musicales. Tout en me réconciliant avec Wazoo, qui pour avoir cet album comme disque de chevet ne doit pas être un mauvais bougre, dans le fond. La prochaine fois qu’il me conseille quelque chose, je tendrai peut-être l’oreille. Sauf si c’est un groupe de black metal qui fait du jazz progressif avec un côté Frank Zappa et une pointe de kraut-new wave, voire une influence smithienne avec quelques drones ambients. Il ne faut pas pousser mémé dans les orties.
BCG