Courtney Barnett – Things Take Time, Take Time
Things Take Time, Take Time. C’est pas faux, pas faux. Trois ans déjà depuis le prédécesseur, Tell Me How You Really Feel, ce qui semble être le rythme de croisière de Mme Barnett. Un disque qui n’avait pas suscité le même enthousiasme que son premier album (Sometimes I Sit And Think, And Sometimes I Just Sit) et le double EP qui l’avait précédé (A Sea of Split Peas). Et pour cause : lorsque nous l’avions découverte, Courtney Barnett avait pour elle sa fraicheur. Elle débarquait avec sa gouaille, son accent aussie, sa décontraction et nous faisait bien marrer quand elle nous envoyait à la face “give me all your money and I’ll make some origami, honey. I think you’re a joke and I don’t find you very fuuuuuunny“. Véhémente parfois, enthousiasmante toujours. Courtney était cool et nous donnait le sentiment de l’être en l’écoutant.
On lui a donc donné tout notre fric aveuglément, ou du moins notre amour (et l’amour fait bien plus le bonheur que l’argent, parait-il). Et depuis, ben… On ne va pas dire qu’on a été floué mais on a le droit de ressentir une légère frustration. Le fameux deuxième album, celui qui doit tout changer, donner une impulsion décisive à une carrière*, n’était pas plus avare en punchline (“I could eat a bowl of alphabet soup and spit out better words than you“) mais nous avait surtout donné envie de réécouter le premier. Ou quelqu’un d’autre. Quelqu’un comme Kurt Vile, par exemple, qui poursuit, imperturbable et assez remarquablement, son chemin de troubadour à moitié assoupi et lui a d’ailleurs transmis son secret lors de leur album collaboratif (qu’on a aussi oublié, tiens). En résulte ici un “Here’s The Thing” totalement Vilien qu’on écouterait bien lors d’une promenade bucolique au bord d’un lac et quelques chouettes chansons comme “Rae Street” et son “Time is money and money is no man’s friend” (obsédée par la caillasse, la p’tite dame) ou la jolie chanson d’amour “If I Don’t Hear From You Tonight”. Agréable, ce disque l’est indubitablement mais pas excitant pour un sou. C’est là notre plus grand regret et son principal écueil. Enregistré avec la batteuse de Warpaint Stella Mozgawa, Things Take Time, Take Time est un disque parfait à écouter quand on est mal réveillés, que notre tête est parsemée d’épis et qu’on renverse la moitié des céréales à côté du bol. “In the morning, I’m slow” dit d’ailleurs Courtney en début d’album. Sans doute pas que le matin. “All the night goes so slowly” chante-t-elle d’ailleurs à l’autre extrémité du disque (“Oh The Night”). On la comprend. Le confinement incitait à la procrastination, à appuyer sur pause, et Courtney, en indécrottable slackeuse, y va à son rythme, compose ses chansonnettes avec sa touche personnelle (l’accrocheuse “Before You Gotta Go” qu’on jurerait connaitre depuis des années), distille son lot de chouettes mélodies (“Write A List Of Things To Look Forward To”), étire au maaaximum son phrasé (“Splendour”)… et s’empêtre dans le même registre décliné à l’infini. On avait le vague souvenir qu’elle était également capable de mettre le feu au salon de temps à autre (on l’avait même vue reprendre The Saints en concert…). Elle se contente ici de contempler les braises crépitant dans la cheminée, pantoufles au pied. La période est propice cela dit, mais on a un peu de mal à aller au-delà de l’accompagnement docile. Une écoute distraite et polie, ne mettant pas le doigt sur les compositions plus anecdotiques du disque. Et il y en a. Le charme n’est pas rompu mais il s’étiole. Et on a désormais un peu plus de mal à croire au second coup de foudre.
Jonathan Lopez
*Cela dit, vous avez déjà entendu quelqu’un citer en référence le deuxième Clash plutôt que The Clash ou London Calling ? Non. Cessez donc de croire les conneries des critiques musicaux.