Cloud Nothings – The Shadow I Remember

Publié par le 26 février 2021 dans Chroniques, Notre sélection, Toutes les chroniques

(Carpark, 26 février 2021)

Les années se suivent et se ressemblent“*, chantait Joe Dassin. Bon, on voit qu’il n’a pas vécu jusqu’en 2020, mais là n’est pas la question. En revanche, on pourrait tout à fait se demander si le Joe n’était pas fan de Cloud Nothings, parce que ses paroles pourraient tout à fait s’appliquer au groupe de Dylan Baldi.

Après une dizaine d’années de carrière, ils sortent à présent leur neuvième album, ce qui donne une moyenne assez exemplaire, loin des diarrhéistes à la Ty Segall ou King Gizzard, mais tout de même impressionnant. Il faut cependant relativiser ce chiffre : les deux premiers disques ont été réalisés par Baldi tout seul, et le confinement semble lui avoir donné des pulsions stakhanovistes car les trois derniers sont sortis en moins d’un an, entre juillet 2020 (The Black Hole Understands) et février 2021, dont deux sont auto-édités.

The Shadow I Remember est donc la première sortie sur un label depuis Last Building Burning, mais il semble avoir décidé de ne pas ignorer le travail que le groupe a effectué pendant le confinement. En effet, si le dernier disque chez Carpark revenait aux déflagrations sonores après la parenthèse pop limite fm de 2017, les deux albums de 2020 prenaient eux le parti de calmer le jeu et de mettre en avant les mélodies, ce qui du reste a toujours été dans l’ADN du groupe, mais plus ou moins dissimulé selon les morceaux. Ici, c’est la continuité qui a été choisie par le groupe, et rien ne viendra donc surprendre l’auditeur habitué à sa musique.

Ainsi, on se retrouve avec un album qui reflète ce que certains appellent le Cloud Nothings pop ; mélodies léchées, refrains accrocheurs que les réfractaires qualifient de faciles, ambiance de post-adolescent qui ne se sent pas à sa place dans le monde. Les amateurs d’agression bruitiste vont sans doute criser et se plaindre que Baldi et compagnie se transforment en un groupe pour ado insupportable (je connais même quelqu’un qui considère que le disque évoque Blink-182, mais cette personne était sans doute ivre car il faut tout de même creuser longtemps pour trouver le lien entre les deux). Pour les autres, il faut tout de même avouer que les compos sont certes assez simples d’accès, bourrées d’accroches qui restent en tête (“Am I something Good ? Am I something good ?“), mais qu’elles sont finement ciselées et arrangées, et ce qu’elles soient plus calmes et mélancoliques (“Oslo”, “Nara”), plus énergiques (l’excellente “The Room It Was”, “It’s Love”, “Only Light”) ou plus “teenage” (“Nothing Without You”, “Open Rain”). Bref, il y a quand même un paquet de bons morceaux, et ça reste le cœur d’un disque !

Certes, on retrouve une patte reconnaissable, et des tics de compositions qui pourront gêner certains trop habitués (ou non-habitués), mais l’album réussit à dévoiler de nombreuses subtilités au fil des écoutes tout en étant accessible dès la première, et quand on y pense, c’est à peu près la définition de l’orfèvrerie pop. La seule chose qui fait que ce disque ne sera sûrement jamais considéré comme un étalon dans ce registre, c’est qu’il reste bien trop agressif pour les oreilles sensibles ; difficile de contenter tout le monde !

Au final, Cloud Nothings nous offre encore un album doté de véritables qualités, indéniables, mais dont l’approche pop complètement assumée dans la continuité de leurs dernières sorties pourrait être vue par certains comme un défaut, ou au minimum un manque de renouvellement. Chacun se fera son avis selon ses goûts, “on ne peut pas tout à la fois siffler l’apéro et l’opéra“, chantait Joe Dassin, qui n’avait pas grand-chose à voir avec le groupe de Dylan Baldi, mais j’aime bien finir mes chroniques comme je les commence. Vous pouvez voir ça comme une manière de garder une cohérence dans mon travail ou considérer que je tourne en rond. Vous voyez où je veux en venir, du coup ?

Blackcondorguy

* En réalité, il n’a jamais chanté ça, j’ai découvert pour cette chronique que les vraies paroles sont “les matins se suivent et se ressemblent“. Ça vous montre comme je suis calé sur l’œuvre de Joe Dassin !

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