Caspian – On Circles

Publié par le 30 janvier 2020 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(Triple Crown, 24 janvier 2020)

Dans un genre aussi balisé que le post rock, une des difficultés majeures, surtout quand on a atteint un statut de groupe étendard dans son domaine, reste le renouvellement. Caspian n’a déjà plus rien à prouver aux amateurs du genre mais il ressentait sans doute le besoin de SE prouver qu’il pouvait le faire : continuer à aller de l’avant sans se renier, éviter la redite, franchir un nouveau palier. Un énième palier. 

Le départ du batteur Joe Vickers allait-il dans le sens de ce désir d’évolution ou s’agissait-il simplement d’un des nombreux aléas qui jalonnent la vie d’un groupe ? On l’ignore. En tout cas, Justin Forrest a très vite pris ses marques et apposé sa patte au son du sextet de Beverly (Massachusets). Le premier single “Flowers Of Light” avait d’emblée rappelé à tous ceux qui l’auraient honteusement oublié tout l’art de Caspian de faire prendre soudainement leur envol à ses chansons pour se muer en épopée majestueuse (à l’image de ce petit synthé fluet qui ne va pas tarder à devoir affronter un mur de guitares). 
“Nostalgist” qui convie Kyle Durfey (Pianos Become The Teeth) au chant n’est sans doute pas un sommet du disque mais il a le mérite (en sus d’être un excellent morceau) d’insuffler une tonalité différente, une rupture afin de briser une éventuelle monotonie avant même qu’on ait eu le temps d’y songer. Et puis, la bascule… 

Il est assez fréquent que les groupes placent une succession de tubes, du moins de titres aguicheurs, en début d’album et peinent à tenir la distance sur la durée du disque. On n’a pas les stats mais combien de fois a-t-on déploré une face B en deçà ? Beaucoup trop. Ici, c’est en quatrième piste (“Division Blues”) que nos poils se hérissent pour de bon et rechignent ensuite à retrouver leur position initiale. Un crescendo irrésistible qui laisse place, non pas à l’explosion attendue, mais à un certain apaisement, une délivrance. Comme un sentiment de sérénité. 
Caspian, fort de son expérience, évite l’écueil de morceaux trop démonstratifs, de formules trop bien huilées et insuffisamment épicées. Les guitares attendent la fin de morceau pour s’envoler, sans retenue, sans regarder derrière… D’autant qu’il y a de si belles choses à se laisser conter à l’horizon. 

“Onsra” d’abord, presque féerique, pas loin d’évoquer Sigur Ros. “Collapser” ensuite qui, fort d’une agressivité décuplée, balaie tout ce qu’on a pu dire précédemment et propage le chaos dans ce disque à la couleur plus optimiste que ses prédécesseurs. 
Après un ouragan si dévastateur, quand on pense que tout a été rasé, ressurgissent les choses les plus belles. Elle porte ici le nom d'”Ishmael”. Le violoncelle de Jo Quail habille d’atours orientaux ce morceau dans lequel souffle un vent de liberté, avant de prendre une dimension épique et de nous laisser exsangue face à une telle splendeur immaculée. 

Pour finir, Philip Jamieson, guitariste du groupe, s’est fait violence en reprenant le micro (pour la troisième fois seulement dans l’histoire du groupe) et offrir une belle conclusion à ce disque qui ne souhaite pas en avoir. “Circles On Circles”. No beginning and no end. C’est ce qu’on peut lire dans le livret. Et ça fait sens à l’écoute de ce disque. Pour ce qui est de notre relation avec Caspian, il y avait assurément un début à notre amour (concrétisé peu de temps après par une interview), celui-ci ne faiblit pas et ne connaitra vraisemblablement pas de fin.

Jonathan Lopez

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