Black Ink Stain – Incidents

Publié par le 18 juin 2021 dans Chroniques, Notre sélection, Toutes les chroniques

(Atypeek / Araki / P.O.G.O. / Day Off, 30 avril 2021)

Certains disques arrivent parfois à point nommé et nous font penser immédiatement, l’air intensément satisfait, « c’est EXACTEMENT ce dont j’avais besoin » ! On ne crachera jamais sur une bonne dérouillée et celle-ci, là, maintenant, fait un bien fou. Car Incidents contient tout ce qu’il faut de rage primaire, de cris viscéraux et de riffs punitifs.

Black Ink Stain semble prendre un plaisir incommensurable, un brin vicieux également, à nous infliger une bonne tranche de douleur (du nom de sa première plage comme les anglophones qui peuplent nos pages l’auront remarqué) qui nous met dans le bain bouillant d’emblée. C’est lent, lourd, ça cogne fort, partout et n’épargne personne. On ressent chez ce groupe comme une nécessité impérieuse de nous rentrer dans le lard et nous cracher à la gueule. Comme si on était responsable de tous leurs maux. Après cette entame musclée, nos vertèbres se remettent en place comme elles peuvent et Black Ink Stain ressuscite Unsane le temps d’un assaut des plus explosifs qui nous malmène jusqu’à la fin (près de 5 minutes tout de même) avant de nous laisser pour mort (« I See You Dead »). Comme ces petits salopards de chats qui s’amusent avec leur proie, sans oublier de la mettre en pièces. Taquins.

Au-delà du talent éclatant du trio clermontois, il convient de saluer la prise de son impeccable qui confère à l’ensemble une puissance folle d’un certain David Weber, pas franchement à son coup d’essai puisqu’il avait déjà tâté de la console pour les plus grands poètes locaux (Drive Blind, Tantrum, Condense, Portobello Bones) et internationaux (Young Gods, Knut ou Treponem Pal) des glorieuses 90s.

Après n’avoir prêté qu’une attention insuffisante à ce disque (chose que je ne m’explique pas aujourd’hui), voici que je viens de me l’enfiler 8 fois d’affilée. Pour être bien certain. Je le suis. Et mes écoutilles, un rien bousculées mais indéniablement encanaillées, en réclament davantage. Il existe une raison à cela, qui rassurera les plus délicats d’entre vous (qui a dit pleutres ?) ayant pris la fuite à la lecture des deux premiers paragraphes : Black Ink Stain ne se borne pas à agresser constamment, s’appuie sur sa section rythmique d’une fiabilité à toute épreuve pour changer parfois de braquet, autorise les potards à redescendre furtivement dans le orange et cueille à froid avec des mélodies pas piquées des invertébrés.

La preuve en 4’03 avec le redoutable morceau entièrement instrumental « Sans Façon ». L’affaire est si rondement menée qu’on en oublierait presque l’absence du chanteur. Ledit chanteur n’est certainement pas le plus mémorable qu’on ait entendu dans le genre mais il se montre largement à la hauteur et fait parfaitement le job du brailleur imperturbable. Et s’autorise parfois, quand ses comparses le lui permettent, un chant clair qui ne fera tiquer personne. Ainsi, il traverse de main de maitre ce formidable « Pont des Goules » dont la chape de plomb en aurait calmé plus d’un. Ambiance spectrale, humeur glaciale et harmoniques évoquant assez franchement les grandes heures d’Alice In Chains pour un morceau qui vient rompre le passage à tabac un brin monolithique subi précédemment.

Point de relâchement toutefois, « Frozen Stance », d’une simplicité confondante, nous assène les coups de poignards de manière obsessionnelle jusqu’à un final colossal qui pousse à hausser inconsciemment le volume à un niveau à peine tolérable. La copine fait la gueule, le gamin hurle mais le mal est fait, autant aller au bout à présent. D’autant qu’il serait fort dommage de négliger « S.O.M.A. » et son riff de 18 tonnes qui vient taper du côté du grunge le plus poisseux. Et les ressources de ces jeunes hommes sont telles que quand on croit que le plus fort est passé, Black Ink Stain s’offre un pont d’une classe inouïe. Avant de remettre les bouchées triples avec le retour du riff démolisseur d’enceintes.

32 écoutes ultérieures, les enceintes vont bien et celui qui les possède est resplendissant, galvanisé, refait à neuf. L’épreuve du temps nous dira s’il s’agissait d’un simple Incidents de parcours mais on a beau déborder d’imagination, on a un peu de mal à concevoir un autre scénario que le début d’une ascension vertigineuse.

Jonathan Lopez

L’ensemble du disque s’écoute ci-dessous et s’achète .

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