Angry Silence – Strange Times Call for Strange Measures

Publié par le 29 avril 2022 dans Chroniques, Notre sélection, Toutes les chroniques

(La face cachée/Epicericords/Coolax/Emergence/Jarane, 1 avril 2022)

Dans son roman Amazones (2013), Raphaëlle Riol écrit « on devient vieux le jour où l’on renonce à devenir punk ou poète ». Je ne sais pas quel est l’âge moyen des membres d’Angry Silence, même si je l’imagine lorsque je lis le nom des groupes qui ont « bercé [leur] adolescence » selon le communiqué de presse (Sonic Youth, Sebadoh, Guided By Voices, Pixies, Pavement), je ne sais pas non plus s’ils se considèrent comme des poètes, mais il semblerait qu’ils ne se soient pas encore résignés à devenir vieux.

Pourtant, on pourrait se sentir vieux dès les premières notes de « The Battle Still Rages » qui ouvre le disque, vu que nous sommes immédiatement replongés dans la fine fleur du rock indé fin 80s-début 90s. Heureusement, c’est le genre de balade qu’on apprécie, chez Exit Musik. Il faut dire que nous ne sommes pas tout jeunes nous-mêmes. 

Ainsi, qu’est-ce qui pourrait distinguer Angry Silence des divers groupe nostalgiques des années 90 qui vont fatalement se répandre maintenant qu’elles ont atteint la trentaine ? Stylistiquement, peut-être pas grand-chose. On a la production simple, les dissonances, les mélodies, l’urgence, l’alternance entre calme et colère, ou arpèges et mur du son si vous préférez. Mais dans l’état d’esprit, un mot revient immanquablement : punk. 

Quelle différence, donc ? Le fait de produire cette musique avec une sincérité et une passion palpables, l’impression qu’Angry Silence adopte ce style ni par nostalgie, ni par opportuniste, mais parce qu’ils le veulent, parce qu’ils le sentent. Et, plus pragmatiquement, un engagement que l’on retrouvera jusque dans les pochettes de disques (je vous invite à lire l’histoire de celle-ci sur leur bandcamp) mais également dans les paroles et leur approche DIY. Des éléments que l’on retrouve chez les artistes biberonnés à Fugazi, aux micro-labels et aux scènes locales. Punk, quoi.*

Bon, c’est bien beau tout ça mais va-t-il nous en dire plus sur la musique du disque ? Outre ce que j’ai écrit plus haut, on trouve une forme de pop chez Angry Silence, une pop similaire à celle des Thugs ou des premiers albums des Lemonheads, qui ne quitte jamais les oripeaux d’une musique plus viscérale et agressive (sans forcément être violente). Punk, toujours !

Si on ne peut pas échapper à un certain aspect monolithique, pendant de la cohérence musicale de l’album, certains morceaux se distinguent, que ce soit par la forme (l’instrumentale « Party’s Over » ou la reprise d’un standard soul « Dark End of the Street ») ou par une certaine intensité (« Brother » ou « Time to Get Real ». Dans l’ensemble, on ne peut que saluer ce premier album du groupe, à la fois accessible, viscéral et sans concession, ce qui reste un équilibre pas toujours simple à trouver. Chapeau bas, donc, et on a très envie de voir jusqu’où ces jeunes gens vont aller. Jeunes, forcément, puisqu’ils ne semblent pas avoir renoncé à être punk. En même temps, on a du mal à les imaginer faire autrement. 

Blackcondorguy

*En l’occurrence, les membres du groupe ont auparavant officié sur le label Et Mon Cul, C’est Du Tofu ?, notamment au sein de Litovsk et Besoin Dead.

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