Whispering Sons – The Great Calm

Publié par le 24 février 2024 dans Chroniques, Toutes les chroniques

([PIAS], 23 février 2024)

Un des privilèges de l’âge est de pouvoir observer l’évolution d’un groupe avec un recul qui nous faisait terriblement défaut lors de nos jeunes années intrépides. Ainsi, nous suivons les Whispering Sons depuis leur couv’ de l’indispensable new Noise (achetez-le !) en 2018 et nous avons apprécié, au fil des ans,  aussi bien leurs disques que leurs prestations scéniques. Aujourd’hui, après avoir écouté le nouveau venu, The Great Calm, nous éprouvons donc une satisfaction sincère et profonde en réalisant ce qu’est devenu le groupe et à quel point il maîtrise désormais son art et la manière dont il l’exprime. 

Ce nouvel album brille, avant tout, par la solidité de ses compositions et par le juste équilibre de leur interprétation et de leur production. Nous retrouvons ce qui fait l’identité du groupe, avec un vernis bien plus élégant, et un fond bien plus sûr de sa force (« Walkin, Flying »). Tout ce qui pouvait encore sonner anguleux et quelque peu aride sur Image et Several Others est désormais fluide et naturel. Les mélodies sont plus belles que jamais et la chanteuse Fenne Kuppens les porte avec un talent et une justesse qui grandit et s’affirme sous nos yeux avec une grâce proprement stupéfiante. Nous le répétons, mais c’est vraiment elle qui donne aux Whispering Sons leur singularité, et la voir élargir comme elle le fait son champ d’action, on pense notamment au très Talking Heads « The Talker », a quelque chose de passionnant et de très touchant. Sur « Oceanic », elle nous apparaît suffisamment confiante pour se montrer paradoxalement fragile et sombrement délicate. Malgré les notes de piano glaciale qui viennent ponctuer la confidence de Kuppens, on est étonné par la tendre sensualité qui se dégage de ce titre. Jamais le groupe n’avait utilisé cette carte et s’il est un peu trop tôt pour crier au changement de cap, on se dit qu’il s’agit d’une des voies possibles ouverte devant eux. 

Autour d’elle, le guitariste compositeur Kobe Lijnen s’efface le plus souvent au profit du clavier Sander Pelsmaekers qui officiait jusqu’alors à la batterie. Il tire largement son épingle du jeu suite à ce changement de poste. Ses parties de clavier et de piano, sensibles, envoûtantes et avec ce fond d’angoisse rétro-futuriste extirpé des années 80, participent, au côté de la voix de Fenne Kuppens, au charme transperçant de The Great Calm. À ce titre, « Balm (After Violence) » fait figure de coup de maître, à considérer comme le climax de l’album. L’arpège de piano s’égrène sur un faux rythme, derrière le chant placide de Fenne, jusqu’au refrain qui laisse entrevoir un éventuel coup d’éclat qui n’arrive jamais, mais qui nous plonge tout de même dans une inertie suspendue à travers laquelle tout semble se ralentir et se dissoudre pour enfin disparaître dans un grésillement blanc et saturé… « I float, I float, I get absorbed by the great calm. » Le genre de titre qui nous obsède et nous habite des jours et des nuits durant sans que l’on puisse s’en détacher. 

Parmi les autres changements, l’intégration du producteur de toujours Bert Viegen au poste de bassiste et le repositionnement de Tuur Vandborne de la quatre cordes à derrière les fûts, explique en partie l’évolution des Whispering Sons et le sentiment d’unité, de sobriété et d’équilibre qui transparaît des titres que l’on a déjà cités, auxquels il faut ajouter les impressionnants « Still, Disappearing » et « Poor Girl » ainsi que le final, pour le moins épique, « Try me Again » qui conclut le disque par un solo de guitare incongru que n’aurait pas renié les voisins de dEUS, période The Ideal Crash, histoire de brouiller les pistes en guise d’au revoir. 

Avec The Great Calm, les Whispering Sons confirment non seulement tout le bien que l’on pensait d’eux, mais aussi leur place au premier rang d’un rock indé que l’on a de plus en plus de mal à définir. À eux de garder le cap afin de ne pas sombrer dans une facilité qui ne leur conviendrait pas et, surtout, de ne pas se faire récupérer par la bête aux aguets qui ne demande pas mieux que de salir ce qui est beau. Avant que les nuages s’amoncellent, on profitera de The Great Calm pour ce qu’il est, à savoir leur meilleur album à ce jour.

Max

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