Frisson Acidulé (Vitry-sur-Seine, 94), 09 et 10/09/23

Publié par le 15 octobre 2023 dans Live reports, Non classé

© Julien Savès

Au bout du bout du monde, en périphérie de la périphérie, à Ivry-sur-Seine ou presque, le Kilowatt a accueilli pendant deux jours la quatrième édition du Frisson Acidulé, le festival organisé par les têtes pensantes d’Arrache-toi un Œil.

Les contraintes liées au Covid et une affiche finalement assez peu engageante nous avaient tenu éloignés de la précédente édition, mais il était hors de question que nous manquions celle-ci. Déjà parce que c’était pour nous la seule occasion de voir BIG|BRAVE, mais nous voulions également tenter de revivre ce que nous avions vécu, quatre ans auparavant,lors de la seconde édition, au Théâtre de Verre, place des fêtes, à Paris… le cœur du monde. Un souvenir cher, de par le lieu qui nous avait bouleversé et de part la programmation, riche en découvertes et en bizarreries diverses.

Alors on a bravé la chaleur… alors on a bravé un premier métro, puis un autre, et encore un autre, avant d’enchaîner avec un chapelet d’arrêts de bus tout droit sortis d’un rêve de Pascal Bouaziz (Arrête toi ici Paul Vaillant Couturier, nous te saluons, camarade Gabriel Peri !)… ainsi jusqu’à l’arrêt JP Timbaud (c’est quand même bien foutu la vie)… et puis encore dix minutes de marche, sans un pet d’ombre… à peine arrivé, on est déjà épuisé… qu’importe ? Où que nous dirigions le regard, nous reconnaissions des visages amis et ça a suffi à nous faire reprendre du poil de la bête.

Le site se découpait en trois scènes. La grande, l’Oasis (qui ressemblait à une piste d’auto-tamponneuses) et la Disto-Mobile, la plus excentrée des trois. On trouvera un grand bar ou prendre les boissons usuelles, un stand plus petit où trouver du vin naturel (j’ignorais n’avoir bu jusqu’alors que du vin surnaturel), un autre pour des pizza hors de prix et hors d’atteinte (une file d’attente permanente aura eu raison de notre faim et de notre curiosité), un stand de frites vegan (…), un stand de voyance, de pierres d’énergie, de Balance ton Porc, d’Achète mon T-shirt, etc. Parmi les festivaliers, peu ont souhaité connaître leur avenir, mais pas mal voulaient profiter de leur présence avec pour conséquence des files d’attentes interminables pour une bière ou un casse-dalle, qui prenaient souvent des proportions encore plus grandes que celles des gens amassés devant les concerts en cours (j’exagère surement, mais c’est l’impression que j’ai eu).

Après une exploration assez peu méthodique des lieux, vous l’aurez noté, il était temps d’entrer dans le vif du sujet en débutant par le set du duo synth-pop néerlandais, Spill Gold, à l’Oasis. Entrée en matière parfaite pour passer d’un état à un autre en douceur. L’atmosphère diffusée par le groupe est suffisamment prenante pour contrebalancer les problèmes de son. Peut-être étions-nous seulement trop loin la scène, mais nous n’avons jamais pleinement entendu la voix de la chanteuse. Sans trop savoir si nous étions sur la bonne piste ou non, nous avons cru reconnaître par bribes des réminiscences de Lightning Dust, le side-project d’Amber Webster et Joshua Wells de Black Mountain, mais c’est peut-être uniquement parce qu’on écoute peu ce genre de musique et que nos références sont pauvres et peu nombreuses. La performance fut toutefois suffisamment prenante pour que l’on soit déçu qu’elle se termine, ce qui est déjà pas mal en festival. 

A peine le temps de reprendre un verre, que le groupe Whores, qui faisait partie de ceux pour qui nous nous étions déplacés, a pris d’assaut la scène principale. Sous un cagnard de bagnard, le noise rock massif du groupe d’Atlanta est venu nous faire plisser les yeux à grand coup de riffs glacés et de rythmes aussi assourdissant qu’un cœur de blizzard. Déjà la fatigue est loin et on réalise que ça fait bien trop longtemps que nous n’avons écouté leur album sorti en 2016, Gold. On pense à cette époque et au temps écoulé depuis, on pense à Pissed Jeans et à Red Fang. Le groupe déroule en donnant l’impression d’être content d’être là. Le set ne souffrira d’aucun temps mort, la baffe attendue fut bel et bien prise et nous nous retrouvions alors dans les meilleures dispositions pour la suite. 

Une suite où l’on ne fut pas très assidu, mais on a des excuses. Choolers Division nous a fait fuir, Movie Star Junkie nous a tordu un sourcil, et Unlogistic a déroulé son truc avant de le ré-enrouler. Il nous est difficile, dès lors, d’émettre un avis sur leurs prestations dont nous ne gardons qu’un pâle souvenir. 

Nout, en revanche, s’annonçait largement plus intriguant. Trio féminin du sud de la France (à en croire leur accent et la peu subtile référence de la batteuse au peu glorieux club de sport, de la très provinciale Marseille). Une batterie, donc, une flûte et une harpe, c’est pas tous les jours qu’on peut voir ça sur une scène de festival. Je m’attendais à quelque chose d’original et fut moyennement déçu. Pourquoi une harpe, si c’est pour la faire sonner comme une basse ? Pourquoi une flûte, si c’est pour la saturer à tel point qu’on vire dans le harsh noise le plus… stoïque ? Visuellement, il y avait quelque chose de surprenant, mais ça ne s’entendait pas et même s’il ne fallait pas bouder le plaisir de s’en prendre plein la gueule, il y avait quand même quelque chose qui coinçait. On retentera le coup, dans une salle plus petite, mais tout de même… on s’est un peu ennuyé. 

La première journée à frissonner se termine de bonne heure. Pas moyen de pouvoir écouter France dans de bonnes conditions et la flemme de se donner du mal. Une dernière oreille tendue vers Frustration histoire d’avoir la confirmation que décidément, ce groupe n’est pas fait pour nous, et le temps fut venu de commander un VTC… et de quitter la Pampa. 

Le périple du lendemain a eu ceci de pire par rapport au précédent que nous savions à quoi nous attendre. D’autres que nous ont préféré faire l’impasse sur une deuxième journée qui s’annonçait pourtant plus intéressante. Un peu triste d’observer les allées du kilowatt sensiblement plus vides… un peu triste de constater la défection d’amis que nous aurions eu plaisir à retrouver un jour de plus. Ils furent néanmoins remplacés par d’autres qui n’étaient pas là la veille de sorte qu’un équilibre que nous étions les seuls à ressentir fut bon an mal an maintenu. 

A Giant Dog © Julien Savès

Premier concert de la journée, du glam en provenance du Texas : A Giant Dog. Contre toute attente, c’était moins rebutant que ce qu’on aurait pu craindre et nous fûmes bien vite obligés de reconnaître l’efficacité indéniable de ce rock sans prétention qui enchaîne les petits tubes sans génie ni médiocrité. Ce n’est pas une si mauvaise idée de commencer une nouvelle journée de concerts par cet entre-deux confortable et vivifiant. Mise en bouche agréable qui fut accompagnée quelques instants après la fin de leur concert par celui du groupe Sordide, qui au cœur de l’après-midi, nous offrit un set de reprises de Nirvana régressif et lui aussi confortable. Nous ne sommes pas les plus grands fans de Nirvana, on nous le reproche suffisamment, mais faut croire que nous étions de bonne humeur car on est presque restés jusqu’à la fin… et on n’aurait pas parié dessus si on nous avait vendu le truc avant le concert. 

Enfin, le moment était venu d’assister à notre première vrai coup de cœur du festival avec la performance époustouflante de Year of No Light. Après une introduction épique, le groupe déploie son post-metal teinté de doom et rock psyché avec une puissance et un impact proprement colossaux. Introduction qui nous a suffisamment sonnés pour que le trouble éprouvé nous conditionne au mieux à affronter le gouffre vertigineux dans lequel nous a plongés leur titanesque interprétation de « Aléthéia ». Bouche bée, hypnotisés, la mélodie nous a littéralement transportés ailleurs, dans un endroit… plus frais déjà… loin de tout et de tous. Nous avons vécu, lors de ce titre, ce que nous espérons vivre, chaque fois que l’on se rend à un concert… Nous avons vécu ce moment que l’on recherche éperdument à chaque fois… cet éclair, ce flash ! Et on ne voit pas quoi dire d’autre pour rendre compte de ce à quoi nous avons assisté.

Peut-être dirons-nous seulement que ce ne fut pas le plus beau moment de cette journée… mais alors quoi ?

Ce ne fut pas le concert de Chiens, auquel on n’a pas eu la force de donner toute l’attention qu’il méritait. Nous ne sommes pas des bons festivaliers car il nous faut toujours du temps pour nous remettre d’un concert que nous avons aimé, toujours au détriment d’un autre. Ce ne fut pas non plus celui de Chouk Bwa & the Angströmers qui eut surtout le mérite de nous laisser encore pour un temps à la merci de l’inertie Year of No Light.

Il faudra attendre l’arrivée de BIG|BRAVE pour réellement passer à autre chose et assister à ce qui restera comme le meilleur concert de cette quatrième édition du Frisson, à notre humble avis. 

Bien sûr, c’est avant tout pour eux que nous avions fait le déplacement, leur dernier album, Nature Morte, faisant partie des meilleurs sortis cette année selon nous. Nous n’attendions rien d’autre que de pouvoir assister à sa réalisation sur scène. Notre patience fut récompensée au-delà de ce que nous souhaitions. Le trio de Montréal, affublé pour l’occasion d’un quatrième larron à la basse, nous a délivrés sous la tente bondée de l’Oasis, un set d’une intensité prodigieuse. La chanteuse guitariste Robin Wattie s’est montrée remarquable cavalière du maelstrom biblique (païen, plutôt) qu’elle déverse sur son public en un abandon gonflé de rage. Le son, que nous avons tant aimé sur disque, est aussi lourd et cru que nous pouvions l’espérer. Ce sont des vagues de drones à vif qui se sont abattues sur nous, nous laissant à bout de souffle, épuisés et suffocants, mais heureux et comme purgés d’un mal dont nous ignorions la souffrance. Plus encore que celui de Year of No Light, donc, ce concert de BIG|BRAVE fut pour nous à marquer d’une pierre blanche tant il correspond à ce que nous recherchons inlassablement, depuis que nous écoutons de la musique. 

Nous sommes ressortis de ce concert sonnés, hagards, ravis… Déjà sur la grande scène, les premières notes de La Jungle se font entendre. L’énergie est totalement différente. Nulle rage ici, mais un rock instrumental bondissant et bordélique qu’une fois encore nous ne saurons apprécier complètement du fait de notre état post-BIG|BRAVE.

La Jungle © Julien Savès

C’est la fin pour nous, le devoir nous appelle ailleurs et le chemin du retour est long. 

Cette quatrième édition du Frisson Acidulé, si elle ne fut pas aussi riche en découvertes que la seconde, fut toutefois l’occasion d’assister à des performances qui resteront gravées longtemps dans notre mémoire. Qu’aurions-nous donné pour assister à ces mêmes concerts au Théâtre de Verre ? Malheureusement, le lieu est définitivement fermé, mais nous ne perdons pas espoir que la prochaine édition se fasse dans un cadre approchant. Sombre vœu d’un triste sire qui n’aime ni le soleil, ni l’herbe, et soupire après le béton et la pluie.

Max

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