Trunks – We Dust

Publié par le 10 octobre 2023 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(Il Monstro, 13 octobre 2023)

Si on m’avait dit que je chanterais les louanges d’un supergroupe rennais peu après avoir démoli un supergroupe de Seattle, j’aurais probablement ricané grassement. C’est pourtant ce que je m’apprête à faire. Contrairement à 3rd Secret et sa dream team grunge qui fleure méchamment le produit éventé, ce nouvel album de Trunks dont je n’attendais absolument rien est une divine surprise.

On n’échappera pas à la fastidieuse mais nécessaire revue d’effectif : Régis Boulard (NO&RD, Sons of the Desert) est assis derrière la batterie, les deux guitares sont tenues par Stéphane Fromentin (Yes Basketball, Ladylike Lily) et Florian Marzano (We Only Said), lequel chante également, Daniel Paboeuf (Marquis de Sade, DPU) officie au saxophone et Laetitia Shériff, nordique que l’on qualifiera de Rennaise d’adoption pour ne pas foutre en l’air notre intro, à la basse et au chant. Si le line-up a quelque peu évolué depuis la première collaboration à l’initiative du Jardin Moderne en 2003, si les retrouvailles sont de plus en plus espacées (il s’agit là du troisième album, le premier depuis… dix ans), le plaisir de jouer s’avère de toute évidence intact.

D’entrée de jeu, « Les belles choses » ne sont pas faites à moitié. Le morceau démarre comme un honnête tube indie à la ritournelle mignonne avant de s’offrir une envolée finale insoupçonnée. À l’image de cette ouverture tout en finesse et subtilité, les compositions de We Dust, volontiers aventureuses, ne font jamais de surplace. Laetitia Shériff prouve une fois encore toute sa versatilité et une capacité d’adaptation à bien des environnements, fussent-ils soudainement bien plus agressif et déstructuré qu’aérien (« Edgeways »), parfois pas très éloigné du dub (le savoureux « Norbor ») ou contemplatif (« Blood on Poppies »). Entre les dialogues de guitares, le saxophone tient les premiers rôles, sachant distiller la tension lorsqu’il croise une basse belliqueuse ou au contraire renforcer l’immersion quand certaines plages incitent à l’évasion.

La doublette finale instrumentale « What is Fantasy » / « What is Real » qui se complète intelligemment résume parfaitement la force de ce disque, capable d’embarquer l’auditeur quel que soit le chemin emprunté, balisé dans un premier temps puis nettement plus cahoteux (gloire au batteur sur cette formidable ultime cavalcade). Conclusion habilement ficelée qui achève de nous convaincre que nous nous trouvons là face à un disque extrêmement abouti, varié et passionnant d’un bout à l’autre. Une œuvre qui donnera, on l’espère, des envies à cette formation de se retrouver plus régulièrement.

Jonathan Lopez

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