Vox Low – Keep on Falling

Publié par le 22 octobre 2023 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(Born Bad, 13 octobre 2023)

Cela faisait un petit bout de temps que Vox Low nous avait laissés en rade après un premier album extrêmement enthousiasmant, duquel surgissent parfois de beaux souvenirs que le temps n’a pas entièrement estompés. Comme ce morceau d’ouverture terriblement accrocheur nommé « Now We’re Ready to Spend ». Cinq ans après, nous sommes effectivement prêts à dépenser nos maigres économies, si tant est que le nouveau venu se montre à la hauteur de l’attente et du petit frère.

Entre-temps, Vox Low s’est renforcé avec l’arrivée d’un guitariste supplémentaire, ce qui ne change pas fondamentalement la donne. L’entame synthétique nous rappelle que le groupe parisien se régale à naviguer entre plusieurs canaux, errer où bon lui semble entre post punk, cold wave, dub, krautrock et musique électronique. Pour ceux qui abhorrent les étiquettes, faisons plus simple : Vox Low aime les basses qui remuent les tripes, la reverb à haute dose, les répétitions susceptibles de provoquer des transes hypnotiques et ne négligent pas le bidouillage de machines. Sa musique est à même de réconcilier froids gaillards qui ruminent leurs idées sombres et joyeux drilles qui lâchent tout la nuit tombée. Vox Low aurait eu sa place chez Factory, à n’en point douter.

Le désormais quintette parisien sait toujours faire dans le simple, efficace, persiste à stimuler les guiboles autant qu’il torture les méninges. Confirmation dès le foutrement entraînant et tubesque en diable « New Place in Town » qui sort des clous sur le final pour partir dans un sacré délire. La guitare de « Keep on Falling » convoque les Cure, mais c’est davantage à la métronomie teutonne que l’on songe plus souvent qu’à notre tour. Le bel artwork d’Emmanuel Regent évoque le dénuement, le déclin de la civilisation (pas impossible que la pandémie ait inspiré ce visuel intrigant) mais l’appel de ces lignes de basse nous convainc de danser au milieu des décombres, comme si c’était la dernière fois, puisqu’on ignore si lendemain il y aura. Et on se muerait presque en des clubbers invétérés, ce qu’on n’a jamais été (l’intenable « It Grows », qui tient parole, « Henry Rode », offrant une virée nocturne à toute blinde où les néons défilent. Les synthés se chargeant, tels des opiacés ingurgités en toute hâte, de venir brouiller la vision).

Et puis, il y a cette voix qui semble davantage affirmée que sur le premier album sans titre, et s’autorise parfois à mener le jeu au même titre que la basse, plus que jamais omniprésente.

Comment ne pas se laisser guider par le chant à pas cadencés entonné avec un dédain de dandy sur « I Know I Will » ou s’enthousiasmer face au refrain d’un « Love Affair » où le timbre semble soudainement plus grave qu’il ne l’a jamais été, comme un Peter Murphy (Bauhaus) ayant trop gueulé la veille dans son pub adoré.

Là où il pouvait sembler froid (ce qu’il est assurément) et quelque peu insaisissable de prime abord, ce Keep On Falling se révèle finalement vite bien familier et nous accompagne, guide nos pas, imprime son rythme, au gré d’une ligne de basse qui martèle obstinément, d’un danger diffus qui se précise, d’une urgence soudaine impliquant la nécessité de fuite (« Breathless Tuesday », « We Walk » et son impérieux « WE WALK STRAIGHT »).

Éternellement exigeants et un rien gourmands, on ne pourra pas écrire que ça valait le coup de patienter puisqu’on en aurait bien pris deux autres, des albums comme celui-là, mais on ne pourra au moins pas accuser Vox Low de s’être foutu du monde. Et on va maintenant faire une belle place à ce Keep on Falling qui mérite un accueil des plus chaleureux dans toute discothèque de personnes de goût.

Jonathan Lopez

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