Voodoo Beach – Wonderful Life
Si la langue germanique a tendance à vous faire tiquer les oreilles et ne trouve donc aucune tolérance quelque soit son insertion musicale, il convient tout de même de vous convaincre que vous êtes probablement passés à côté d’un album sorti fin 2023 qui, depuis, poursuit sa traversée dans l’espace-temps. Entendez-vous le remous musical qui fait trembler les murs de Berlin et ce, depuis des décennies ?
« Wonderful Life » est en quelque sorte une vision ainsi qu’un constat : qu’adviendra-t-il de toute cette tristesse ? Titre révélateur, « Fremde Fester » élargit le champ de vision qui se dessine sous une impulsion introductive évoquant le Velvet Underground. La sensation de mélancolie explose ensuite dans un bouquet rythmique magistral. Le trio allemand nous assène d’un « Nein » post-punk, trempé dans la suie, c’est beau et violent, juste ce qu’il faut pour refuser le monde tel qu’il est. Étrange association qu’est Voodoo Beach dont l’atmosphère froide glisse vers les antichambres rougeoyantes de l’enfer. Le chant devient même inquiétant sur « Die Hand » où la basse gronde et rôde vers des récifs dont l’érosion griffe la peau, même quand on en frôle la surface. Le temps semble s’être arrêté au moment où vous atteignez « Meine Freunde » avec ses guitares presque Byrdsiennes, et ce piano conclusif. Fin du premier acte.
« Immer Noch » déboule et vient squatter votre intérieur, avec ses mélodies imparables, le jour laisse soudain place à la nuit, les flammes deviennent étoiles sur l’écran de vos yeux clos. C’est en cela que Voodoo Beach maitrise mots et musique, tout se fond dans un même creuset et le temps de refroidir, garde cette même beauté. John Moods se joint au trio en donnant la réplique au chant sur le titre « Wonderful Life », tout comme Hendrik Otremba dans le titre suivant « Meine Seele » qui ose un détour très ancré dans une sonorité proche de Joy Division.
Voodoo Beach ne renie pas son nom, le dernier titre débouche sur une euphorie shoegaze. Aux guitares surf se greffent quelques montées acides et des bandes inversées, qui vous donnent envie de réécouter l’intégralité de ces 30 minutes et 12 secondes. Le label de Chris Breuer, Crazysane Records, est un peu à l’image de la dualité de Voodoo Beach, une montée en gamme d’artistes qui ont d’ores et déjà marqué les esprits (Zahn, Twin Drugs, Velcros).
Franck Irle