The Tubs – Dead Meat

Publié par le 2 février 2023 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(Trouble In Mind, 27 janvier 2023)

Foutue nostalgie. Elle n’en finit pas de nous gagner dans le petit Landerneau de l’indie rock. Pensez : vous venez déjà de vous taper du retour du post-punk à coups de Murder D.C. ou de Fontaines Capital et voilà-t-y pas que c’est le grand retour de la jangle pop. Feelies, dBs, LAs et autres R.E.M. sans parler de l’esprit twee pop de Sarah Records. Vous y ajouterez une couche vocale de Bob Mould, de Lou Barlow et de Richard Thompson (période Shoot Out the Lights) et vous avez la recette du groupe londonien The Tubs – pas de mauvais jeu de mots, merci. Composé d’anciens membres du groupe gallois Joanna Gruesome – ah, ben, ça aussi, c’est un bien mauvais jeu de mots mais il est de leur fait, celui-ci ! -, The Tubs a pillé la discothèque de tous les groupes qui portaient leur anorak et leurs Adidas Gazelle aussi fièrement qu’ils arboraient la coupe au bol en 1985. Et la production aussi semble d’époque. Même en streaming, on s’attend à entendre le bruit de surface du vinyle de 2 mm d’épaisseur. Ça sonne assez rachitique et c’est totalement assumé.

Cela pourrait être salement énervant si ce mélange pensé pour les fans hardcore d’indie n’était pas agrémenté de compositions absolument miraculeuses. The Tubs semblent en effet pisser de la mélodie au kilomètre. Si l’entrée en matière « Illusion Pt. II » ne nous convainc pas encore à 100 %, la première claque arrive avec « Two Person Love » et son riff de gratte assassin précédant un déluge de grattes jangly directement puisé aux meilleures sources (The Good Earth, Reckoning…) mais surtout avec ce chant dont la tessiture est tellement ancrée dans l’histoire du rock alternatif 80s qu’il semble déjà familier. Le morceau suivant, « I Don’t Know How It Works », ajoute un chant féminin très « ligne claire » à l’équation, renforçant le rapprochement avec Richard et Linda Thompson. Un peu plus loin, sur « Sniveller », le groupe s’approche un peu plus du post-punk tendance arty à la Parquet Courts, et ça marche totalement. Autre single parfait d’une époque où ce genre de musique aurait pu connaître un succès populaire mineur : « That’s Fine ». Voilà encore une mélodie qui prend aux tripes. Le groupe va enchaîner les petites perles comme ça jusqu’à sa dernière plage « Wretched Lie », le seul morceau qui ait un véritable potentiel commercial en 2023 – mais ne rêvons pas trop. Avec son « You Are Always on My Mind » qui rappelle le « If I Can Change Your Mind » de Bob Mould, le morceau vous reste très profondément dans le crane. C’est presque un hold-up. Et le pire, c’est qu’il n’y a pas moyen de s’en lasser. Avec neuf titres dont deux seulement dépassent les quatre minutes (et encore, pas de beaucoup), l’album passe comme une lettre à la poste et une fois fini, on n’a qu’une envie : se le remettre.

Bon, c’est simple, je n’ai pas entendu de disque aussi direct et éhontément accrocheur depuis l’excellent Light Up Gold de Parquet Courts (oui, encore eux, je sais… je me répète) dont The Tubs m’apparaissent définitivement comme les cousins britanniques. Si vous aimez l’innovation et attendez encore le groupe qui, tel TV on the Radio il y a presque vingt ans, inventera quelque chose de nouveau dans la pop – au sens large -, passez votre chemin. Si, en revanche, vous voulez juste écouter un bon disque aux mélodies addictives, vous allez être conquis. Est-ce le début d’une grande carrière ou juste un « one shot » roublard ? Ça, il est bien trop tôt pour le savoir mais ça ne doit pas être une raison pour bouder cet excellent Dead Meat.

Yann Giraud

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