The Notwist – Vertigo Days
S’il est un groupe pop contemporain à la trajectoire fascinante, c’est bien The Notwist. Souvent comparé à juste titre à Radiohead (dont les membres, Colin Greenwood en tête, ne tarissent pas d’éloges à leur sujet), le groupe allemand n’a eu de cesse de se réinventer depuis ses débuts punk/metal qui ne prédestinaient en rien une telle (r)évolution. Depuis son troisième album, 12 (paru en 1995), The Notwist a mis de côté son passé pour se construire un avenir où règnent l’audace et la prise de risques, mêlant avec bonheur raffinement pop et bidouillages savants, parvenant comme peu à préserver un équilibre entre simplicité et quête d’expérimentation.
Personne n’a oublié l’indiscutable sommet Neon Golden de 2002, et tout le monde semble même ne retenir que lui alors que The Notwist a poursuivi son œuvre, en toute intégrité, et lui a offert de dignes successeurs, en premier lieu desquels l’excellent dernier album en date, Close To The Glass, qui, non content d’offrir de formidables mélodies, parvenait encore à surprendre en empruntant des détours inattendus, le rapprochant parfois du Portishead le plus aventureux voire du My Bloody Valentine le plus agressif (“7-Hour Drive”). Une constante dans la discographie du groupe : des albums bénéficiant d’un soin tout particulier, un impressionnant travail du son et des textures. Et Vertigo Days, qui arrive sept longues années après, nourri de side-projects variés (Spirit Fest, Hochzeitskapelle, Alien Ensemble, Joasihno) et enrichi de la participation de plusieurs invités d’horizons divers (la Japonaise Saya du duo pop Tenniscoats, son brass band Zayaendo, l’Argentine Juana Molina…), ne déroge pas à la règle. Pour autant, il n’y a pas de quoi être décontenancé par le contenu tant la patte Notwist est immédiatement reconnaissable. Les morceaux s’enfilent d’une traite avec force cohérence (les titres sont véritablement liés entre eux), les sons et idées foisonnent, mais le voyage est somme toute assez tranquille. C’est là que le bât blesse. Vertigo Days ne surprend guère, il campe sur ses positions. Notwist ne marque pas les esprits, il consolide ses acquis. Et le chroniqueur, avide de fulgurances, de rester quelque peu sur sa faim.
C’est un sentiment assez étrange car la multiplication des écoutes impose un constat indéniable : ce disque est peuplé de beaux moments. Citons ainsi la poignante mélancolie de l’épurée “Into Love/Stars” qui, comme souvent, s’envole en une folle aventure électronique sur une autoroute motorik, poursuivie par la très entrainante “Exit Strategy To Myself”. “Where You Find Me”, semblable à une nuit étoilée féérique. “Loose Ends” et son long final lancinant. Le refrain paradoxalement lumineux de “Sans Soleil”. Bref, nous voilà tentant d’expliquer tels des peine-à-jouir que notre enthousiasme est modéré alors que bien des morceaux, pris indépendamment, sont indéniablement réussis. Oui mais voilà, il y a un monde entre des titres plaisants et efficaces et de vrais morceaux de bravoure, des coups de maitre incontestables. Et pour un groupe de cette trempe, dont l’évocation de certains titres suffisent à se remémorer des mélodies gravées à jamais (si je dis “Pick Up The Phone”, vous accourez n’est-ce pas ?), c’est un poil décevant. Vertigo Days, c’est ce vieil ami auquel vous êtes attaché, que vous appréciez revoir mais dont la compagnie ne vous procure plus la même excitation que l’évocation de souvenirs impérissables. Il manque un petit quelque chose. Une étincelle dans le regard.
Un beau disque ? Oui, incontestablement. Un disque marquant ? L’avenir nous le dira mais le présent incite à la prudence.
Jonathan Lopez