The Jesus Lizard @ Elysée Montmartre (Paris), 17/05/25

Posted by on 21 mai 2025 in Live reports, Non classé

© Julien Savès

Nous étions prévenus. Nous l’avons vérifié à nos dépens. Tout le monde l’assurait sans ambages : The Jesus Lizard en live, c’est la branlée ultime. Restait l’inconnue du poids des années. Mais avouons que le suspense n’était pas tout à fait insoutenable.

En tout cas, personne ne semblait éprouver le moindre doute puisque tous les amateurs de noise de Paris, voire de tout le pays (bon, surtout du Sud) s’étaient donné rendez-vous à l’Elysée Montmartre. Copains d’avant a encore de l’avenir avec de tels entremetteurs et tout le monde entonne le fameux « On s’était donné rendez-vous dans trente ans » de… de ? Je ne sais plus de qui est cette sombre merde. En tout cas, il n’est pas déplaisant de croiser toutes les deux minutes un ami ou une connaissance, comme si on avait dressé nous-mêmes la liste des convives.

Après avoir vu un morceau et demi de Daria dont fait désormais partie l’ex-Thug Pierre-Yves Sourice (le temps de confirmer qu’on préfère LANE, le chant emo de Camille Belin dans Daria n’y étant sans doute pas étranger…), pris sa bière, salué 37 personnes, que voilà déjà les légendes sur scène. 

David Yow, voyant sa horde d’admirateurs le dévorer des yeux, ne peut s’empêcher de se jeter sur nos pauvres caboches avant la moindre note de « Puss ». Voilà qui donne le ton*. L’audience est autant éberluée qu’amusée que ce petit jeunot de 65 ans s’amuse toujours de ce genre d’enfantillages. Et en redemande. Et en refait. Et on se demande comment il fait.

© Charlène Auzou

Jean en lambeaux, chemise ouverte, bidon bedonnant qui brille, le vieux est intenable, s’éclate, tapisse la scène de mollards de premier choix, se déhanche dans un style qui n’appartient qu’à lui. Son band assure tellement qu’il a de quoi conserver une sérénité à toute épreuve, baragouiner ce que bon lui semble et oser toutes les excentricités. David Wm. Sims aligne les lignes de basse mythiques, placide, imperturbable, alors que le public devient fou en l’écoutant. Mac McNeilly cogne avec précision, talent et conviction. Duane Denison dégaine ses riffs tranchants, ciselés avec une finesse d’orfèvre, à nul autre pareil. Parmi les mots en quatre lettres, GOAT est le plus dignement représenté, ce n’est ni une surprise ni un scandale (on se voit encore se ruer vers les premiers rangs dès le début de « Nub » et on entend encore, vibrant, l’intro fabuleuse de « Then Comes Dudley »). LIAR n’est pas oublié (« Gladiator » et « Boilermaker » au moins), c’est la moindre des choses. Seul BLUE est snobé. On s’en remettra. On pourrait songer qu’avec un tel répertoire, il est difficile de décevoir mais il ne s’agit pas « seulement » de grands musiciens qui jouent avec application. Cette musique, ils la vivent, l’incarnent, la délivrent de façon telle qu’il se produit un truc en plus, une énergie libérée naturellement, un grain de folie, une imprévisibilité, lesquels contribuent à rendre le concert unique.

© Jonathan Lopez

Même les morceaux que l’on ne connait que depuis quelques mois, issus de RACK pour ceux qui ont du mal à suivre, s’incorporent fort bien, à l’image du décidément fabuleux (sing with me!) « Alexis, Alexis, Alexis Feeeels SICK » (et coucou à Alexis Fleisig de Girls Against Boys, venez quand vous voulez, au passage) ou ce « What If » rampant, moment rare où s’extirper de la fournaise est envisageable pour aller se rafraîchir le gosier et reprendre des forces pendant que les moins vieux se prouvent qu’ils ont de beaux restes. The Jesus Lizard a tout de la cure de jouvence. Un des concerts qui nous fait nous sentir jeunes. D’abord parce qu’on donne tout sans penser au lendemain, et tant pis si ça piquera (ah ça oui, ça piquait). Ensuite, parce que le plus jeune dans la salle devait avoir 37 ans et la moyenne d’âge s’élevait probablement à 53. Le vieux, lui, nage admirablement dans la marée humaine, d’un crawl parfait sur têtes et mains suantes, bien qu’il hurle le contraire (besoin de citer le morceau ?). L’autre abruti qui leur sert de président a dû avoir les oreilles qui sifflent, mais sans doute pas autant que nous le lendemain. Et nous, nous avons passé une soirée fantastique (nous serions fort avisés d’envoyer des fuck avec autant de conviction à nos Trump locaux. Nos spécimens ne sont guère plus glorieux).

Si The Jesus Lizard n’était plus apte à briser des dents, s’il n’était que l’ombre de lui-même et ne rendait plus la foule hystérique, il ne tournerait plus. The Jesus Lizard se doit de nous latter comme d’antan et il le fait le plus naturellement du monde. Remerciements éternels à ce groupe d’avoir existé et d’être toujours ce qu’il est.

Jonathan Lopez

*De la même manière qu’au Villette Sonique 2009, à quelques secondes près, confieront les heureux présents d’alors.

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