The Guru Guru – Make (Less) Babies

Publié par le 30 octobre 2023 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(À tant rêver du roi / Hummus records, 27 octobre 2023)

The Guru Guru a toujours été un groupe imprévisible et attachant, capable d’éclairs mélodiques saisissants, de coups de sang terribles et des plus grandes excentricités. Sur son troisième album, il s’appuie comme de coutume sur une basse indomptable et un chanteur virevoltant, l’inénarrable Tom the Bomb, qui ne se sent jamais aussi bien que lorsqu’il est confronté à des structures extrêmement mouvantes. On ne s’étonnera nullement de retrouver des couplets parfois plus rappés que chantés et des refrains explosifs et franchement pop, ce qui n’a jamais fait peur au quintette belge (« Lemon-aid, Lemon-cello (Bear Dance) », « Jack Shit/Jackpot », « Make Less Babies »). Les repères sont donc là – si tant est qu’un groupe si déjanté puisse nous en offrir -, l’ensemble demeure plaisant mais manque cependant quelque peu de véritables motifs d’exaltation. The Guru Guru a beau se démener, il ne marque pas autant les esprits qu’il avait su le faire avec Point Fingers, précédent album qui était parvenu à égayer notre confinement bien davantage que les discours de notre président adoré. Les morceaux défilent sans qu’on ne soit pris d’une envie compulsive d’appuyer sur Repeat.

À l’entame de la face B d’un disque un peu trop neutre et sage jusque-là, c’est le titre le plus what the fuck (« In 2073 (Plenty Other Fish in the Sea) ») qui sert de détonateur. Sur une instrumentation remarquablement troussée et addictive, déboule cet improbable mélange franco-anglais-espagnol où nous sommes invités à goûter les spécialités de fruits de mer proposées par un chef des plus convaincants, qui peut évoquer Mike Patton sur son album avec Jean-Claude Vannier : « you gotta try the terrine de sardine », « you’re gonna love le pâté de sardine », « you’re gonna find croquetas de bacalao », « patatas fruto de mar » et autres incontournables. On déguste. Dès lors, sans forcément verser dans l’hystérie généralisée, les Belges nous offrent ce qu’ils ont de meilleur, sans prétention, mais avec ce goût nécessaire de « reviens-y », plutôt qu’un frustrant « contente t’en ». À commencer par « Saint-Tropez » et son excellent refrain, où une pointe mélancolique ose même affleurer lorsqu’il est question de vendre la maison de Saint-Tropez « cause we got bills to pay up here », ou le très chouette pont de « Lotta Tension » (dans un morceau fort décousu qui, il faut bien le dire là encore, peine à convaincre d’un bout à l’autre). Impossible de chipoter en revanche sur les deux derniers titres qui s’avèrent d’incontestables réussites. Bien plus simple dans sa forme, le superbe « Oh, Me (I Can’t Complain) » prouve qu’il n’est pas toujours nécessaire d’effectuer des circonvolutions multiples pour faire mouche, même si c’est souvent plus fort qu’eux. Voix grave et basse gloutonne, « Joke’s on You » se dévoile peu à peu pour accoucher d’un beau refrain éruptif et d’un final grandiloquent pour se révéler extrêmement touchant. On ne pourra s’empêcher d’éprouver une pointe de déception avec ce disque qui tarde à réellement décoller, offrant une étonnante et salvatrice montée en puissance, là où beaucoup préfèrent placer leurs meilleures munitions d’entrée. Comme une énième démonstration que The Guru Guru ne fait rien comme tout le monde.

Jonathan Lopez

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