The Afghan Whigs – How Do You Burn?

Publié par le 9 octobre 2022 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(BMG Rights Management, 9 septembre 2022)

Cela nous revient constamment à la gueule. Mark Lanegan n’est plus. Mais son univers était si vaste, ses accointances musicales si nombreuses que, régulièrement, surgit un album auquel il a contribué. Rien de très surprenant à le retrouver sur deux morceaux de ce nouveau disque d’Afghan Whigs vu sa proximité avec Greg Dulli (si quelqu’un n’a encore jamais écouté les Gutter Twins, qu’il se rue dessus séance tenante). Le groupe n’en a toutefois pas fait un argument marketing, d’abord car ce serait glauque et éthiquement fort douteux, ensuite car bien malin celui qui pourra détecter sa présence*. Qu’importe, Greg Dulli a réactivé avec talent ses Afghan Whigs en 2014 et un nouvel album du quintette est suffisamment appétissant en soi pour ne pas avoir à jouer les fanboys à la quête de notre crooner trépassé adoré.

Et puis, à défaut d’avoir une ouïe supra-développée, vous pourrez tout de même retrouver l’empreinte de Lanegan sur ce disque puisqu’il est lui-même responsable… de son titre, How Do You Burn? (sa façon à lui de demander « qu’est-ce qui te procure de l’excitation ? »). Et puisque Dulli se l’est approprié et nous interroge à son tour à ce propos : sache, cher Greg, que quand tu nous prends autant par les sentiments et nous offres une entame en forme de grand banquet rock’n roll, évoquant le Queens of the Stone Age vindicatif et intenable d’antan (« I’ll Make You See God »), nous brûlons toujours d’amour pour toi. Sans retenue. Après une mise en route si encourageante, on ne pouvait que tomber de haut, se disait-on, mais la suite demeure très plaisante et si nous ne sommes plus si simples à séduire parce qu’on a pris de la bouteille, bien malgré nous, on succombe également à cet excellent « Jyja » et sa basse bien BIEN poisseuse et rampante. Et de ci, de là, des titres comme le très touchant « Please Baby, Please » et le rondement mené « The Getaway », presque épique mais sachant conserver la retenue nécessaire, viennent habilement titiller la corde sensible.

Ceci étant dit, on ne peut pas affirmer qu’Afghan renverse la table, prenne des risques inconsidérés. Il fait ce qu’il sait faire. Avec application. Et on retrouve les ingrédients qui en font un groupe spécial : cette touche soul, ce groove crade, ces arrangements précieux, le chant très incarné et maniéré (trop pour certains, juste ce qu’il faut pour nous) de Dulli. Un groupe comme il n’en existe pas des centaines interchangeables en somme, et rien que pour cela, on ne peut que se féliciter de sa longévité.

En fin d’album, les Whigs se sont peut-être dit qu’ils pouvaient glisser des morceaux plus douteux qui passeraient inaperçus, c’était sans compter sur notre grande vigilance. On a ainsi plus de mal à encaisser « Domino and Jimmy » dont Mariah Carey pourrait faire une belle reprise. On y retrouve Marcy Mays, déjà présente sur « My Curse » (de Gentlemen) il y a deux siècles, mais rien n’y fait. Piano, cordes, chant mielleux, rien ne nous est épargné et dans la foulée « Take Me There » n’est guère plus acceptable, bien que moins incommodant. Insuffisant toutefois pour ternir un bilan globalement positif, d’autant que le plus feutré et très beau « Concealer » vient calmer les mauvais esprits que nous sommes. On n’ira pas jusqu’à vous jurer que How Do You Burn? est absolument indispensable mais c’est un vrai bon disque. Un de plus, et cela vient entériner, si besoin était (non), le fait qu’on a bel et bien affaire à un grand groupe.

Jonathan Lopez

* On vous aide un peu dans le jeu de pistes, il fait les chœurs sur « Jyja » et « Take Me There ».

Tous nos articles sur The Afghan Whigs

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *