Stéphane Milochevitch – La Bonne Aventure
Pour la première fois sous son propre blaze, Stéphane Milochevitch se présente à nous aujourd’hui avec sous le bras sa nouvelle œuvre, La Bonne Aventure. Un changement significatif pour celui que nous connaissions jusqu’alors sous le nom de Thousand.
Le gars n’en est pas à sa première volte-face. Après avoir débuté en duo avec Bramier (Guilhem Granier, Madrid), on l’a vu un beau jour signer sous son seul nom des disques sombres qui creusaient le sillon de l’americana de son temps, bien loin de ce qu’il offrira plus tard lorsqu’il publia, en 2018, son premier album en français, le redoutable Tunnel Végétal. Au Paradis suivra deux ans plus tard, achevant de l’installer dans le paysage musical français, dans toute sa singularité, et l’éloignant définitivement du chant anglais. Aujourd’hui, La Bonne Aventure ouvre le nouveau chapitre de son histoire et nous apparaît comme le sommet de sa carrière.
Débarrassé des oripeaux qu’il s’était lui-même tricotés, Stéphane Milochevitch se montre à vif, cru et près de l’os. À peine reconnaîtra-t-on dans le premier single « Comme un aigle dans une fusée » et dans le final du « Pont Naturel », un écho à l’exubérance (relative) du Tunnel Végétal et de Au Paradis. Dernier soubresaut d’un monde qui n’est déjà plus le sien. Ici les guitares sonnent comme telles et le clavier est plus discret. Les cordes à contre-jour offrent une profondeur différente de ses précédents ouvrages. Sa voix gagne également en matière et en gravité et donne parfois l’impression qu’elle va se briser dans un soupir mal ajusté.
Au fil de l’album se déploient une délicatesse et une élégance, dans l’interprétation comme dans l’écriture, qui nous touchera particulièrement et qui souligne l’épanouissement du style et de la langue de Milochevitch. Les niveaux de lecture s’entrecroisent en une logorrhée pince-sans-rire et une verve étourdissante, qui conjuguent les lettres classiques et la culture populaire avec un sens de l’humour quasi mystique. On reconnaît bien vite les mêmes images que Stéphane aime à diffuser dans ses paroles et sa poésie bariolée, empreinte de mythologie, de sensualité et de traits d’esprit caressants comme des scalpels. Sont évoquées encore ces figures si particulières qui définissent en partie l’univers de l’artiste. On retrouve Cassius Clay, comme toujours, l’ibis, les cobras, les kilomètres de baise, les constellations ravivées… Des images, des références, qui s’entrechoquent et finissent par se mélanger en une ivresse christique et primitive.
Avec La Bonne Aventure, Stéphane Milochevitch se renouvelle sans se trahir et assoit fermement sa place toute singulière dans « la chanson française » actuelle. Il dépeint, avec un talent rare, un monde à la géographie secrète, vers lequel on revient inlassablement, séduit et curieux de trouver les fils d’Ariane que l’on devine disséminer ici et là. L’aventure est assurément bonne et passionnante… et plus que jamais recommandable.
Max