Special Friend – Ennemi Commun

Publié par le 7 avril 2021 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(Howlin Banana / Hidden Bay, 26 mars 2021)

Ne vous paraît-il pas éminemment sympathique ce petit bonhomme qui orne la pochette du premier album de Special Friend ? Pas de doute, on va être bien reçu. Qu’ont-ils de si spéciaux nos deux hôtes, vous enquérez-vous ? Ce duo franco/américain formé en 2017 et auteur jusque-là d’un seul EP homonyme sorti en 2019, propose une indie pop élégante, portée par une belle insouciance. Une guitare (grattée par Guillaume Siracusa), une batterie (frappée par Erica Ashleson), deux voix qui s’harmonisent avec joliesse. Et un beau moment, tout en délicatesse. Sans prétention aucune, le duo déroule sa pop de vieux briscards qu’ils ne sont pas, dreamy ou noisy selon les humeurs, y ajoute parfois des synthés discrets mais fort à-propos (particulièrement bien sentis sur “Pastel”) et se paie, par-dessus le marché, une production en tout point remarquable (on dit bravo au copain Vincent Hivert de En attendant Ana et Belmont Witch).

Alors oui le risque existe, il est parfaitement identifié : sombrer dans une légèreté un brin cache-misère, que cette musique qui nous caresse dans le sens du poil, se révèle au bout du compte inoffensive. Il n’en est rien. Votre perception de la musique ne sera pas révolutionnée à tout jamais, vos certitudes ne se trouveront aucunement chamboulées mais ce disque pourrait fort bien vous évoquer Yo La Tengo ou Electrelane (les communiqués de presse ne mentent pas toujours !) lorsque les guitares s’enorgueillissent et enveniment la partie de quelques décharges jubilatoires (le vindicatif “Forest”, “Motel” et “Ennemi Commun” dont les motifs mélodiques colle-aux-basques se révèlent hautement inflammables, le superbe final de “Pastel”), voire Low quand ils se contentent de naviguer en toute quiétude (“Movement of the Planets”, “Flaring Jean”) et ainsi, on y vient, égayer agréablement votre quotidien. C’est peu, dites-vous ? C’est déjà beaucoup.

Quand l’horizon demeure par trop chargé de pesants nuages, que tout début d’éclaircie semble à peine concevable, voilà qui fait le plus grand bien. Relâchons quelque peu la tension, laissons-nous guider par les mélodies chatoyantes, cette guitare qui ondoie généreusement, ces voix qui se complètement idéalement, nous accompagnent et resserrent parfois leur étreinte. Oublions. Pour faire front face à l’Ennemi Commun, ces Special Friend(s) qui nous veulent du bien, semblent tout indiqués. On ne vous demande pas de ne plus jamais les quitter mais vous seriez bien inspirés de les laisser faire un bout de chemin en votre compagnie.

Jonathan Lopez

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