So Pitted – Cloned
On commençait à se faire du mouron pour So Pitted dont l’unique et excellent album, Neo, remontait à 2016. Une semi-éternité durant laquelle il s’est passé des choses, et non des moindres : le trio est devenu quatuor, a quitté Sub Pop et adopte désormais un fonctionnement assez atypique.
Les quatre membres échangent volontiers leurs instruments et le lead vocal n’est plus dévolu au seul Nathan Rodriguez qui le partage maintenant avec Liam Downey. Idéal pour éviter la routine studio/disto/dodo. On ne vous fera pas croire pour autant que ces changements ont rendu So Pitted méconnaissable. Le groupe de Seattle délivre toujours un noise rock désabusé, vicié voire malsain et l’épaisseur des riffs n’a pas dû décevoir une certaine gloire locale du nom de Tad Doyle, en charge de l’enregistrement.
Mais comme son nom ne l’indique pas, Cloned, sorti cette fois chez Youth Riot, se révèle un peu plus imprévisible que son prédécesseur. Ce nom d’album trouve écho dans les facéties du quatuor qui s’est amusé à disséminer des noms de groupes dans ses titres de morceaux (« Muse », « Tool », « Interpol »). Rassurez-vous, ou regrettez-le, lesdits morceaux ne s’apparentent pas non plus à des clones. Si « Interpol » est un des morceaux les plus accessibles et « pop » (on certifie qu’il ne s’échappera pas de votre caboche avec facilité), il s’achève, inexorablement, sur du bruit infernal. « Tool » se révèle, lui, bien moins alambiqué que son titre le laisse augurer.
Sur « Muse » en ouverture, Nathan Rodriguez lâche un tonitruant « I don’t wanna siiing cause that could last forever » alors que Matthew Bellamy avait malheureusement beaucoup trop envie de chanter. Et ça durait… Trop longtemps. Nathan Rodriguez nous dégueule dessus plus qu’il ne chante et semble en retirer une certaine satisfaction. Nous aussi, on le remercierait presque de nous rudoyer de la sorte. Le contraste avec Liam Downey fonctionne à merveille. Celui-ci adopte un chant très direct et articule parfois de façon robotique, déshumanisée à l’image de son jouissif « this world is not getting any better, it’s just getting even worse, it’s getting really bad… (…) And I’ve never felt so happy in all of my life » sur le démoniaque « Everything Sucks ».
So Pitted se pose ainsi parfois en digne héritier de Big Black ou en contemporain de Human Impact donnant à entendre une mécanique parfaitement grippée, une basse grinçante et des riffs entourés de barbelés, tout en nous contant la fin du monde imminente.
Si aucun morceau ne se nomme Korn, on trouve quelques réminiscences du pionnier du nu-metal (« No Feeling » ou le pré-refrain de « Destiny » presque rappé où on croirait entendre Jonathan Davis). Cessez de vous pincer le nez les snobs, c’était très bien et ça l’est encore ici.
Le groupe est également capable d’augmenter sensiblement le tempo et les quatre lascars se mettent alors à carburer comme des sales punks mais cette foutue tension ne redescend jamais (l’entêtant « Vodka Cran », l’étouffant « Autobiography » et l’accablant « Parasite » avec son guilleret « everything’s already dead »). Pilonnés sans relâche, on dépose les armes.
Voilà donc une résurrection qui fait rudement plaisir et on encourage maintenant So Pitted à se stabiliser, s’appuyer sur ses solides nouveaux acquis et à nous revenir très vite, en aussi bonne forme.
Jonathan Lopez
Allez, on vous met deux extraits pour la peine :