Sleater-Kinney @ La Cigale (Paris), 20/03/15
Eté 2006 : Sleater-Kinney quitte la scène par une porte dérobée dans une relative indifférence. Septembre 2014 : les filles annoncent leur retour assorti d’une réédition de leur discographie, d’une bonne dose de promo et d’une tournée, suscitant alors un émoi assez surprenant.
L’opération de com’ est indéniablement réussie. S’attendaient-elles à un tel accueil ? Pas sûr.
De deux choses l’une, soit tout le monde est passé à côté de quelque chose d’énorme du temps où Sleater-Kinney était actif et se mordait les doigts depuis, attendant sans trop y croire un hypothétique retour. Soit les années 90 étaient si fournies en groupes incontournables que certains sont restés dans l’ombre et les années 2010 en sont si dépourvues que chaque retour est célébré au-delà du raisonnable. On pencherait plus pour cette explication. D’autant que sur le papier, un groupe de filles qui fait du rock c’est toujours vendeur.
Toujours est-il que le 20 mars 2015 Sleater-Kinney fait salle comble à La Cigale, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Ce qui est loin d’être un scandale aussi, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Sleater-Kinney étant un groupe des plus respectables au moins pour trois raisons : son talent mélodique indéniable, la rage non feinte qui habite ses membres et dernier point, non des moindres en 2015, l’authenticité qui les caractérisent.
La première moitié du concert est agréable mais ne suscite pas une excitation démesurée non plus. La faute à un mix qui met beaucoup (trop) en avant le chant, et pas assez la guitare. Or on n’est pas venu pour écouter Jean-Jacques Goldman mais bien un groupe peu avare en riffs qui font du bien quand ils vous traversent l’échine.
Le dernier album est évidemment au coeur des débats ce qui est autant une bonne (“Price Tag”, “Surface Envy”, “No Anthems”) qu’une mauvaise nouvelle (“Bury Our Friends” trop Black Keys, “A New Wave”, “Gimme Love” et leurs refrains trop gnagnans). Dans l’ensemble la qualité des compos très au-dessus de la moyenne du groupe fait la différence et les interprétations sont bonnes. On pardonne même les petits écarts qui ne passent pas sur disque (le pont bien vilain de “No Cities To Love” dont on vous a déjà parlé quand on en était tout chamboulé).
Carrie Brownstein qui confiait qu’avant le hiatus du groupe il lui arrivait d’avoir des crises d’angoisse à cause notamment du stress des tournées, semble ici très à l’aise et forme un beau duo avec Corin Tucker. Janet Weiss tabasse le fût avec puissance et maitrise. Il y a même une 4e dame qui fait office de “complément”. Une dame dont on ne sait rien, qui officiellement ne fait pas partie du groupe mais qui est pourtant bien là, tapie dans l’ombre à plaquer des accords. Curieux. Espérons que le groupe ne l’efface pas via photoshop des clichés de concerts.
Les classiques du groupe, procurent toujours beaucoup de plaisir à l’image de “Get Up” et d’un “Words And Guitar” bien sec et teigneux. Parmi les titres les plus récents, “Jumpers” particulièrement jouissive démontre qu’elle peut définitivement prétendre au titre de meilleur morceau de Sleater-Kinney.
Le set s’achèvera d’ailleurs là-dessus et c’est le meilleur argument pour qu’on ait très envie que le groupe revienne sur scène. Dès lors, les Sleateuses poursuivent sur leur lancée avec un rappel d’excellente facture entre ritournelle touchante (“Modern Girl” avec Janet à l’harmonica) et petites bombes punk pop (“Little Babies”, “Dig Me Out”).
L’enthousiasme est tel que nous aurons même droit à un second rappel en exclusivité internationale dixit Carrie. Et on a vérifié elle s’est pas foutue de nous.
Et 3 morceaux de plus qui font 26 ce qui est un très joli nombre. D’autant plus joli quand le dernier d’entre eux se nomme “I Wanna Be Like Joey Ramone”.
Mission remplie haut la main pour ces ex-riot grrrrrl, toujours énervées mais toujours aussi sympathiques à nos yeux.
JL
Photos signées ET
Setlist : Price Tag – Oh ! – Fangless – The End Of You – What’s Mine Is Yours – One Beat – Bury Our Friends – Surface Envy – Get Up – No Cities To Love – Rollercoaster – Turn It On – No Anthems – A New Wave – Words And Guitar – Sympathy – Entertain – Jumpers.
Rappel : Gimme Love – Start Together – Little Babies – Modern Girl – Dig Me Out.
Rappel 2 : Youth Decay – Call The Doctor – I Wanna Be Your Joey Ramone.