Saul Williams – MartyrLoserKing (EMI)
Saul Williams c’est d’abord l’incarnation indéniable du slam (il fut d’ailleurs l’acteur principal du film du même nom). Nous pauvres francophones on a Grand Corps Malade et Stromae, aux States ils ont Saul Williams. La vie est injuste.
Dans le rétro on trouve pourtant deux premiers albums brillants et essentiels (Amethyst Rock Star en 2001 et l’éponyme en 2004), puis deux autres plus inégaux (The Inevitable Rise And Liberation Of Niggy Tardust en 2007 et Volcanic Sunlight, produit par Trent Reznor, en 2011).
Pour ce 5e album, l’ami Saul explore davantage des contrées électroniques que rock, les beats tabassent, les infrabasses remuent les tripes… Quand on regarde le cv du producteur, il n’y a là aucune réelle surprise. Justin Warfield, aux manettes, étant principalement connu pour ses faits d’armes dans le big beat, et pour son tube “Bug Powder Dust” de Bomb the Bass.
Pour appuyer son propos, Warfield tape dans le digital non sans y mêler – avec bonheur – sources tribales (“The Noise Came From Here”, “Burundi”). Les racines, la pureté face au défi de la modernité. Tout un programme.
Mais si Saul a les nerfs, il reste un esthète de la plume et fait autant d’étincelles au milieu de la clarté et simplicité d’un “Down For Some Ignorance” ou de la boucle de piano entêtante d’un “Horn of the Clock-Bike”. Et se rappelle au temps béni d’un “Black Stacey” sur le refrain de l’épique (un peu trop ?) “The Bear/Coltan As Cotton” démontrant de nouveau qu’il n’est pas que rappeur, slammeur, poète, activiste, acteur… Il sait aussi chanter quand l’envie lui prend et quand le besoin s’en fait sentir.
Malgre un dernier titre (“Home/Drone/Poems”) moins convaincant, Saul Williams parvient à éviter l’écueil du récit poétique sans entrain avec de vraies idées musicales, stimulant autant l’esprit que le corps. Le poids des mots, le choc electro.
JL