Ride – This Is Not A Safe Place
Il y a deux ans, Ride faisait son grand retour… par la petite porte avec un Weather Diaries bien décevant qu’on a très vite mis de côté, préférant se convaincre qu’il ne s’agissait plus tout à fait du même groupe.
Aucun déni envisageable ici avec cette pochette qui joue avec nos sentiments en faisant ressurgir immanquablement la vague de Nowhere dans nos esprits nostalgiques et ce premier titre, « R.I.D.E. », sans équivoque. Quoique… Lorsqu’on lance l’écoute, il y a de quoi émettre de sérieux doutes. Un beat qui tabasse, une voix samplée quelque peu déshumanisée se contentant d’un simple mais percutant « RIDE ». Hormis un break brumeux aux voix lointaines, difficile de réaliser qu’on a affaire là à l’une des légendes shoegaze, et non à un quelconque DJ.
S’ensuit un morceau très ensoleillé, improbable candidat au tube de l’été. Incontestablement réussi, « Future Love » joue ainsi dans un registre bien plus léger que ce qui nous avait fait succomber initialement au quatuor d’Oxford. Aucun mur du son, pas même un brin de saturation pour couvrir le chant d’un Mark Gardener étincelant, et des chœurs enjoués qui nous renvoient davantage aux 60s qu’aux heures glorieuses de la noisy pop.
Passée la surprise, il faut accepter. Faire son deuil du Ride d’antan, se dire que finalement mieux vaut un groupe qui tente des choses, quitte à se planter parfois, que de vieilles gloires se reposant sur leur statut et se contentant de répéter inlassablement la même recette en employant des ingrédients de bien moindre qualité.
Une fois cette réalité digérée, passons à la revue d’effectif. Et réjouissons-nous, que diable ! Car il y a indubitablement de bonnes choses sur ce disque : outre « Future Love », ne négligeons pas le planant et shoegazien en diable « Eternal Recurrence » , l’efficace (bien qu’un peu téléphoné) « Jump Jet », le nerveux et bruyant « Kill Switch » qui, lui, évoque carrément Jesus & Mary Chain, et le fait plutôt très bien… Le groupe ne fait donc pas tout à fait table rase du passé et nous procure en fin d’album une dernière réjouissance, et non des moindres, avec « In This Room » qui, après une entame quelque peu poussive, voit Ride lâcher la bride pour de bon et s’évader dans un long final éthéré qui nous pousse à lâcher prise. Du haut de ses 8’40, « In This Room » conclut en beauté et nous fait oublier les quelques ratés qui émaillent ce disque. Ce serait trop beau…
Déplorons ainsi le roboratif et malheureusement bien nommé « Repetition » à la rythmique presque kraut. Un mélange des genres surprenant, et finalement pas très heureux. Pire que tout, la très policée « Clouds Of Sainte Marie » fait étalage d’une mélodie bien paresseuse (les refrains « nananana », c’est censé être interdit, merci de ne pas l’oublier). Sans être affreux, d’autres morceaux – notamment en fin d’album – semblent faire office de remplissage et n’auraient probablement même pas été retenus en faces B lorsque Ride était grand. Il ne l’est plus, indéniablement, mais parvient à surprendre et à défaut d’un grand disque shoegaze, Ride nous offre un bon disque pop, qui ne marquera ni les esprits, ni son époque mais rassure toutefois quant à la légitimité de son retour.
Jonathan Lopez