Regular Girl – Regular Girl

Publié par le 24 mai 2024 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(Bigoût, 25 mai 2024)

La ville, son ennui et son cortège funèbre d’individus anonymes, l’épigraphe en somme d’un livre qui serait consacré au milieu urbain, rues sans issue, le labyrinthe de notre existence. Pour s’en extraire, une guitare suffit pour communier avec l’harmonie du silence. La symbolique de la forêt n’est pas toujours rassurante, de la crainte de se perdre dans les bois, elle devient un refuge pour le solitaire.

Certaines artistes, dont l’inspiration plus grave dans le propos, parviennent à percevoir la pureté pour l’honorer d’un sceau impérissable à l’égard d’un monde ordinaire. D’une timidité confondante presque transparente, Regular Girl, a accompli ce long chemin, en concrétisant quelques ébauches depuis 2013 en de véritables compositions d’orfèvrerie folk. « Breakthrough » nous avait déjà il y a peu de temps, conquis par ses arrangements musicaux, glissandos de cordes, et ces phrasés d’une beauté admirable. Sous l’apparence d’une fragilité contenue, Regular Girl parvient à toucher au sublime en l’espace de trois minutes et demi. Entourée de Raoul Vignal, Théo Charaf, Stéphane Kerihuel, Chloé parvient à exprimer l’indicible.

Les rêves accompagnent notre existence, et leur influence est manifeste, mais dans cet océan de l’inconscient, des bribes émergent sous la forme de mots et d’images, laissant deviner une série d’instantanés, dont les contours flous sont des étoiles saupoudrées sur papier, le titre « Darkness To Come » déverse toute sa noirceur troublante dans une lucidité confondante. Les mots accentuent l’expression du visage de Chloé, sans jamais en défigurer leurs significations. En écoutant le titre « Thid Wheel » qui ouvre l’album, ballade faussement country, on ressent cette amorce qui s’apparente à une mélancolie, à des halos lumineux, couplés à l’écoulement du temps. Que dire de « Shelter » si ce n’est que tout est réuni, condensé dans une inhabituelle beauté ? Ce miracle est peut-être lié au fait que son autrice se revendique comme une personne ordinaire. Mais ne serait-il pas plus approprié de décrire Regular Girl comme une artiste permanente ? Chaque composition semble être synchronisée avec le décor approprié au sujet, celui d’une nature réconfortante, qui nous console des déceptions, des illusions de ce monde préconçu et prôné comme une page de pub. Après tout, avoir conscience de notre propre vulnérabilité est le signe d’une sagesse acquise aux travers d’expériences personnelles, que la musique préserve et transcende, sans jamais forcer le trait. Regular Girl est une artiste dans sa signification la plus authentique, proche de Tiny Vipers, Tara Jane O’Neil par sa démarche. Cette sincérité prévaut certainement toutes les interprétations.

Franck Irle

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