Porcelain – Porcelain
Il y a des gars comme ça, qui semblent être nés trop tard. En décalage avec leur époque, bénissant de vieilles reliques passées et ne se préoccupant aucunement des tendances actuelles. Porcelain est de ceux-là. Pas de pot pour lui, tant mieux pour nous. Et pour les quelques vieux cons grisonnants toujours bloqués dans les 90s attendant désespérément de trop rares successeurs qui ne connaitront jamais la gloire des ainés. Les vieux cons que nous sommes ont d’ailleurs récemment perdu la raison face à l’affiche totalement folle du prochain Best Friends Forever. The Jesus Lizard, Unwound, Sunny Day Real Estate, Jawbox, Karate, Built to Spill, American Football… Des amis pour la vie assurément. S’ils avaient sorti leur disque trente ans plus tôt, les quatre Texans de Porcelain auraient pu prétendre s’incruster dans ce line-up démentiel. Pour l’heure, ils devront se contenter de squatter les playlists post hardcore des quelques amateurs du genre encore vivants. Maigre consolation. Parce que Porcelain qui n’a pas jugé bon donner un titre à son premier album, en a en revanche pris grand soin. Avec une production impressionnante et un son qui te saute à la gueule. Dès cet « Obi » en ouverture, la force est puissante en eux, pas de doute. L’agressivité est parfaitement restituée, la basse ressort comme il faut (sur « Vanity », elle vient même apporter un subtil contrepoint bienvenu), la batterie se permet bon nombre de subtilités qui ne passent pas inaperçu au milieu des assauts guitaristiques et percées mélodiques savoureuses. On déguste.
Déjà à l’œuvre chez les fameux et féroces Exhalants, Steve Pike et son chant tendu s’avère un parfait meneur d’hommes. Dans « History » qui claque ses dix minutes sans qu’on ne réalise que c’est déjà fini, il nous glisse « History repeats itself », parfaitement conscient qu’ils ne nous la feront pas à nous et qu’ils mettent les pieds dans une scène déjà encombrée de bien des légendes intimidantes. Mais les arguments sont convaincants. Dissonances délicieuses, dialogues de guitares loquaces, ruptures sauvages, égarements incongrus. Tout y est, parfois même un peu plus que ce qu’on espérait, notamment sur les monumentales « Plastic » et « Disgrace » en fin d’album. Des morceaux sur lesquels une grosse touche Unwound se fait sentir, et ça c’est très malin (rappel du barème : tout groupe qui évoque Unwound à l’auteur de ce papier engrange quatre points supplémentaires pour la note finale.*) Pensez (très fort) Unwound, vibrez Drive Like Jehu, hurlez même Fugazi si ça vous chante. C’est bien beau d’avoir de belles refs, faut assumer derrière. Porcelain assure, moins fragile qu’il en a l’air, avec sa pelletée de références totalement assumées et avec des compositions qui tiennent parfaitement la route et se révèlent sacrément addictives. À l’attention des vieux cons mais les jeunes ont également le droit d’avoir bon goût et pourquoi un groupe de post hardcore de 2024 ne pourrait-il pas servir de porte d’entrée ?
Jonathan Lopez
*Fins observateurs que vous êtes, vous avez remarqué qu’on ne met jamais de note. On la refait : « Tout groupe qui évoque Unwound à l’auteur de ce papier engrange quatre superlatifs supplémentaires. »